Pendant que le Mali tourne définitivement, pour l’instant en tout cas,
la page Barkhane, le Kenya lui met fin au cycle des adversaires historiques, en
se donnant pour président, un candidat qui se présentait pour la première fois
à une élection présidentielle. Ainsi va l’actualité de l’Afrique en ce début de
semaine.
Si toute séparation est
douloureuse, celle vécue par la force Barkhane et les populations de Gao en
particulier et du Mali en générale, l’a sans doute été. En presque 10 ans de
cohabitation idyllique au début, pénible par la suite et houleuse à la fin, les
soldats français de Barkhane et leurs hôtes maliens, ont certainement créé
entre eux des liens, peut-être en dents de scie, mais qui s’étioleront
difficilement. Arrivés en héros ayant bloqué l’avancée qui semblait inexorable
des Djihadistes en marche vers Bamako, les forces françaises engagées en terre
malienne dans la lutte contre les terroristes qui écument le Sahel où ils
sèment larmes et désolation au quotidien, certes, ne partent pas en zéros car
ils ont fait le job. Même si elles sont loin de l’avoir terminé.
Alors qu’ils étaient devenus les
seuls véritables épouvantails des forces du mal, notamment dans la zone dite
des «Trois frontières» que partagent le Mali, à l’époque véritable épicentre du
terrorisme, le Niger et le Burkina, les Français se sont offerts, entre autres
trophées de guerre, les scalps de leaders djihadistes comme, en 2020,
Abdelmalek Droukdel le patron de al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et
l’année suivante, d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui, le chef de l’Etat islamique
au Grand Sahara (EIGS).
Mais tout n’a pas été rose pour
Barkhane, la France qui a commis la grosse faute de s’ériger pratiquement en
force d’occupation, ayant fini par être accusée, à tort ou à raison, d’entretenir
le terrorisme au Mali pour en piller les richesses. Acculée et vouée aux
gémonies, surtout avec l’avènement des putschistes du colonel Assimi Goïta, la
force française Barkhane qui aura pleuré la disparition, dans les sables chauds
maliens, de 59 de ses éléments, n’en mène pas large avec les manifestations
violentes contre la France, qui porte éternellement le péché originel d’ancien
pays colonisateur.
La présence des combattants de la
société privée de sécurité russe Wagner, dénoncée par des Etats occidentaux et
des organisations de défense des droits de l’homme, empire les choses. Et ce
qui devait arriver arriva! La force française est désarticulée et doit se
réarticuler ailleurs, dans des conditions nouvelles de partenariat, vu que le
Sahel reste infesté par les hommes sans foi ni loi qui endeuillent, jour et
nuit, les populations civiles et militaires.
Les armées locales, malgré leur
professionnalisme et le courage de leurs soldats, ont encore sérieusement
besoin du renforcement de leurs services de renseignement, de formation
soutenue des troupes et d’appui en logistique, surtout aérienne. D’ailleurs, la
nature ayant horreur du vide, alors que les «Macron boys» levaient leurs
derniers bivouacs, les terroristes ont plus que jamais repris du service. Comme
pour faire regretter aux Maliens, la chasse précipitée à Barkhane, les forces
du mal mènent assauts sur assauts et la recrudescence de leurs attaques n’a
d’équivalence que la lourdeur de leurs bilans macabres.
L’Afrique n’étant pas que terre
de putschs militaires et d’attaques terroristes vit aussi des expériences
électorales, même si comme au Kenya, elles sont souvent porteuses de germes de
violence. C’est ainsi que les résultats de la dernière présidentielle du 9 août
ont proclamé vainqueur, avec 50,49% des voix, le vice-président kényan William
Ruto, 55 ans, malgré son lâchage en plein vol, par le chef de l’Etat sortant,
Uhuru Kenyatta qui, paradoxe des paradoxes, a préféré apporter son soutien à un
opposant éternel. Raila Odinga, puisque c’est sur lui qu’a jeté son dévolu le
président Kenyatta, qui était challenger, sans doute pour la dernière fois,
fort de ses 77 piges et de son cinquième et probablement dernier match pour la
présidence, a dû se contenter de 48,85% des suffrages, selon les chiffres
proclamés ce 15 août par la commission électorale kényane.
Mais les vieux démons toujours à
l’affût autour des urnes kenyanes, ont immédiatement actionné les manettes de
la colère des perdants, ravivant ainsi, plus que jamais, le spectre des
violences qui ont émaillé les élections, toutes contestées au Kenya, depuis
2002. Avec la démission de quatre des 7 membres que compte la Commission
électorale qui ont rejeté les résultats avant même qu’ils ne soient rendus
publics, va-t-on, comme en 2017 vers l’annulation de la présidentielle de cette
année? Cette option est encore loin d’être mise sur la table, mais sait-on
jamais!
En tout cas, il importe pour les
Kényans et leurs leaders politiques de privilégier le dialogue et, au cas
contraire, se donner rendez-vous dans les prétoires plutôt que dans la rue où
en 2007-2008, le sang a coulé à flot, dans des contestations violentes du camp…
Raila Odinga!