Vingt-cinq places en plus par rapport à l’année
dernière, voile ce que gagne la Guinée dans le cadre de la liberté de la presse.
C’est un classement établi par Reporter Sans Frontière. La Guinée est donc placée 84ème au plan mondial, avec un score de 59, 82
points. Depuis le début de la transition en
septembre dernier, explique le rapport, la situation semble s’être apaisée. Le
Premier ministre Mohamed Béavogui s’est
engagé, lors d’une rencontre avec RSF, à défendre la liberté de la presse.
Toutefois, indique RSF, le manque de visibilité incite les journalistes à la prudence. L’institution
rappelle que des mesures visant à censurer les medias avaient été observées de
2010 à 2021, pendant le régime Alpha Condé.
Voici l’intégralité du rapport de RSF
Classement
mondial de la liberté de la presse 2021 : le journalisme est un vaccin contre
la désinformation, bloqué dans plus de 130 pays
L’édition 2021
du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans
frontières (RSF) démontre que le principal vaccin contre le virus de la
désinformation, à savoir le journalisme, est totalement ou partiellement bloqué
dans 73 % des pays évalués par RSF.
Le Classement
mondial de la liberté de la presse, qui évalue tous les ans la situation de la
liberté de la presse dans 180 pays et territoires, montre que l’exercice du
journalisme, principal vaccin contre le virus de la désinformation, est
gravement entravé dans 73 des 180 Etats du Classement établi par RSF et
restreint dans 59 autres, soit au total 73 % des pays évalués. Ces chiffres
correspondent au nombre de pays classés rouge ou noir sur la carte mondiale de
la liberté de la presse, c’est-à-dire ceux dans lesquels le journalisme est
dans une “situation difficile”, voire “très grave” et à ceux classés dans la
zone orange, où l’exercice de la profession est considéré comme “problématique”.
Le blocage du
journalisme est révélé par les données du Classement qui mesurent les
restrictions d’accès et les entraves à la couverture de l’actualité. RSF a
enregistré une dégradation flagrante de l’indicateur sur la question. Les
journalistes sont confrontés à une “fermeture des accès” au terrain comme aux
sources d’information, du fait ou au prétexte de la crise sanitaire. Seront-ils
d’ailleurs rouverts après la fin de la pandémie ? L’étude montre une difficulté
croissante pour les journalistes d’enquêter et de faire des révélations sur des
sujets sensibles, en particulier en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’en
Europe.
Le baromètre
Edelman Trust 2021 révèle une défiance inquiétante du public envers les
journalistes : 59 % des personnes interrogées dans 28 pays considèrent que les
journalistes tentent délibérément d'induire le public en erreur en diffusant
des informations dont ils savent qu’elles sont fausses. Néanmoins, la rigueur
et le pluralisme journalistiques permettent de contrer la désinformation et les
“infodémies”, c’est-à-dire les manipulations et les rumeurs.
“Le journalisme
est le meilleur vaccin contre la désinformation, déclare le secrétaire général
de RSF, Christophe Deloire. Malheureusement, sa production et sa distribution
sont trop souvent bloquées par des facteurs politiques, économiques et
technologiques, et parfois même culturels. Face à la viralité de la
désinformation par-delà les frontières, sur les plateformes numériques et les
réseaux sociaux, le journalisme est le principal garant pour que le débat
public repose sur une diversité de faits établis.”
Par exemple,
face à la Covid-19, les présidents Bolsonaro au Brésil (111e, -4) et Maduro au Venezuela (148e, -1) ont fait la
promotion de médicaments dont l’efficacité n’a jamais été prouvée par le monde
médical : heureusement, des enquêtes comme celles de l’Agência Pública
brésilienne ou des articles fouillés publiés par les derniers journaux
indépendants vénézuéliens ont établi la
vérité des faits. En Iran (174e, -1), les autorités ont renforcé leur contrôle
sur l’information et multiplié les condamnations de journalistes pour mieux
minimiser le nombre de décès liés à la Covid-19. En Egypte (166e), le pouvoir
du président al-Sissi interdit tout simplement la publication de chiffres sur
la pandémie autres que ceux du ministère de la Santé. Au Zimbabwe (130e, -4),
le journaliste d’investigation Hopewell Chin’ono a été jeté en prison peu de
temps après avoir révélé un scandale de détournement d’argent public dans
l’acquisition de matériel destiné à lutter contre l’épidémie.
Les principales évolutions au Classement mondial
Pour la
cinquième année consécutive, la Norvège est classée au premier rang, même si
les médias ont mis en exergue un manque d’accès aux informations publiques sur
la pandémie. La Finlande conserve sa place de deuxième, tandis que la Suède
(3e, +1) retrouve sa place de troisième, perdue l’année dernière au profit du
Danemark (4e, -1). L’édition 2021 du Classement confirme donc une forme de
“domination nordique” ou, sous un angle moins concurrentiel, de “modèle
nordique”.
Jamais la zone
blanche de la carte de la liberté de la presse, qui indique une situation
d’exercice du journalisme sinon optimale du moins très satisfaisante, n’a été
aussi réduite depuis 2013 ⦋année de la mise
en place de l’actuelle méthodologie d’évaluation du Classement, nldr⦌. Seuls 12 pays sur 180, soit 7 % (au lieu de 8 % en 2020), peuvent
encore se targuer d’offrir un environnement favorable à l’information.
L’Allemagne (13e, -2), où des dizaines de journalistes ont été agressés par des
manifestants proches des mouvances extrémistes et complotistes lors de
rassemblements anti-restrictions sanitaires, ne fait plus partie, en 2021, de
ce pré carré.
La situation de
la liberté de la presse en Allemagne reste cependant plutôt bonne, tout comme
celle des Etats-Unis (44e, +1), même si
la dernière année du mandat de Donald Trump s’est caractérisée par un nombre
record d'agressions (près de 400) et d’arrestations de journalistes (130),
selon le US Press Freedom Tracker, dont RSF est partenaire. Le Brésil, en
perdant quatre places, passe dans la zone rouge. Le pays rejoint la partie
qualifiée de "difficile'' du Classement : insultes, stigmatisations et
orchestration d’humiliations publiques de journalistes sont devenues la marque
de fabrique du président Bolsonaro, de sa famille et de ses proches. C’est
aussi dans cette zone que l’on retrouve l’Inde (142e), le Mexique (143e), et la
Russie (150e, -1), qui a déployé son appareil répressif pour limiter la
couverture médiatique des manifestations liées à l’opposant Alexeï Navalny.
La Chine (177e),
qui continue de porter la censure, la surveillance et la propagande sur
internet à des niveaux sans précédent, reste pour sa part stable dans la zone
la plus critique du Classement, celle qui apparaît en noir sur la carte
mondiale de la liberté de la presse. Juste après, se trouve l’habituel trio des
pires pays totalitaires qui occupent les dernières places. Que ce soit le
Turkménistan (178e, +1) et la Corée du Nord (179e, +1) sur le continent
asiatique, ou l’Erythrée (180e, -2) en Afrique, ces trois pays maintiennent un
contrôle absolu sur l’information - ce qui permet aux deux premiers de ne
déclarer étrangement aucun cas de Covid-19 sur leur territoire, et au dernier
de ne rendre toujours aucun compte du sort de la dizaine de journalistes
arrêtés il y a 20 ans, dont certains ont été jetés et emprisonnés dans des
conteneurs en plein désert.
En ce qui
concerne les mouvements les plus significatifs du Classement 2021, il est à
noter que la Malaisie (119e, -18) enregistre la plus forte baisse. La récente
adoption d’un décret “anti-fake news” octroie notamment au gouvernement le
pouvoir d’imposer sa propre version de la vérité. Autres baisses significatives
: les Comores (84e, -9) et le Salvador (82e, -8), où les journalistes peinent à
obtenir des informations officielles sur la gestion de l’épidémie. Les plus
belles progressions de l’année se trouvent principalement sur le continent
africain. Le Burundi (147e, +13), la Sierra Leone (75e, + 10) et le Mali (99e,
+ 9) enregistrent tous des améliorations notables, dues notamment à la
libération des quatres journalistes du média burundais indépendant Iwacu, à
l’abrogation de la loi criminalisant les délits de presse au Sierra Leone et à
la baisse du nombre d’exactions au Mali.
Le Classement région par région
L’Europe et
l’Amérique (Nord et Sud) restent les continents les plus favorables à la
liberté de la presse, même si la zone des Amériques enregistre cette année la
plus grande dégradation des scores régionaux (+2,5 %). Le continent européen
accuse pour sa part une détérioration conséquente de son indicateur
“Exactions”. Les actes de violence ont plus que doublé au sein de la zone Union
européenne-Balkans, alors que cette dégradation est de 17 % au niveau mondial.
Les agressions contre les journalistes et les interpellations abusives se sont
notamment multipliées en Allemagne, en France (34e), en Italie (41e), en
Pologne (64e, -2), en Grèce (70e, -5), en Serbie (93e) et en Bulgarie (112e,
-1).
Si la
détérioration du score “Exactions” est moindre en Afrique, ce continent reste
le plus violent pour les journalistes, d’autant que la pandémie de Covid-19 a
exacerbé le recours à la force pour empêcher les journalistes de travailler. En
Tanzanie (124e), le président John Magufuli affirmait que le coronavirus était
un “complot des Occidentaux” et que son pays l’avait chassé “par la prière”. Il
avait instauré un blackout de l’information sur la pandémie, avant de décéder
en mars.
En
Asie-Pacifique, le virus de la censure s’est répandu au-delà de la Chine,
notamment à Hong Kong (80e), où la loi sur la sécurité nationale imposée par
Pékin menace sérieusement l’exercice du journalisme. L’Australie (25e, +1) a
expérimenté une variante inquiétante : en réponse à un projet gouvernemental
exigeant des plateformes de rémunérer la presse pour les contenus repris sur
les réseaux sociaux, Facebook a décidé d’interdire aux organes de presse
australiens de publier ou de partager des contenus journalistiques sur leurs
pages.
La zone Europe
de l’Est et Asie centrale (EEAC) conserve son avant-dernière place au niveau
régional, en raison notamment des événements au Bélarus (158e, -5) : une
répression d’une ampleur inégalée s’est abattue sur les journalistes pour
masquer la réalité d’une large contestation des résultats de l'élection
présidentielle.
Aucun changement
majeur n’a été constaté dans la région du Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA),
qui conserve la dernière place au Classement. En Algérie (146e) et au Maroc
(136e, -3), une justice instrumentalisée contribue à réduire les journalistes
critiques au silence, tandis qu’au Moyen-Orient, les pays les plus
autoritaires, l’Arabie saoudite (170e), l’Egypte (166e) et la Syrie (173e, +1),
ont renforcé leurs pratiques de musellement de la presse et réaffirmé leur
monopole de l’information à la faveur de la crise sanitaire. Dans cette région
du monde, qui reste la plus dure et la plus dangereuse pour les journalistes,
la pandémie de Covid-19 n’aura fait qu’exacerber les maux d’une presse déjà à
l’agonie.
La stabilité de
l’indice global de référence du Classement entre 2020 et 2021 (qui enregistre
une baisse de 0,3 %) ne saurait occulter la situation générale.