Le Procureur général près la Cour d’Appel de Conakry, vient de faire preuve d’un grand courage, en tançant vertement le colonel Balla Samoura, Haut commandant de la gendarmerie nationale et de la Direction de la justice militaire, pour s’être arrogé le rôle d'OPJ. M. Charles Wright qui dressait un état des lieux de la cuisine judiciaire, face à un parterre de journalistes ce lundi, a, dans la foulée, tracé avec éclat la ligne jaune à ne pas franchir pour cet officier de gendarmerie qui, pour maints observateurs, semble pêcher plus par « ignorance » que par abus d’autorité. Des magistrats de l’étoffe du Procureur général, notre pays en a grand besoin, pour faire sauter la chape de plomb militaire. Grâce à l’onction du président de la transition, dont la foi en la justice ne fait aucun défaut.
La justice est une émanation du roi. Cette maxime, vieille
comme le monde, n'a jamais été aussi vraie qu’aujourd’hui. Avec ce violent coup
de semonce que le Procureur général vient d’administrer au tout puissant
colonel Balla Samoura. Dont les méthodes cavalières ont contribué ces derniers
temps à ternir l’image de l’institution judiciaire. On peut citer à titre
d’exemple la récente interpellation de l’ancien chef de la diplomatie
guinéenne, Ibrahima Kalil Kaba et du Dr M’Bemba Kaba, médecin personnel du président
Alpha Condé, dans le scandale de l’audio.
C’est sans doute pour corriger le tir que M. Charles Wright,
fort de l’onction présidentielle, aurait jugé opportun de mettre le holà à ce
qui s’apparente à un abus d’autorité. Car on n’a pas besoin d’être grand clerc
pour savoir que les officiers de police judiciaire sont des subalternes du
Procureur. Inverser cette préséance, c’est fouler au pied les principes
républicains. Encore que M. Balla Samoura, d'après le Procureur n'en serait pas
un.
Et le Procureur général, en magistrat responsable, n’a pas
fait dans la dentelle pour rappeler le Haut commandant de la gendarmerie
nationale à l’ordre.
« Je dis haut et fort au Colonel Balla Samoura de se retirer
de toutes les activités de police judiciaire, de ne donner aucune instruction
désormais à un officier de police judiciaire dans le cadre d’une enquête.
Le Haut Commandant n’est pas un officier de police
judiciaire. Il ne doit ni interpeller,
ni convoquer. Ce n’est pas son travail.
Il doit laisser la main libre aux officiers de police judiciaire qui
sont habilités par le Parquet. En cas de
manquement à ces directives, le parquet général n’hésitera pas à engager des
poursuites », a-t-il canonné dans ce verbatim, rapporté par guineenews. Une
diatribe qui n’a rien de dithyrambique.
Rien à voir avec les ronds de jambe de certains juges
dociles, qui n’avaient rien d’honorable. Et dont l’incurie a infecté notre
démocratie. Cette mise en garde du Procureur s’adresse d’ailleurs à tous les
hommes en uniforme zélés, qui auraient du mal à s’adapter au nouveau monde. Où
c’est le droit qui prime la force et non le contraire.
Dans ce combat qui est comme celui mettant aux prises des
géants et des Dieux de l’Olympe, le dernier mot reviendra forcément à la
justice. On ne le dira jamais assez, bon droit a besoin d’aide. Aux Guinéens
donc de se mobiliser derrière leur machine judiciaire, pour que notre pays soit
désormais un état vertueux. Pour ne pas que cette ultime chance qui nous est
offerte, nous file entre les doigts.
Mamadou Dian Baldé