Ce 05 septembre marque le deuxième anniversaire de la prise du pouvoir par le Conseil National pour le Rassemblement et la démocratie (CNRD). Cette junte qui, telle une lame de fond était venue balayer le régime controversé d’Alpha Condé un dimanche matin, aux premières lueurs du jour. Offrant ainsi une lueur d’espérance au peuple martyr de Guinée. Qui depuis 1958, date de son indépendance, continue d’être tiraillé entre désenchantement et désespoir. Par la faute de gouvernants kleptocrates et à la vision étriquée.
Ce coup de
force perçu au départ comme vertueux, survenu comme une rupture stratégique,
devait ouvrir une nouvelle ère, synonyme d’une nouvelle page blanche, que les
Guinéens devaient dorénavant remplir dans l’harmonie et en parfaite symbiose.
C’était sans
compter avec les vieilles pratiques, à la peau dure dans notre landerneau. Ces
forces centrifuges qui sont en train d’avoir raison du colonel Mamadi
Doumbouya, l’inspirateur de cette révolution de palais.
Ce deus ex
machina, au physique de gladiateur, avait pourtant dans l’euphorie de sa
success-story, promis la lune aux Guinéens.
A travers
des concepts de refondation et de rectification institutionnelle, entre autres,
qui avaient fait mouche. On aurait dit le général De Gaulle, au lendemain de la
guerre, attelé à la refondation républicaine et à la reconstruction politique
de l’État français.
Seulement,
comme l’a dit Blaise Pascal : « Vérité au-delà des Pyrénées, erreur en-deçà ».
Nous ajouterons aussi à la décharge du président de la transition que «
comparaison n’est pas raison ».
Nous voilà
donc à l’heure des comptes, qui vient de sonner ce 05 septembre, sur la grande
horloge, pour les deux ans de règne. C'est le moment de chanter une ode à la
gloire de la junte. Ou de lui voler dans les plumes. Le choix est libre.
Dans ce feu
de la passion, certains ont du mal à contrôler leurs émotions. Ainsi entre le bilan globalement négatif,
dressé à brûle-pourpoint par les contempteurs du régime et celui globalement
positif, servi par ceux qui tressent des lauriers à la junte, à grand renfort
de propagande, le match semble se jouer sur la toile.
Autant il
faut se garder de pousser les choses au noir, autant il faut éviter de tomber
dans la basse flagornerie. Pareilles circonstances commandent de faire preuve
de jugeote, dans la distribution des bons et mauvais points.
Deux ans
après son avènement aux affaires, qu’a donc apporté ce gouvernement fait de
bric et de broc au peuple de Guinée ?
En termes
d’actifs, un inventaire à la Prévert s’impose à nous, pour dresser le tableau
des livrables. Il s’agit des infrastructures routières et immobilières. Des
projets qui pour la plupart avaient été concoctés sous l’ancien régime. Mais
dont la mise en musique n’a été possible que grâce à la proactivité du CNRD.
Une junte
qui évolue en mode fast-track, contrairement au pouvoir précédent qui préférait
aller à pas comptés. Au nombre des actifs à coller à ce bilan, figure la
création de la Crief contre les déprédations des deniers publics.
C’est dans
ce même sillage qu’a été entrepris l’épuration du fichier de la fonction
publique. Sans oublier le dégraissage du mammouth de la grande muette,
véritable tonneau des Danaïdes.
En résumé,
la junte a dès au départ entrepris d’inculquer aux citoyens des valeurs
d’éthique au travail et d’intégrité. Forger un nouveau guinéen en quelque
sorte.
Malheureusement,
deux ans après le putsch salvateur, il y a loin de la coupe aux lèvres. En
effet, dans sa course d’obstacle, la grande lessive promise par la junte au
niveau des écuries d’Augias, et qui devait servir de marqueur à cette
transition, peine à prendre forme. L’embellie économique caractérisée par un
rebond de la croissance à 5,6%, saluée certes par les institutions de Bretton
Woods, n’occulte en rien la galère que vivent au quotidien de nombreux
guinéens. Dans la quête de leur pitance.
Pendant ce
temps, certaines grosses huiles du CNRD, trahies sans doute par leur train de
vie mirobolant, viennent conforter ceux qui accusent le régime de reproduire
les mêmes pratiques honnies sous l’ancien système. Comme quoi « on ne se refait
pas ».
Le colonel
Doumbouya a beau être un parangon de vertu, il lui sera difficile d’échapper à
la pesanteur culturelle africaine. Qui selon le sociologue malien Moussa Konaté
conduit à « une forme de privatisation de la fonction publique, qui aujourd’hui
n’est plus d’abord au service du citoyen, mais à celui de la famille, du groupe
auquel appartiennent les fonctionnaires ».
Nous
n’allons pas clore cet exercice, sans pour autant déplorer la morgue avec
laquelle les forces vives sont traitées par le gouvernement de transition. Des
forces vives condamnées pour le moment à la réclusion, faute de dialogue et de
gestion inclusive de la transition. Comme elles ne cessent de le réclamer à cor
et à cri. D’où ce coup d’éclat promis pour ce 05 septembre, en guise d’exutoire
de sa colère.
Car le
colosse, à sa prise de pouvoir, n'avait pas prévenu ses compatriotes, comme
Churchill, ancien Premier ministre anglais, en son temps, de n'avoir à leur
offrir que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ».
Malgré cette
gouvernance poussive, faite de hauts et de bas, les Guinéens devraient garder
espoir. Car si l’on en croit Platon : « c’est en gouvernant, qu’on devient bon
dirigeant ».
Au colonel
donc de revoir sa copie, pour conduire le navire à bon port. C'est l'ultime
prix à payer pour être porté sur la colline des légendes.
Mamadou Dian Baldé