Alors que les Sénégalais qui ont du mal à faire le deuil de près de
2000 des leurs passés de vie à trépas, le 26 septembre 2002, dans le naufrage
du ferry au nom mémorable de «Joola», commémoraient le 20è triste anniversaire
de ce drame ce lundi, les Guinéens eux s’apprêtent à faire couler, ce mercredi,
les rares larmes qui leur restent encore, sur les corps de leurs parents,
enfants, proches et amis, dont les fantômes hantent toujours le mythique stade
du 28-Septembre de Conakry où, le…28 septembre 2009, des soldats en furie, ont
tué, avec une sauvagerie aveugle, 157 personnes et violé 109 femmes. Si le
seul crime des naufragés du Joola a été de croire toujours en leur bonne
étoile, en prenant place sur ce bateau parce que n’ayant pas d’autre choix, à
cause de la maigreur de leurs bourses, pour rallier Ziguinchor à partir de
Dakar, le malheur des victimes du massacre du 28 septembre a été celui de dire
non, à l’appétit vorace du pouvoir d’un capitaine nommé Moussa Dadis Camara qui
s’est emparé du gouvernail de la Guinée, suite à la mort, le 22 décembre 2008,
du président de l’époque, le général Lansana Conté.
En Afrique, les morts ne sont pas
morts, comme l’a déclamé le poète sénégalais Birago Diop. Vérité confirmée par
les disparus du Joola qui, visiblement, ne peuvent être jamais oubliés par
leurs proches, ni des autorités politiques du Sénégal et encore moins des
juges, le dossier ayant rebondi des prétoires sénégalais à ceux français, afin
que justice soit rendue à ces milliers de passagers dont la traversée de Dakar
à Ziguinchor s’est transformée en ultime voyage. Un aller sans retour pour
lequel ces morts et quelques rescapés ont déboursé de l’argent qui est allé
renflouer les comptes d’une société véreuse de transport qui entassait tous les
jours, presque les uns sur les autres, des voyageurs sur un bateau dont tous
semblaient croire qu’il était insubmersible, comme le Titanic! Mais comme le
Titanic en 1912 le Joola aussi a coulé!
En espérant qu’un film à succès,
comme la fiction tirée de l’accident du paquebot transatlantique britannique et
qui a fait pleurer les Africains lors de ses projections qui ont refusé du
monde, soit réalisé autour de la triste histoire du Joola, les Sénégalais
attendent la construction, au bord du fleuve, d’un mémorial-musée à Ziguinchor,
la capitale de la Casamance. Mais les parents des disparus et les rescapés qui
se rappellent encore comme si c’était hier, l’attente des secours pendant des
heures, les cris de détresse de noyés qui n’avaient pas de bouée à laquelle
s’accrocher, désirent ardemment une prise en charge conséquente des enfants des
victimes et le renflouement du Joola en mémoire de ceux qu’ils ne cesseront
jamais de pleurer.
Comme celles des proches des
victimes du Joola, la plus grande catastrophe maritime de l’histoire, les
larmes des parents, enfants et amis des morts du massacre du 28-Septembre à
Conakry n’ont pas séché. Avec le procès de cette tuerie à stade ouvert et de
ces violences inhumaines sur des femmes en plein 21è siècle, comme dans les
temps immémoriaux de la vie de jungle, la vérité sera-t-elle enfin connue et la
justice triomphera-t-elle pour que les âmes des massacrés du 28 septembre 2009
reposent enfin en paix?
En tout cas, le capitaine Moussa
Dadis Camara dont la convalescence ouagalaise qui s’éternisait a pris fin ce
dimanche, est rentré à Conakry pour assumer devant la justice, la
responsabilité qui lui est attribuée dans ce drame inqualifiable. S’il faut
saluer, avec les proches des victimes la tenue de ce procès censé s’ouvrir
enfin ce 28 septembre, jour de 13è anniversaire, il faut tout de même craindre
un simulacre de jugement, car ignorant les garanties qu’aurait pu recevoir le
bouillant capitaine pour revenir au bercail.
Surtout que la junte militaire
actuellement au pouvoir peut difficilement se présenter blanche comme neige,
dans cette horreur du stade du 28-Septembre. N’est-ce pas cette même armée, et
plus précisément les «bérets rouges» du colonel Mamady Doumbouya, le putschiste
actuellement homme fort de Conakry, qui répondaient, à cette époque, du
sulfureux capitaine guinéen qui se voyait bien dans le treillis d’un autre
capitaine, le héros burkinabè, Thomas Sankara pour ne pas le citer? A moins que
le désormais ex-exilé serve de mouton de sacrifice ou que son procès soit, tout
au moins, utilisé par le contesté chef de la junte militaire au pouvoir en
Guinée pour faire diversion et éloigner le peuple d’un sujet crucial comme sa
transition qui constitue la véritable préoccupation de l’heure pour des
Guinéens!
Désabusés par le pouvoir de fer
qui leur est imposé, les populations, les opposants et les leaders de la
société civile, après avoir applaudi comme un «sauveur» le putschiste Mamady
Doumbouya, sont désormais prêts à fermer cette parenthèse de terreur.