De nos jours, il est fréquent d'entendre l'adage selon lequel il est impératif « d'éviter les erreurs du passé ». Certes, il est vital d'analyser et de tirer des leçons de nos échecs, mais il est tout aussi crucial de « préserver et consolider les réussites et acquis du passé ». Or, en Guinée, il semble que nous soyons tombés dans un double piège : une difficulté à apprendre de nos erreurs et une tendance à négliger voire à renoncer à nos précieux acquis historiques.
L'exercice
du pouvoir n'a jamais été exempt de fautes. « Il n'y a pas de Pouvoir
innocent », nous dit-on. En effet, chaque régime, quelle que soit sa
nature, connaît son lot d'erreurs et d'abus. Ceci est particulièrement vrai
lorsqu'on est en présence d'un environnement tumultueux, marqué par des
adversités incessantes. Le premier régime guinéen n'était pas exempt de ces
imperfections, mais n'était-il pas injuste de le réduire uniquement à ses
faiblesses ? N'aurait-il pas été plus judicieux de faire la part des choses et
préserver certaines pratiques exemplaires ?
La narrative
qui semble avoir prévalu donne l'impression que la Guinée n'a découvert la
démocratie que dans les années 1990. Or dès 1957, avec la suppression de la
chefferie traditionnelle remplacée par des élus locaux, la Guinée affirmait
déjà sa volonté démocratique, bien avant même son indépendance. Cette démarche
avait renforcé l'idée que les élections étaient le moyen privilégié de choisir
les représentants du peuple à chaque niveau de l'organisation sociale : Pouvoir
au Peuple !
Conformément
à cette vision, le premier régime, avec son modèle de démocratie directe (qui
est bien évidemment différente de la démocratie représentative adoptée en
1990), voyait chaque année 8000 comités de base élire 80,000 cadres dans une
transparence totale. Les résultats, connus en quelques heures, offraient une
légitimité indiscutable à ces élus. Notez bien : « 80,000 élus Chaque
année » !!!
Comment nos
prédécesseurs, malgré les contraintes de l'époque, parvenaient-ils à organiser
annuellement des élections incontestées, quand nous peinons aujourd'hui à tenir
des élections communales et communautaires libres et crédibles même une (1)
seule fois tous les cinq (5) ans ? Aujourd'hui on nous propose de faire recours
à des décrets pour nommer les chefs de quartiers et de districts, sous prétexte
d'une incapacité à organiser ces élections locales !!!
Alors,
comment expliquer cet écart frappant entre notre héritage et notre réalité
actuelle ?
Pourquoi
dépendons-nous maintenant d'une aide extérieure pour organiser nos élections ?
Et malgré des milliards dépensés, pourquoi ces élections restent-elles sources
de tensions, engendrant des crises sociopolitiques prolongées, avec leurs lots
de victimes et de destructions ?
Devant ces
dilemmes, chaque Guinéen devrait s'interroger profondément. N'avons-nous pas,
par mégarde, « jeté le bébé avec l'eau de bain ? »
Aujourd'hui,
on évoque une somme astronomique de 600 millions de dollars pour restaurer
l'ordre constitutionnel. Quelle myriade d'écoles, d'hôpitaux et d'institutions
aurait vu le jour avec un tel trésor et tout ce qui a été englouti dans les
élections ces dernières décennies ??
Ma prochaine
tribune plongera dans les méandres du système démocratique actuel, révélant ses
imperfections tout en esquissant une voie plus viable et économique pour
orchestrer des élections libres, crédibles et incontestables.
Il est grand
temps de nous inspirer de ce qui a été glorieux de notre passé, d'en extraire
sagesse et direction, et d'ériger une démocratie digne de nos aspirations
profondes et légitimes.
Alpha Kolla BALDE
Président MAD/GG