Les violences en Afrique du Sud, nourries par un ras-le-bol général sur fond de crise économique, se sont intensifiées avec un dernier bilan faisant état de 72 morts, après avoir sporadiquement commencé dans la foulée de l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma.
En pays zoulou (Est), fief de l’ancien chef d’Etat où il est
emprisonné depuis jeudi, des premiers incidents limités avaient éclaté le
lendemain avec des routes bloquées et plusieurs camions incendiés.
Mais en quelques jours, 27 personnes ont trouvé la mort dans
la région, selon la police mardi soir. A plus de 500 km de là, les violences et
les pillages frénétiques se sont répandus dans la plus grande ville du pays,
Johannesburg : 45 personnes sont mortes dans la province du Gauteng.
La plupart des décès sont survenus lors de bousculades
pendant des pillages de magasins et de centres commerciaux, a affirmé la
police. D’autre morts et blessures sont aussi liées à des explosions de
distributeurs automatiques de billets et à des tirs, a-t-elle précisé.
« Je ne me sens pas vraiment concerné par Zuma, c’est
un vieil homme corrompu qui mérite d’être en prison. Je prenais des choses dans
le magasin pour ma mère », a déclaré à l’AFP Tibello, 30 ans, au chômage,
les bras chargés de chips et de bonbons près d’un centre commercial de Soweto,
dévasté un peu plus tôt par les pillards.
Durement touchée par une troisième vague de Covid-19,
l’Afrique du Sud, qui a atteint un chômage record à 32,6% avec la pandémie, a
imposé de nouvelles restrictions sanitaires fin juin.
Dans ce contexte, des milliers de Sud-Africains ont fait la
sourde oreille aux appels au calme des autorités et continué à affluer mardi
vers les entrepôts et les magasins, remplissant charriots et coffres de
voitures.
« Police
dépassée »
Les images des pillages ont montré des foules compactes et
avides se précipitant pour récupérer un téléviseur géant, une table, des
couches ou encore des conserves…
La police, en sous-nombre, a rapidement été dépassée.
L’armée a été déployée, 2.500 soldat venant épauler les policiers dans les
points chauds, notamment dans les townships autour de Johannesburg.
Au total, 1.234 personnes ont été arrêtées. Mais dans la
soirée, des messages donnant peu à peu une idée de l’étendue des destructions continuait
à affluer.
« Cet après-midi, un de nos dépôts a été pillé et brûlé »,
a posté sur Facebook une des plus grandes brasseries du pays, South African
Breweries, ajoutant redouter une autre “attaque” dans la nuit.
La raffinerie South African Petroleum (Sapref) a déclaré
fermer temporairement son usine, qui fournit 35% du carburant consommé dans le
pays, pour cause de « force majeure ».
A Durban, ville côtière du Kwazulu-Natal sur l’Océan Indien,
une femme prise au piège dans un bâtiment en feu, a été vue jetant son bébé par
une fenêtre pour le sauver. Un groupe de personnes au pied de l’immeuble avec
des commerces au rez-de chaussée, ont réussi à le rattraper, sain et sauf.
Si les « frustrations et la colère » ont « des
racines politiques », « aucune cause ne peut justifier » ces
violences, a fustigé le président Cyril Ramaphosa.
Le ministre de la Police, Bheki Cele, s’est engagé à ce que
la situation “ne se détériore pas davantage”. Mais dans la journée, des images
ont montré des pillards faisant tranquillement des allers et venus dans un
centre commercial du township miséreux d’Alexandra.
Dans une boucherie de Soweto, des pillards ont vidé les
chambres froides à la barbe d’un agent de sécurité privé impuissant. La police
ne s’est présentée que trois heures plus tard.
Le parti d’opposition Democratic Alliance a annoncé qu’il
porterait plainte contre plusieurs enfants de M. Zuma qui ont multiplié ces
derniers jours les appels à la violence.
Jacob Zuma a été condamné à 15 mois de prison ferme après
avoir, à plusieurs reprises, refusé de témoigner dans le cadre d’enquêtes sur
la corruption d’Etat pendant sa présidence (2009-2018).
AFP