L’interdiction des manifestations de rue par le Conseil national du
rassemblement pour le développement (CNRD) vient une nouvelle fois de hérisser
le poil aux opposants à la junte, dont le sang n’aura fait qu’un tour, en
apprenant cette mesure prise dans la foulée de l’adoption du chronogramme de la
transition par le Conseil national de la transition (CNT). Comme une réponse du
berger à la bergère, l’aile dure des forces vives y est allée sans apprêts ni
ambages, pour dénoncer cette décision qu’elle qualifie de liberticide et
d’antidémocratique. Cette alliance hétéroclite de partis politiques et de
mouvements de la société civile, qui refusent d’aller à Canossa, n’écartent pas
de recourir à la rue, pour tordre le bras à la junte. On peut donc dire sans
risque de se tromper qu’il y a vraiment de l’électricité dans l’air. De quoi
raviver le spectre des violences politiques dont notre pays détient le pompon
dans la sous-région.
Depuis l’adoption du chronogramme
de la transition par le CNT, le 11 mai dernier, à une large majorité des
conseillers, la tension est montée d’un cran dans la cité. Cette poussée
d’adrénaline entre la junte qui semble avoir la tête dans le guidon et une frange
des forces vives qui refuse d’être traitée en comparse, dans la gestion de la
transition, agite de plus en plus les esprits dans le landerneau.
Car si cette pilule du CNRD
semble amère, donc difficile à avaler pour Cellou Dalein et ses pairs, y compris
le RPG arc-en-ciel, cet allié de circonstance, ce n’est pas le cas pour le BL,
le PEDN et le PADES, dont les leaders sont plus accommodants vis-à-vis de la
junte.
A propos de cette durée de 36
mois adoptée par le CNT, M. Kouyaté, Dr Faya et Dr Kaba, sans oublier Bah Oury,
pensent qu’il n’y a pas le feu au lac. L’essentiel étant pour ces personnalités
que la transition se déroule sans anicroche, en privilégiant le bien commun.
Une lecture que ne partage pas l’aile dure des forces vives, y compris le FNDC,
qui accuse le CNRD de gestion unilatérale de la transition. Ce groupe voudrait
un cadre de dialogue inclusif, où ses voix seront prises en compte. Mais pour
leurs détracteurs, ces gens ne seraient que des esprits chagrins, nostalgiques
de la transition de 2010, où l’orgie financière était la règle.
On se souvient de ce fameux
gouvernement de large ouverture, dont la primature avait échu à Jean-Marie
Doré. Avec une forte présence de syndicalistes et des cadres issus de la
société civile. Qui ont laissé un énorme trou dans nos finances de près de 10
mille milliards soit près de 100 millions d’euros.
Si l’on s’en tient donc à cette
hypothèse d’école, ce serait à n’en pas douter, le refus du colonel Mamadi
Doumbouya d’ouvrir les vannes du trésor public, à la merci des appétits
politiques, qui serait en réalité la cause de cette agitation dans les rangs de
ses opposants.
Une guerre d’intérêts pour cette
classe politique, qui considère le pouvoir comme une fin en soi.
Mais vu que « la paix est le
premier des besoins comme la première des gloires », pour parler comme
Napoléon Bonaparte, il serait loisible pour le CNRD de lâcher du lest, en
prêtant une oreille attentive à la revendication des indignés. Afin d’éviter
que le ciel de la transition ne soit obscurci par des nuages noirs, pour des
vétilles.
Dian Baldé