En Côte d’Ivoire, l’Unité spéciale d’enquête sur les violences liées à la présidentielle de 2020 a rendu ses conclusions. Cette unité composée de 40 policiers et gendarmes placés sous la houlette du procureur d’Abidjan a enquêté pendant 6 mois sur les violences politico-ethniques qui ont fait 85 morts entre août et novembre 2020. À l’époque l’opposition rejetait la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat puis avait contesté sa réélection. Selon le procureur, plus de 270 personnes sont impliquées à des degrés divers. Il revient maintenant aux juges d’instruction de choisir qui poursuivre.
Depuis 2020, 233 suspects ont été interpellés. La plupart a
été libérée et placée sous contrôle judiciaire, mais 11 sont toujours en
détention préventive pour leur implication présumée dans les crimes les plus
graves, comme la décapitation de Toussaint N’guessan Koffi à Daoukro. 40 autres
personnes sont par ailleurs activement recherchées, ajoute le procureur Richard
Adou.
« La manipulation des sentiments d’appartenance ethnique,
politique et religieuse, ainsi que l’impunité demeure un ressort important de
l’escalade de la violence, y compris politique. La jeunesse a été
instrumentalisée comme un bras exécuteur par les leaders politiques. Tous ceux
qui de près ou de loin auront permis, incité, instrumentalisé, armé ou financé
vont répondre de leurs actes. »
Pascal Affi N’guessan, Simone Gbagbo, Maurice Kakou
Guikahué, Assoa Adou, Toikeusse Mabri, Guillaume Soro entre autres… Le rapport
désigne de nombreux responsables politiques d’opposition comme « auteurs moraux
», c'est-à-dire commanditaires ou financiers.
Même l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié, qui a appelé
à la désobéissance civile, peut être poursuivi, estime le procureur. Il n’est
pas protégé par la loi de 2005 sur le statut des anciens présidents, assure le
procureur Richard Adou.
Tous ceux qui ont commandité, qui ont incité, qui ont
financé cette désobéissance civile qui a entraîné des drames, toutes ces
personnes-là ne sont pas exemptes de poursuites. C'est vrai qu'il existe une
loi, celle de 2005 sur les anciens présidents de la République, des anciens
présidents des institutions, d'anciens ministres. Mais l'article 54 de cette
loi dit bien que toutes les infractions commises par ces personnalités en
période électorale échappent à la procédure spéciale...
Le procureur Richard Adou explique la procédure concernant
des anciens présidents, qui «ne sont pas exemptes de poursuites »
Le procureur Richard Adou assure par ailleurs qu’il n’y a
aucun lien entre la sortie de ce rapport et la reprise du dialogue politique :
« C’est une coïncidence que cela intervienne en ce moment.
Le procureur n’est pas un acteur politique, et cela n’a aucune conséquence sur
le dialogue politique. »
La balle est maintenant dans le camp des trois juges
d’instruction nommés, à qui il revient maintenant de diligenter ou non les
poursuites.
Avec RFI