Les 49 militaires ivoiriens arrêtés le dimanche 10 juillet, soit depuis
plus d’un mois, à l’aéroport de Bamako, ont été inculpés et écroués ce vendredi
par le procureur de la république. Ils sont accusés «d’atteinte à la sûreté de
l’Etat» a notifié Samba Sissoko, au groupe de soldats, au sein desquels se
trouvent deux femmes, qualifiés par les autorités maliennes de mercenaires.
Faux, a rétorqué Abidjan depuis
le début de cette affaire d’Etat qui ne devait pas en être une. Ces hommes et
femmes, a soutenu le gouvernement ivoirien, font partie des effectifs de
l’armée nationale de Côte d’Ivoire et se trouvaient en mission de soutien logistique
à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la
stabilisation au Mali (Minusma). S’il faut reconnaître que des
dysfonctionnements ont peut-être existé dans cet envoi des militaires ivoiriens
en terre malienne, à en croire notamment les avis parfois contradictoires de la
Minusma, il n’en demeure pas moins que la nature de la mission, sa date et sa
composition étaient bien connues des autorités maliennes. Comme quoi, la junte
malienne a bien préparé son coup, pour punir le chef de l’Etat ivoirien,
d’avoir été, en son temps, de la ligne dure dans la prise de sanctions
drastiques de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest
(CEDEAO) contre les putschistes maliens.
Si fait que malgré la médiation
portée par le président togolais Faure Essomzina Gnassingbé, et même des
leaders religieux maliens, la junte militaire a été jusqu’au-boutiste faisant
comparaître les 49 militaires devant «sa» justice qui n’est pas passée par
quatre chemins pour appliquer la loi. Question: les hommes et femmes jugés ne
sont-ils pas finalement que de simples otages que le colonel Assimi Goïta, met
dans la balance, en négociant leur libération contre la «livraison» d’anciennes
personnalités du régime civil déchu et qui vivent en Côte d’Ivoire où ils ont
trouvé refuge pour échapper à la chasse à l’homme lancée par les putschistes
maliens?
De ces personnes dont les têtes
valent de l’or pour la junte malienne, font partie, Karim, le fils de l’ancien
président malien, Feu Ibrahim Boubacar Keïta et des membres du gouvernement de
IBK, dont le Premier ministre Boubou Cissé, les ministres Tiéman Hubert
Coulibaly et Mamadou Igor Diarra et le directeur de banque, Babaly Dah. Entre
autres, ce sont les marchandages vils auxquels se livrent le colonel Assimi
Goïta et les siens.
En faisant monter les enchères
dans cette négociation pour ramener les «otages» ivoiriens à la maison, la
junte militaire sait-elle au moins qu’elle met fortement à mal les légendaires
relations de bon voisinage, valeur sur laquelle ne transige pas la société
africaine? Mais visiblement, les putschistes n’en n’ont cure. Oubliant qu’ils
sont arrivés aux affaires par effraction, ce qui a entraîné leur mise au ban de
la communauté internationale, les putschistes ne se fixent aucune limite dans
l’accomplissement de leur but caché qui, en réalité est de demeurer au pouvoir,
en jouant sur un patriotisme de mauvais aloi et un sentiment anti-occident dont
ils ont fait leur programme de gouvernance.
Comment dans ce contexte, le cas
de l’ex-Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maïga, mort en détention au
Mali faisant jurisprudence, les hommes forts de Bamako, veulent-ils contraindre
la Côte d’Ivoire à leur remettre ces anciens dignitaires contre lesquels ils
ont émis des mandats d’arrêt internationaux? En tout cas, le colonel Assimi
Goïta ouvre trop de fronts contre un pouvoir bâtard qui aurait rendu un grand
service au Mali en se contentant d’organiser et d’arbitrer des élections
ouvertes pour le retour d’un pouvoir civil, et retourner au front pour sauver
les populations civiles et ses soldats, des griffes du terrorisme.
Départ des forces françaises
Barkhane et européenne Takuba du Mali, retrait du Mali de la force conjointe du
G5 Sahel, arrêt des signaux de France 24 et de RFI, suspension par Bonn de ses
opérations militaires sur les rives du Djoliba, etc. Ce sont autant de «hauts
faits de guerre» dont peuvent se targuer les putschistes auxquels rend visite,
en principe ce lundi, le président sénégalais et président en exercice de
l’Union africaine. Macky Sall, là où la médiation togolaise est toujours
d’actualité, tout comme d’autres créneaux de négociation, saura-t-il ramener le
colonel Assimi Goïta à de meilleurs sentiments et surtout favoriser le retour
des 49 militaires ivoiriens à Abidjan?
Pour l’instant, la junte
militaire fait feu de tout bois, continuant à surfer sur une fierté nationale
malienne qui se perd sans doute dans les entrelacs des calculs égoïstes et très
personnels du colonel dont les exploits seraient, pourtant, mieux appréciés au
front contre les djihadistes que dans les bras-de-fer futiles contre les
voisins et partenaires du Mali.
WS