Le 5 septembre 2023, était jour de manifestation pour les Forces vives
de Guinée (FVG), à l’occasion du deuxième anniversaire du coup d’Etat militaire
du Comité national de rassemblement et de développement (CNRD) qui a renversé
le président Alpha Condé dans les conditions que l’on sait. Un deuxième
anniversaire sur fond de vives tensions, en raison de l’interdiction de la
manifestation par la junte militaire au pouvoir qui a sorti, à l’occasion,
l’artillerie lourde. Et ce, face à des manifestants décidés à exprimer leur
mécontentement relativement à la conduite de la transition étant donné qu’aucun
échéancier clair ne se dessine, « en vue d’un retour diligent, consensuel et
paisible à l’ordre constitutionnel en Guinée ». C’est ainsi que dans ce bras de
fer qui ne dit pas son nom, des échauffourées entre manifestants et forces de
l’ordre ont éclaté la veille pour se poursuivre le lendemain avec à la clé des
morts laissés sur le carreau, dans des scènes de capharnaüm dont la capitale
guinéenne détient maintenant le secret.
Le colonel Mamady Doumbouya n’est pas loin de marcher dans les pas de
ses prédécesseurs
Des scènes de brutalité qui ne
sont pas sans rappeler les jours sombres des violences meurtrières qui ont
souvent émaillé les manifestations au pays de Sékou Touré. Mais attention au
réveil des démons assoupis ! Car, en pareilles circonstances, on sait
généralement quand commencent les manifestations mais on ne sait jamais
jusqu’où elles peuvent mener. Et dans le cas d’espèce, si les positions des uns
et des autres doivent se radicaliser, on ne sera pas loin de revivre les jours
de braise des différentes contestations de rue qui, de Lansana Conté à Alpha Condé
en passant par Moussa Dadis Camara, ont endeuillé de nombreuses familles en
Guinée avec parfois des souvenirs de chocs traumatiques indélébiles. Et le
colonel Mamady Doumbouya n’est pas loin de marcher dans les pas de ses
prédécesseurs, dans sa volonté de s’imposer à ses compatriotes par la force du
canon. Toujours est-il que les mêmes causes produisant les mêmes effets, il
faut craindre que l’épreuve de force que les protagonistes ont engagée dans la
rue, ne finisse par exacerber les tensions. On peut aussi craindre que
l’étincelle de cette crise protéiforme ne se transforme en un grand brasier,
comme la Guinée en a souvent donné à voir le spectacle désolant de par le
passé. C’est dire toute la nécessité, pour les Guinéens, de travailler à
apaiser les tensions et à restaurer la confiance entre eux. A commencer par la
junte au pouvoir qui, au lieu de passer le temps à bander les muscles pour un
oui ou pour un non, gagnerait, dans ses actes de tous les jours, à rassurer les
Guinéens sur la noblesse de ses intentions en élaborant un calendrier clair de
sortie de transition. Cela est d’autant plus impératif que tout porte à croire
que c’est le manque de lisibilité dans le calendrier de retour à l’ordre
constitutionnel, qui suscite aujourd’hui l’impatience et la colère des
contempteurs de la junte au pouvoir à Conakry.
Le peuple guinéen a souvent fait la preuve de sa ténacité dans son
combat contre l’arbitraire et la dictature
Et ce, en attisant la flamme de la
contestation contre les tombeurs d’Alpha Condé dont le coup de force avait
pourtant été applaudi par bien des Guinéens.
Comment peut-il en être autrement quand, à quelques encablures de
l’échéance prévue de la transition, les militaires ne montrent aucun empressement,
encore moins de signe visible de préparation sérieuse des élections ? « Pas de
projet de Constitution, ni de Code électoral, ni d’organe de gestion des
élections, ni d’opérateur technique, ni de fichier électoral, ni de budget
réaliste des élections ». Autant de griefs portés contre le colonel Mamady
Doumbouya et ses frères d’armes accusés de faire dans le dilatoire quand ils ne
sont pas soupçonnés d’avoir un agenda caché, par les FVG qui ont appelé à cette
manifestation. Des Forces-vives derrière lesquelles se cache mal le spectre du
Front national de défense de la Constitution (FNDC) qui a porté la résistance
contre le troisième mandat d’Alpha Condé jusqu’à la chute de ce dernier et qui
refuse aujourd’hui encore de mourir ou de se laisser conter fleurette par la
junte militaire qui a prononcé sa dissolution dans les conditions que l’on
sait. En tout état de cause, la violence n’a jamais résolu les problèmes alors
que le peuple guinéen a souvent fait la preuve de sa ténacité dans son combat
contre l’arbitraire et la dictature. C’est pourquoi, plutôt que de jouer à se
faire peur, le Colonel Mamady Doumbouya gagnerait à descendre de son piédestal
pour engager un dialogue franc et sincère avec son peuple qui ne demande que
des gages de sa bonne foi dans sa conduite des affaires de la transition.
Autrement, s’il doit continuer dans la voie de la répression, le risque est
grand pour lui, de se tacher davantage les mains du sang de ses compatriotes au
risque de répondre un jour du jugement de l’histoire, à l’image de Moussa Dadis
Camara.
« Le Pays »