Lorsqu’ils veulent racler illégalement les fonds marins dans les eaux territoriales d’un pays, les navires de pêche commerciale dissimulent souvent leur localisation de manière intentionnelle. Une étude réalisée par des chercheurs américains a cartographié les régions du monde les plus touchées par cette pratique.
L’Afrique de l’Ouest est l’une des régions du monde où les
navires pratiquant la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN)
dissimulent le plus leur localisation, selon un rapport publié fin 2022 par
huit chercheurs américains dans la revue scientifique Science Advances.
Intitulé « Hot spots of unseen fishing vessels », le rapport
précise que les navires qui violent les réglementations en vigueur dans les
eaux territoriales d’un pays et s’y a adonnent à un pillage à large échelle des
ressources halieutiques, désactivent souvent leur système d'identification
automatique (AIS/Automatic identification system), un dispositif qui renseigne
sur leur identité, leur statut, leur position et leur trajet.
A la base conçu pour éviter les collisions entre navires, ce
système constitue accessoirement un précieux outil de lutte contre la pêche
illégale.
Pour quantifier la désactivation intentionnelle du système
d'identification automatique des navires de pêche commerciale à l’échelle
mondiale, les chercheurs ont passé au peigne fin quelque 3,7 milliards de
données AIS relatives à la période 2017-2019 recueillies par l’ONG Global
Fishing Watch à l’aide de technologies satellitaires.
Un algorithme a permis à ces chercheurs issus de l’Institut
des sciences de la mer, rattaché à l’Université de Californie, et de Global
Fishing Watch, d’exclure les cas de désactivation non-intentionnelle des
systèmes d'identification automatique, qui sont notamment causés par la perte
du signal ou des interférences. Une méthode de machine learning a été également
utilisée pour identifier les principaux facteurs de désactivation du système de
localisation à partir d'une série de facteurs potentiels liés à la qualité des
zones de pêche, à la propagation de la piraterie maritime, au transbordement et
aux frontières maritimes.
Les résultats de ces travaux ont révélé 55 000 cas de
désactivation intentionnelle des systèmes d’identification automatique par des
navires pratiquant la pêche illégale dans des eaux situées à plus de 50 milles
nautiques de la côte dans les diverses régions du monde. Au total, ces navires
ont désactivé leur système de localisation pendant plus de 4,9 millions d'heures,
dissimulant ainsi plus de 6 % de leur activité.
Des pertes
économiques colossales
Le rapport précise également que plus de 40 % du nombre
total d'heures pendant lesquelles les systèmes de localisation ont été
désactivés concerne quatre points chauds : les zones économiques exclusives
(ZEE) de l'Argentine (16%), le Pacifique nord-ouest (13 %), les eaux
territoriales des pays côtiers d'Afrique de l'Ouest (8 %), et l'Alaska (3 %).
Les navires qui dissimulent le plus leur localisation
pratiquent notamment la pêche au thon à la senne tournante et coulissante
(jusqu’à 21% du total des cas de désactivation de l’AIS), la technique de
capture des calmars par des appâts (7%), les palangres dérivantes (5%) et le
chalutage (5 %).
Le rapport fournit par ailleurs des données sur les pays
d’origine des navires de pêche qui désactivent le plus leur système de
localisation de manière intentionnelle pour pratiquer la pêche illégale. Les
navires battant pavillon de quatre pays ont représenté 82 % du total des heures
de désactivation des systèmes de localisation. Il s’agit de la Chine, de
l’Espagne, des États-Unis et de Taïwan.
Les bateaux battant pavillon chinois cumulent la plus longue
durée absolue de dissimulation, suivis par ceux originaires de Taïwan, de l'Espagne
et des États-Unis. Les chercheurs indiquent cependant que ce classement est
biaisé, étant donné que les flottes chinoises de pêche passent plus de temps en
mer que celles des trois autres pays.
Lorsqu’on prend en considération le pourcentage du temps au
cours duquel les navires désactivent leur AIS, la Chine arrive en quatrième
position derrière l'Espagne, les États-Unis, et Taïwan.
Le rapport rappelle dans ce cadre que les pertes économiques
causées chaque année par la pêche illicite, non déclarée et non réglementée,
sont estimées à entre 10 et 25 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Dans
la région de l’Afrique de l’Ouest, les pertes annuelles ont été évaluées par
l’ONU à environ 2,3 milliards de dollars par an.
(Agence Ecofin)
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