La présence du colonel Mamadi Doumbouya le 3 juin dernier à Ankara, parmi la vingtaine de chefs d’État à l’investiture du président turc Recep Tayyip Erdogan, réélu pour un 3ème mandat, remet au goût du jour cette citation du général de Gaulle, selon laquelle : « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Cette invitation, perçue par maints observateurs comme un appel d’air pour le raffermissement des relations bilatérales entre Ankara et Conakry, pourrait aussi contribuer à sceller la reconnaissance de la junte guinéenne à l’international. En refusant ainsi de lâcher la proie pour l’ombre, Erdogan prouve que son amitié avec Alpha Condé pèse peu dans la balance, comparée aux intérêts de son pays.
Après des rapports orageux entre Ankara et Conakry,
consécutifs à l’éviction d’Alpha Condé du pouvoir par une junte militaire, les
nuages semblent se dissiper. La présence du président guinéen parmi les happy
few, lors de la cérémonie d’investiture de son homologue turc, est la preuve de
ce réchauffement des relations entre les deux pays.
En effet, imprégné qu’il est de tous les enjeux de la coopération
bilatérale entre la Guinée et la Turquie, le colonel Mamadi Doumbouya n’a pas
voulu se faire conter cette grand-messe.
Quand on sait que l’occasion serait opportune pour faire
coup double. A savoir effleurer les tenants et les aboutissants de la coopération
entre les deux États, tout en évoquant en filigrane le cas Alpha Condé.
L’ancien chef d’État qui, à partir d’Istanbul, où il est retranché, ne cache
nullement les sombres velléités qu’il nourrit vis-à-vis du pouvoir de Conakry.
Devenant en quelque sorte pour M. Erdogan, le sparadrap du
capitaine Haddock. D’ailleurs, le groupe Albayrak, multinationale turque, très
présente en Guinée, à travers la gestion du port de Conakry, a failli faire les
frais des foucades du champion du RPG contre la junte. Car, excédée par ces
harcèlements, la junte aurait demandé à plusieurs reprises, à Albayrak de faire
ses valises, pour débarrasser le plancher.
Mais à chaque fois que les nouvelles autorités haussent le
ton, le gouvernement turc parvient à contenir leurs ardeurs. Pour éviter
d'effacer, telle une ardoise magique, tous les sacrifices consentis en termes
d’investissement par Ankara en Guinée.
Les deux pays comptent d’ailleurs élargir cette coopération
au domaine aéroportuaire. Avec l’extension de l’aéroport de Conakry, dont les
travaux sont confiés à un consortium turc.
Du pain bénit pour la Turquie, qui profite ainsi du départ
de l’Aéroport de Paris (ADP) du capital de la SOGEAC.
Bien des gens pensent qu’à cette allure, l’hôte encombrant
de M. Erdogan a intérêt à faire profil bas. Au risque de devoir déménager à la
cloche de bois. Pourquoi pas au Nigeria, où c’est un de ses bras droits, en la
personne de Bola Tinubu, qui dirige dorénavant les destinées de ce grand pays
africain.
Comme quoi, dans la realpolitik, les intérêts des États
passent avant ceux des hommes. Des subtilités que les hommes d’État ne
devraient guère ignorer, outre mesure. Malheureusement pour Alpha Condé qui est
en train de l’apprendre à ses dépens.
Mamadou Dian Baldé