Ce mardi, alors qu’elle venait s’enquérir des nouvelles du Burkina
après son deuxième putsch militaire en moins de 10 mois, la délégation de la
Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) n’a pu voir de
Ouagadougou que son aéroport. En effet, quelques manifestants qui auraient dû
se trouver ailleurs, par exemple derrière un petit commerce pour s’assurer la
pitance quotidienne devenue rare en ces temps où sévissent les attaques de
terroristes et autres Hommes armés non identifiés (HANI) qui ont pris pour
cible le Burkina Faso qui compte difficilement ses morts et personnes déplacées
internes.
Mais les manifestants, à pieds ou
à moto, ont préféré braver la chaleur assommante de ce jour, pour crier leur
hostilité à l’endroit de cette CEDEAO comme surprise par cette pluie de putschs
militaires qui s’est abattue sur le Mali, la Guinée et le Burkina. Assiégeant
certaines artères et les abords de la présidence et de l’aéroport international
de Ouagadougou, cette cohorte de manifestants qui, au change et sur la durée,
ne rendent pas forcément service au Mouvement patriotique pour la sauvegarde et
la restauration (MPSR) et son nouveau maître le capitaine Ibrahim Traoré, a
contraint les hôtes d’un jour du Burkina à tenir toutes leurs rencontres là où
leur avion les a déposés.
Pourtant le facilitateur auprès
du Burkina pour une conduite efficace de sa transition, l’ancien président
nigérien Mahamadou Issoufou, et sa délégation, n’étaient pas sanglés en costume
strict de censeur, mais venus juste pour rappeler au tombeur du
lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, que son pays avait pris
l’engagement d’organiser des élections au plus tard en juillet 2024 pour
consacrer le retour du pouvoir aux civils. Du reste, après avoir dit aux chefs
religieux et coutumiers le mérite qui est leur, eux qui ont désamorcé la bombe
de l’affrontement fratricide entre les éléments du MPSR I et ceux du MPSR II,
et rencontré le nouvel homme fort de Ouagadougou, Mahamadou Issoufou et ses
compagnons de séjour éclair, ont exprimé toute leur satisfaction.
Comme quoi, le Burkina peut
encore pousser un ouf de soulagement, lui qui a échappé jusqu’à présent aux
sanctions draconiennes, contrairement au Mali voisin pris entre le marteau des
terroristes et l’enclume du double putschiste en chef, le colonel Assimi Goïta.
La CEDEAO continuera donc d’accompagner le Burkina dans une transition qui est
loin d’être la plus simple parce que les attaques armées n’ont jamais cessé
d’endeuiller les populations civiles et une armée nationale qui, malgré la
bravoure de ses éléments, garde encore une bonne longueur de retard sur les
assaillants. Cependant, il faut déplorer que les soldats burkinabè ouvrent le
boulevard aux hommes sans foi ni loi, en se battant entre eux, pour la conquête
ou la sauvegarde du fauteuil présidentiel de Kossyam, avec une puissance de feu
qui aurait pu faire très mal à l’ennemi commun.
Mais ce n’est pas seulement
l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ou le Groupe de soutien à l’islam
et aux musulmans (Jnim), et autres affidés d’al-Qaïda qui s’intéressent au
Burkina. La société de sécurité privée russe Wagner, dont les combattants à la
réputation sulfureuse sont qualifiés de mercenaires par des Etats et des
organisations internationales de protection et de défense des droits humains,
ne fait aucun mystère de son amour soudain pour le Burkina. Le boss du groupe
russe, Evgueni Prigojine, n’est pas passé par quatre chemins pour apporter son
soutien aux hommes du MPSR II. Il n’en n’est pas à son premier coup, s’étant
déjà signalé suite au premier coup d’Etat du 24 janvier qui a renversé le
président élu, Roch Marc Christian Kaboré. Le Russe dit très proche de Vladimir
Poutine, aura-t-il plus de succès avec le capitaine Ibrahim Traoré dont les
soutiens paradent dans leurs manifestations drapeaux russe et burkinabè en
l’air et rugissant des appels aussi hostiles à la France qu’amicaux à la
Russie?
En tout cas, comme son successeur
Damiba, le capitaine Traoré a promis de diversifier les partenariats du Burkina
sur le plan international. Tous les pays, la France et la Russie y compris,
sont donc les bienvenus à Ouagadougou. Ce qui est loin d’être une mauvaise option,
tant qu’on ne quittera pas un ancien «maître» pour s’assujettir à un nouveau!
Surtout qu’aucune de ces puissances ne viendra soutenir, dans la lutte contre
le terrorisme, les Burkinabè pour leurs beaux yeux! Un capitaine prévenu en
vaut…
WS