Combien sont-ils les morts de Seytenga? 200 selon certains. Des
centaines affirment d’autres. Une cinquantaine de cadavres retrouvés en plus
des 11 gendarmes tués le jeudi, avance le gouvernement. Saura-t-on, un jour,
avec certitude combien d’habitants ont été assassinés dans cette tuerie d’une
rare ignominie, dans cette nuit cauchemardesque du 11 au 12 juin? Ce n’est plus
un secret, même si le gouvernement éprouve des difficultés à parler de ce drame
pour lequel il évoque un bilan provisoire d’une cinquantaine de morts que le
carnage était sans commune mesure à Seytenga. Tout compte fait, un mort de plus
est un mort de trop et ce ne sont pas les décrets instituant des deuils
nationaux qui arrêteront les forces du mal dans leur entreprise funeste.
A l’instar de celui de 72 heures
qui vient d’être décrété par le gouvernement burkinabè et qui court de ce mardi
à 00h au jeudi à 24h, les deuils nationaux semblent plutôt doper l’ardeur des
terroristes qui tirent une satisfaction morbide de la tristesse qu’ils
provoquent. Il est plus que jamais temps d’arrêter d’alimenter le livre
Guinness des records des massacres terroristes dans le Sahel africain. En
effet, après Solhan et ses 160 morts dans le Yagha, Seytenga dans la province
voisine du Séno, dernier théâtre des massacres qui portent la griffe de l’Etat
islamique dans le Grand Sahara (EIGS), se hisse sur la deuxième marche du
podium des villes martyres. Comme singularité, gloire dont elle aurait voulu
sans doute se passer, Seytenga porte le sceau de premier grand massacre de
masse qu’étrenne le pouvoir de transition du lieutenant-colonel, Paul-Henri
Sandaogo Damiba, l’actuel homme fort de Ouagadougou.
Paradoxe des paradoxes, ce sont
ces attaques terroristes dont la fréquence est devenue alarmante au Burkina qui
ont servi de déclencheur à la prise de pouvoir par les armes, le 24 janvier,
aux nouveaux maîtres de Ouagadougou, après le règne non moins catastrophique de
l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, incapable d’apporter une riposte
adéquate à la menace terroriste qui détruisait inexorablement le Burkina.
Quelles circonstances atténuantes pour la junte militaire, en dehors du temps
qu’on pourrait juger court pour extirper le ver du fruit où il a eu sept bonnes
années pour s’installer? Que manque-t-il aux Forces de défense et de la
sécurité pour sortir le Burkina du gouffre sécuritaire?
«Allez-y dire au Premier
ministre, allez-y dire au président du Faso que je commande des hommes d’honneur
et j’ai besoin de moyens pour montrer de quoi ils sont capables». Certes, ces
mots du chef d’état-major de la Gendarmerie nationale, le colonel Evrard Somda,
ne sont que ceux d’un contexte, celui d’une cérémonie d’hommage organisée ce
mardi, au camp Paspanga, QG des pandores, à l’occasion de la sortie de l’album
«Sacerdoce» de l’artiste slameur
gendarme Wé-Wé. Mais ce sont des paroles qui sonnent comme un cri du cœur et
résument assez bien l’esprit valeureux, non pas que des «Evrard Boys», mais de
tous les éléments de l’armée burkinabè qui peuvent peu et sont souvent
contraints de toujours se défendre et mal, parce que très vite débordés par la
puissance de feu d’un ennemi sournois.
Malheureusement pour les
populations du Sahel et de l’Afrique de l’ouest, selon ce proverbe africain,
c’est un seul âne qui a mangé la farine et la bouche de tous les autres ânes
est devenue blanche. En effet, c’est alors que les pays africains frappés par
le terrorisme ont davantage besoin d’unir leurs forces en s’appuyant également
sur de solides et efficaces partenariats d’Etat à Etat avec les puissances du
nord, que la junte malienne décide de se retirer du G5 Sahel qu’il avait
constitué avec le Niger, le Burkina, la Mauritanie et le Tchad. Pire, les
Maliens ont contraint Barkhane à se désarticuler au Mali pour se réarticuler
ailleurs. Pas plus tard que ce lundi, l’armée française a remis, officiellement
aux Forces armées du Mali, les clés de la base militaire de Ménaka, dans le
nord-est du pays. Un symbole de plus qui illustre l’avant-dernière étape du
retrait de Barkhane du Mali.
Sinon, comme un cancer incurable,
les Seytenga du Burkina et les Moura du Mali, vont se métastaser, et finiront
par mettre à genoux les pays de l’ouest africain. Et peut-être plus loin, si
affinités!
ws