Le colonel Assimi Goïta et son gouvernement de transition donnent le
tournis à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).
Et ce n’est pas Goodluck Jonathan, l’arbitre de ce match sans fin entre
l’organisation sous-régionale et le Mali, qui dira le contraire. L’ancien chef
de l’Etat, qui ne sait plus combien d’aller-retour il a effectués entre son
Nigeria natal et Bamako, pour porter le message de ses anciens pairs au colonel
putschiste de Kati, ne se fait plus guère d’illusion sur l’entêtement des
militaires à garder un pouvoir qu’ils ont arraché, le 18 août 2021, à son
ancien titulaire, Ibrahim Boubacar Kéïta. Les hommes en kaki ont même réitéré
le coup de force, en mai 2021, pour prouver qu’ils étaient les seuls maîtres à
bord, avant de tomber définitivement les masques, en prolongeant, par le biais
d’Assises nationales pour la refondation de l’Etat (ANR), la durée de vie de la
transition politique, la faisant passer de 6 mois à 5 ans.
Le médiateur de la CEDEAO, et les
têtes couronnées de la sous-région, n’en croient toujours pas leurs oreilles,
eux qui tenaient à ce que le pouvoir revienne aux civils dans le plus court
délai, par des élections dont le deadline était fixé au 27 février 2022. Du
reste, le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une
transition réussie, qui est constitué de ce que le Mali compte de partis
politiques et mouvements les plus crédibles, et qui s’étaient tenus loin de la
grande foire des ANR, n’a pas mis du temps à rugir. Vent debout contre ce
nouveau chronogramme, ils le rejettent vigoureusement, car, en plus de
«violer», selon eux, la charte de la transition, il est «unilatéral et
déraisonnable». Avis partagé par le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara,
auprès de qui, comme d’autres dirigeants de la sous-région, les émissaires du
colonel putschiste, se sont rendus pour défendre la proposition de donner cette
longévité inouïe à la transition. Un régime d’exception qui aura vécu plus qu’un
pouvoir élu par le peuple pour le quinquennat constitutionnel classique.
Assimi Goïta, sans doute, se
permet de défier la communauté internationale, fort de sa côte de popularité
qui a grimpé, non pas parce que son peuple l’aime plus qu’un IBK dont il a
accéléré la chute, mais simplement à cause du sentiment anti-français qui
continue de croître sur les bords du Djoliba, nourri par le penchant des
nouveaux maîtres de Bamako pour la Russie. Une idylle qui est loin d’être du
goût de la France, affublée du péché originel d’ancienne nation colonisatrice,
mais non plus du Canada, des Etats-Unis, et de pays européens, dont au moins
quatorze viennent de déclarer la guerre contre l’installation au Mali, de
Wagner. En effet, la société russe est taxée d’exactions qui entachent
profondément le respect de la vie humaine et la liberté des droits humains.
Toutefois, conscientes des conséquences de cette union contre-nature pour la
démocratie, les autorités maliennes nient l’implantation des «mercenaires»
russes sur leur sol.
Le pouvoir de la transition
relève qu’il a recours à des instructeurs russes, dans le cadre de la
coopération classique entre leur pays et la Russie. Wagner n’est pas au Mali, a
donc dit Bamako, malgré les affirmations de sources locales et sécuritaires
internationales qui soulignent la présence des éléments de Wagner, entre 300 et
350, sur le territoire malien. Soldats dont certains auraient été vus dans
l’accrochage qui a opposé, ce lundi, dans la région de Bandiagara, l’armée
malienne aux combattants de la katiba Macina, proche du Jnim, le Groupe de
soutien à l’islam et aux musulmans.
Comme un bégaiement de
l’histoire, se pose, une fois de plus, pour l’Afrique dans sa marche
balbutiante sur les chemins de la démocratie, le souci des militaires
«balayeurs», qui, après avoir accompli leur action de salubrité, s’installent
pour de bon dans «la maison propre». Eternel recommencement pour le continent,
et pour les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest
(UEMOA) et de la CEDEAO, dont les dirigeants se réuniront, en principe, en
sommet extraordinaire sur le Mali, ce dimanche 9 janvier. Que pourra cette
CEDEAO à double vitesse qui ne réagit pas avec la même détermination contre ses
chefs d’Etat membres qui oppriment leurs peuples et s’adonnent à des 3e mandats
en charcutant la constitution de leurs pays?
En tout cas, la veille de cette rencontre, les Maliens, eux, ou du moins
les anti nouveau chronogramme, eux projettent un rassemblement dans la
capitale, pour dire, une fois de plus, leur refus de cette prolongation.
Par Wakat Séra