Le Mali, le Burkina et la Guinée ont en commun de vivre une transition depuis le renversement par des militaires de présidents issus d’élections dites démocratiques, libres et transparentes. Les coups d’État militaires contre des présidents civils ont été fortement applaudis par une frange importante des populations de ces trois pays. Ce qui en soi doit donner à réfléchir. Par quel processus, des citoyens en sont arrivés à saluer une prise de pouvoir par un procédé anticonstitutionnel tout en rejetant un pouvoir issu d’élections ? C’est une sorte de désaveu pour la classe politique ou plus exactement les dirigeants qui étaient aux affaires.
Au Mali, c’est la mauvaise gouvernance mais aussi
l’incapacité du président élu à mettre fin à la crise sécuritaire au Nord du
pays qui ont motivé la prise du pouvoir par l’Armée, à en croire du moins aux
déclarations des putschistes. Il en est presque ainsi au Burkina Faso qui est
confronté à la même crise sécuritaire que le Mali. En Guinée, deux des
arguments mis en avant par la junte militaire sont le changement de
constitution en vue d’un troisième mandat et surtout la falsification de la
constitution qui avait été adoptée par référendum le 22 mars 2020. On peut en
dire tout ce qu’on pense.
Ces coups d’État étant définitivement « actés », les citoyens
se posent désormais des questions sur la durée de la période de transition. Sur
ce plan, les préoccupations sont les mêmes dans les trois pays. Concrètement et
d’une façon générale, bon nombre de citoyens parlent d’une transition qui ne
serait ni trop courte ni trop longue.
Mais qu’est-ce qu’une » transition trop courte » et
qu’est-ce une » transition trop longue « ? Voilà les vraies questions.
Au Burkina Faso, un délai de 36 mois a été retenu à la suite
d’une concertation des forces vives de la Nation. Parmi les principales
missions assignées aux autorités de la transition figurent en priorité la lutte
contre le terrorisme et la restauration de l’intégrité du territoire national,
le renforcement de la gouvernance et la lutte contre la corruption.
Au Mali, ce sont presque les mêmes motifs qui sont invoqués
pour une transition plus longue ( 6 mois à cinq ans).Cela pourrait, dans une
certaine mesure, se comprendre en raison des problèmes sécuritaires
constatables qui se posent dans la partie septentrionale du pays, l’occupation
d’une partie du territoire par des groupes armés ; une situation qui se traduit
par l’absence de l’État sur une bonne partie de ce territoire national. Dans un
tel contexte, il serait difficile et même impossible d’organiser des élections
dans tout le pays, disent les militaires au pouvoir et leurs soutiens. C’est un
argument qui n’est pas dénué de pertinence.
Ainsi, l’Armée se donne pour mission de restaurer
l’intégrité du territoire national avant l’organisation d’élections inclusives
marquant le retour à l’ordre constitutionnel.
Mais, en ce qui concerne la Guinée, l’on est fondé à se
demander ce qui pourrait justifier une transition excédant deux ou trois ans au
maximum dès lors que le pays n’est pas confronté à des problèmes de sécurité
liés au terrorisme ou d’occupation de son territoire.
Si un pays confronté au phénomène du terrorisme s’engage
dans une transition de trois ans tout au plus, qu’est-ce qui pourrait justifier
que la Guinée qui connaît une situation stable au point de vue sécuritaire,
aille au-delà de deux ans de transition ? La récupération des biens de l’État ?
La lutte contre les infractions économiques et financières ?
S’il est possible de réaliser la première opération dans un
délai relativement court, la lutte contre les infractions économiques et
financières est un travail de tous les jours. C’est d’ailleurs l’une des
missions quotidiennes d’un gouvernement. Aucune transition, quelle qu’elle
soit, ne peut endiguer ce phénomène, à moins que la transition ne devienne
plusieurs mandats de suite en dehors de toute élection. Et même dans cette
hypothèse, il est impossible de mettre un terme par un coup de baguette magique
à la délinquance économique et financière. En conséquence, les autorités d’une
transition ne peuvent poser que des bases solides afin de permettre aux
dirigeants qui seront élus de poursuivre les chantiers ouverts. En tout cas,
comme l’a dit le représentant du Secrétaire Général de l’ONU en Afrique de
l’Ouest, « une transition n’a pas vocation à régler tous les
problèmes ».
Me Mohamed Traoré