Il était l’un des terroristes les plus recherchés au monde. Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda, a été éliminé ce week-end par une frappe de drone américain dans un appartement de Kaboul. L'information a été confirmée par Joe Biden.
Al-Zawahiri était un nom presque aussi connu que Ben Laden,
peut-être plus encore sur le continent africain. Car ce chirurgien égyptien
avait lancé toutes ses franchises à travers le monde et l’Afrique. L'une des
plus importantes d’entre elles étant Aqmi, al-Qaïda au Maghreb islamique.
En 2002 déjà, il posait les premiers jalons de la stratégie
africaine d’al-Qaïda. L’organisation avait, quatre ans auparavant, perpétré de
premiers attentats sur le continent, visant les ambassades des États-Unis au
Kenya et en Tanzanie. Mais ce n’est qu’en janvier 2007 qu’al-Qaïda au Maghreb
islamique voit le jour. Aqmi prend la suite d’un mouvement algérien, le GSPC,
le Groupe salafiste pour la prédication et le combat. L’entente est scellée par
Ayman al-Zawahiri et Abdelmalek Droukdel. Ce dernier, figure du jihadisme
algérien, va alors développer Aqmi en étendant son influence au Sahel.
S’affranchit-il parfois de la tutelle d’al-Qaïda central ? C’est ce qu’avancent
certains chercheurs, notamment lorsque le groupe développe une stratégie
propre, celle des prises d’otages.
Après la prise de contrôle du nord du Mali en 2012 par les
jihadistes, puis l’intervention de l’armée française, Aqmi perd du terrain.
Mais l’organisation regagne en influence à partir de 2017 lorsqu’un nouveau
groupe voit le jour : le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jnim,
son acronyme arabe). Cette nouvelle entité rassemble plusieurs structures
jihadistes : Aqmi, Ansar Dine, Ansarul Islam, la katiba Serma et la katiba
Macina.
Or, pour le chercheur Guillaume Soto Mayor, « une analyse
par le prisme idéologique montre que toutes les composantes du Jnim sont bel et
bien membres à part entière d’al-Qaïda ». Le Jnim va d’ailleurs suivre les
principes édictés en 2018 par Ayman al-Zawahiri sur la stratégie d’al-Qaïda en
Afrique, notamment en ce qui concerne l’implantation locale et le harcèlement
des forces de défense et de sécurité. Mais le groupe va rapidement être
confronté à l’arrivée dans la région de l’État islamique au Grand Sahara
(EIGS), avec qui la concurrence sera féroce.
Une élimination
symbolique ?
« Il est vrai qu’al-Zawahiri fait partie de la génération
fondatrice, comme Abdallah Azzam, souligne Bakary Sambe, directeur régional du
Timbuktu Institute et fondateur de l'Observatoire des radicalismes et conflits
religieux en Afrique. Et dans la trajectoire du mouvement, on voit comment, par
le travail humanitaire, ils approchaient les jeunes générations africaines avec
notamment le Bureau qui a été mis en place par Ben Laden lui-même, qu’on
appelle le “Bureau des services”. Mais en même temps, Ben Laden, grand
financier, gérant et logisticien, va procéder au recrutement de volontaires
étrangers. Et je pense que les terminologies comme “l’envahisseur”, “les
croisés”, seront pour al-Zawahiri une manière d’internationaliser le jihad, une
“macdonalisation du jihad” avec la création de succursales, mais aussi une
labellisation de mouvements jihadistes. »
Pour s’implanter durablement, al-Qaïda tolère les pratiques
locales : islam mêlé d’animisme, chefferies traditionnelles, imams locaux
associés aux décisions de justice et certaines pratiques jugées « déviantes »
tolérées, au moins dans un premier temps, afin de gagner l’adhésion des
populations. L’objectif affiché est d’imposer la charia et de reprendre le
pouvoir par la force à des États locaux jugés corrompus et injustes, de
surcroît alliés à des forces militaires étrangères. L’usage de la violence par
les combattants d’Aqmi est moins massif et moins systématique que chez le futur
grand rival, le groupe État islamique. Une différence notable sur le terrain, même
s’il faut rappeler qu’Aqmi tue presque quotidiennement au Sahel, y compris des
civils.
Bakary Sambe dit ne pas croire que la mort d’al-Zawahiri
affaiblisse des groupes comme Aqmi ou la katiba Macina. « Ben Laden est mort,
le jihadisme, lui, est bien vivant. C’est aussi ma critique par rapport à ces
coups d’éclat, ces éliminations de cibles symboliques pour dire qu’on avance
dans la lutte contre le terrorisme. Je crois que l’élimination des cibles n’a
jamais aidé à éliminer le terrorisme. »
Radio France Internationale
(RFI)