Le petit matin du 05 septembre 2021, les citoyens de la commune présidentielle (Kaloum) ont été réveillés par les tirs des armes à feu provenant du palais présidentiel. Quelques heures plus tard, les forces spéciales ont revendiqués l’arrestation du président de la République et appellent les autres corps de l’armée à s’aligner. Ce changement brusque a été caractérisé par la violence faisant plusieurs morts et blessés au sein de la garde présidentielle et aux forces spéciales. Institutionnellement, le gouvernement d’alors dirigé par Monsieur Kassory Fofana a été dissout ainsi que les institutions républicaines du pays. Ce groupement de force spécial créé par le président déchu, est constitué par les meilleurs des différentes unités du pays et ont suivi des formations spécialisées et approfondies notamment dans le terrorisme.
Cet événement a été justifié par ces initiateurs par le
contexte sociopolitique du pays. Chose qui était visible dans le quotidien des
Guinéens. Nous constatons souvent dans les derrières heures du régime CONDE, le
consensus était souvent préféré aux normes juridiques mais aussi à la
personnalisation du pouvoir jusqu’à certains se croyaient intouchables. Le
problème porte également sur la défaillance du système de gouvernance
corrompue, de manque de responsabilité et de décennies de médiocrité dans la
prestation de services publics. Ce qui a plongé le pays dans une corruption
généralisée à tous les niveaux du secteur public et privé. Il est difficile
d’avoir une stabilité socioéconomique sans des institutions fortes accompagnées
par le respect et son application des lois en vigueurs qui assurent les
citoyens. Le coup d’Etat se caractérise par un moment de rupture à l’ordre
constitutionnel. La transition politique issue d’un bouleversement de l’Etat
par des armes s’inscrit dans trois aspects. Le premier aspect découle de la
libération du régime dit autoritaire en place avec la pression interne
(opposition politique, société civile) et externe (conditionnalité économiques
et politiques). Cette phase permet au leader politique en place de conserver
leur pouvoir. Le deuxième aspect porte sur la transition elle-même, notamment
intermédiaire entre l’ancien régime considéré caduque et un nouveau régime à
élaborer. Cette période circonscrite dans le temps, sont élaborés les traits du
nouveau régime constitutionnel et politique (nouvelle constitution et
l’élection de nouveaux dirigeants dans les élections pluralistes et accepté par
tous. Enfin, le troisième aspect s’articule autour de la consolidation de ce
nouveau régime. Il convient de s’intéresser davantage au renforcement des
institutions et au respect de l’état de droit, de l’unité nationale, …
Pour la réussite de cette transition, il faut qu’il ait un
compromis entre les parties prenantes sans exception ni trafic d’influence. Il
est temps maintenant d’inculquer l’esprit patriotique et sens de
l’administration en nous, à chaque fois qu’un décideur souhaiterait prendre une
décision qui concerne la nation doit penser aux conséquences de ladite décision
dans le futur. Ceci nous aidera à résoudre partiellement les problèmes liés à
notre système de gouvernance. Dans les analyses de Michael BRATTON et Nicolas
VAN DE WALLE « la clé des transitions vers la démocratie est la capacité des
participants à parvenir à des accords arbitrés qui donnent à chacun au moins
une partie de ce qu’il voulait ».
Après la dissolution des institutions républicaines, le pays
s’est retrouvé en phase de transition dirigé par un certain colonel Mamady
Doumbouya, jusqu’ici le patron des forces spéciales, qui a été connu par le
grand public qu’au 02 octobre 2018 lors des cérémonies de la fête
d’indépendance. Pour certains, ce coup d’Etat est venu au bon moment, selon une
étude réalisée entre 13 et 16 septembre 2021 par l’Association Guinéenne de
Sciences Politiques soit 63,65 % des enquêtés. Ceux-ci font le lien entre le
maintien au pouvoir par Monsieur CONDE et le coup d’Etat. Justifié cet
événement en absence de l’alternance politique, c’est mal connaitre la sphère
sociopolitique de la République de Guinée. Les acteurs de cet événement font partie
parmi des personnes qui ont accompagnées Monsieur Alpha CONDE à la conquête et
au maintien de son régime malgré les multiples contestations qui a couté la vie
à certains guinéennes et guinéens. L’exemple en est que le nom de Monsieur
Mamady DOUMBOUYA (actuel homme fort de Conakry) existait sur la liste transmise
à la cour pénale internationale par le FNDC. Pour d’autres, c’est une trahison
de la part des forces spéciales et leur patron à l’égard de l’ex locataire du
palais Sékoutouréya. Partant du constat selon dans lequel, l’autonomie
administrative et financière dont bénéficiaient cette force spéciale, rares
étaient des Guinéens qui s’attendaient un tel événement venant d’eux surtout
l’humiliation qu’ils ont fait subir le Président CONDE lors de son arrestation.
Dans le passé, la gouvernance ou la transition menée par des
hommes en uniformes à la tête du pays de général Lansana CONTE en passant par
le capitaine Moussa Dadis CAMARA jusqu’au général Sékou KONATE leurs gestions
catastrophiques n’échappent à personne notamment celle du Président CONTE qui a
succédé directement au Président Ahmed Sékou TOURE à sa mort. A chaque fois que
les hommes en uniformes accèdent au pouvoir que soit par un coup d’Etat avec ou
sans effusion du sang, le peuple leur soutien dès les premières heures. Mais au
fil du temps, ces hommes ne font que transformer nos espoirs en désespoirs
comme le cas de Dadis CAMARA. Nous savons tous que le régime militaire n’a
jamais apporté une solution aux problèmes liés à des principes démocratiques
comme cela a été le cas dans les pays comme le Ghana avec Jerry John RAWLINGS
ou du Mali avec Amadou Toumani TOURE pour ne citer que ceux-là. Le peuple de
Guinée reste optimiste pour voir si toutefois, l’ancien légionnaire de la
France fera exception en organisant des élections libres, transparentes dont
les résultats seront acceptés de tous et, partir dans l’honneur sans vider les
caisses de l’Etat comme le général Sékouba KONATE a fait. Malgré la complexité
de la tâche à exécuter dans ce contexte d’exception, nous vous invitons au
respect de vos engagements envers le peuple qui a tant souffert. « C'est assez
compliqué, quand les coups de force sont perpétrés, d'avoir un gouvernement de
l'avis de tout le monde. Il faut composer avec les militaires mais aussi avec
les civils, les acteurs politiques, les acteurs sociaux... », note l’analyste
politique Kabinet FOFANA au micro de la Rfi. Mais en n’aucun contexte, cela
peut-être une excuse de nommer les personnes pour se faire plaisir des uns aux
autres.
Le 05 septembre dernier, l’armée guinéenne à travers la
force spéciale a manifesté son désir de servir ses compatriotes par la force,
qui leur a donné le contrôle intégral du pays. Félicitations à vous Mesdames,
Messieurs ! Au moment où certains sont tentés par la résignation, cette volonté
d’ouvrer pour le bien de tous, est une bonne nouvelle. Respecter le peuple et
les lois du pays fera de vous des grandes personnalités pour l’humanité tout
entière. Car, l’enseignement moral et civique a été ancré en nous dès notre
premier jour à l’école. Il est indispensable de mettre la société publique sur
les règles juridiques issues d’un compromis (principes démocratiques) et
destinées à instaurer de manière permanente et stable notre pays dans le
registre des grandes nations démocratiques à travers le monde. Cela ne saurait
possible que si seulement tous les fils et toutes les filles s’inscrivent dans
ce sens.
A la fin de cette transition, il conviendrait de transformer
la démocratie électorale en une démocratie de développement. Sur ce passage,
les débats doivent se baser davantage sur les mécanismes par lesquels le
pouvoir est exercé particulièrement la mise en place de réels contre-pouvoir
loin des partis politiques communautaires. Les élites guinéennes y compris les
cadres de la diaspora devraient œuvrer dans ce sens. Cela conduira notre pays
vers un fonctionnement plus démocratique. Il faudra en ce moment de bien
veiller sur le pouvoir législatif et le judiciaire et s’assurer la
non-ingérence du pouvoir central (exécutif) dans les décisions de justice, mais
aussi de s’assurer de la présence des mécanismes par lesquels le pouvoir
exécutif peut-être contraint (le président de la République et les membres de
son gouvernement). Selon Winston Churchill, « on a pu dire qu’elle était la
pire de gouvernement qui ont été essayées au fil du temps ». C’est justement
parce qu’elle est (démocratie) sans cesse à parfaire qu’elle appelle toujours
les citoyens à se rassembler pour construire et répondre aux défis du temps présent.
La consolidation de la démocratie et un Etat de droit représente un défi majeur
pour la République de Guinée qui demande la participation de tous. L’accession
au pouvoir par les armes à feu est inacceptable et condamnable mais il est
nécessaire parfois, parce qu’il permettra de redonner l’espoir perdu aux
citoyens à seule condition qu’elle soit une transition réussie. Le succès de
cette transition résulte la liaison entre le respect et la mise en œuvre de
grande principes sans lesquels on ne peut avoir de démocratie ainsi que des
institutions fortes et durables. Lorsqu’on parle de démocratie, il le faut
aussi penser à la construction de l’Etat, de ce point de vue, montre des signes
d’impuissance et cela devrait préoccuper tous les Guinéens autant que la
question de la démocratie participative. On ne peut en dissocier à celle du
succès économique et social des sociétés, de la question de la sécurité et du
renforcement du rôle protecteur de l’Etat. Un pays est en paix parce qu’il y a
une croissance économique qui occupe les hommes et des femmes. Sur ce point, la
statistique sur le taux de l’employabilité des jeunes diplômés sortants dans
nos établissements d’enseignements supérieurs dans les secteurs public ou
privés n’échappe à personne.
Le retard économique de la République de Guinée est dû à la
corruption en partie, parce qu’on ne peut plus investir en Guinée, on peut rien
faire à cause de la corruption endémique. En 2017, une loi anticorruption a été
adoptée pour mener une véritable lutte contre ce phénomène qui impacte
négativement le processus de développement socio-économique. En pratique, cette
loi n’a fait qu’augmenter la corruption au sein de l’administration publique et
privée. Malgré l’existence des organismes d’investigations comme l’agence national
de la lutte contre la corruption, l’office de répression des délits économiques
et financiers, l’inspection des finances, les inspecteurs d’états et la cour
des comptes dont l’objectif est de faire des enquêtes mais il n’existe aucun
organisme juridictionnel pour juger les commis de l’Etat. Rare sont des cadres
qui ont été jugés et condamnés à la suite d’une investigation par l’un des
organismes cités ci-haut. A quoi serve toutes ces enquêtes économiques s’il y a
aucune cour de justice pour juger et condamner les coupables ? La création de
la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF) par le
colonel DOUMBOYA et son gouvernement représente un défi du temps présent pour
lutter contre toutes formes de détournement de fonds et de corruptions dans les
services publics et privés et elle instaure aussi la culture de la bonne
gouvernance. Le détournement de fonds publics est une longue tradition dans la
vie politique et économique en République de Guinée. La mise en place de cette institution
est salutaire et nous vous invitons l’application stricte des normes juridiques
pour réprimer toutes les infractions relevant de sa compétence peu importe la
qualité de la personne poursuivie.
Il est temps que chacun d’entre nous se regarde dans un
miroir et revenir à la raison. La paix et le développement socioéconomique sont
à notre porté. Ces éléments n’adviendront que si l’on y travaille résolument,
concrètement et à tous les niveaux. Il n’y a pas « d’avenir sans pardon »,
disait le prix Nobel de la paix de 1984.Tous les différents régimes qui ont
succédés à la tête de notre pays ont tous mis en place un comité de
réconciliation nationale afin de réunir les fils et les filles de la République
autour l’unité nationale. Et aucun changement positif n’est possible dans une
société fracturée sans le pardon et l’entente ainsi que le dialogue entre les
Guinéens. Chacun peut contribuer à la construction d’une Guinée plus pacifique
à partir de son propre cœur et des relations au sein de sa famille, dans la
société et avec l’environnement, jusqu’aux relation entre les populations et
l’Etat. Il est temps que les guinéennes et les guinéens s’empruntent la voie du
travail qui est la base de la justice et de la solidarité. Le dialogue entre
générations, le dialogue consiste à s’écouter, discuter, se mettre d’accord et
cheminer ensemble. Favoriser tout cela entre les générations signifie labourer
le sol dur et stérile du conflit et du rejet pour cultiver les semences d’une
paix durable et partagée. L’instruction et l’éducation sont les moteurs de la
paix, ils rendent le citoyen plus libre et plus responsable. Ils sont aussi les
fondements d’un pays uni, civilisé, capable de créer de la richesse et du
progrès. Que cette transition soit une transition réussie et une dernière dans
l’histoire de notre pays, cela serait possible si seulement tous les guinéens
s’inscrivent dans ce sens et accompagner les acteurs de cette période
d’exception. Il faut aussi rappeler que la période d’exception ne signifie pas
qu’on (CNRD) est libre de faire tous ce qu’il veut. Que vous soyez homme fort
du gouvernement Béavogui ou peu importe de votre rang au sein de CNRD, vous
devrez œuvrer pour le bien de la Guinée et des Guinéens et éviter certains
dysfonctionnements entre la présidence et ceux du gouvernement. Le limogeage de
la ministre de la justice a suscité de nombreuses interrogations au sein de la
société. Car, le désaccord entre Madame la ministre de la justice et le
Secrétaire général de la présidence pouvait être régler par un simple coup de
file du colonel DOUMBOUYA ou le chef du gouvernement Mohamed BEAVOGUI. « La
justice sera notre boussole » disait le colonel dès les premières heures de son
règne. De quelle justice ou boussole s’agit-elle ? Madame, Monsieur, vous êtes
sur le point d’inscrire une nouvelle page de l’histoire de notre bien commun
qui est la République de Guinée. Donc, la destinée des enfants, des bébés, des
nourrissons, … est dans votre main, à vous d’œuvrer dans le bon sens.
Pour la réussite de cette transition comme celle de Jerry
John RAWLINGS, le respect du peuple, des lois du pays et de vos engagements
sont indispensables. Pour ce faire, il faut une collaboration saine,
transparente et constructiviste entre vous et le peuple de la République de
Guinée. Enfin, la question de démocratie et l’Etat de droit est une affaire de
tous. Et nous pouvons les faire au plus près de notre vie quotidienne, là où se
construit jour après jour l’unité du pays. Loin de tout sectarisme et de toute
idéologie, loin des propagandes en tous genres et de soi-disant recettes
miracles, nous avons la responsabilité de choisir ceux qui sauront être à
l’écoute pour améliorer la vie de nos citoyens après cette transition et de
développer des quartiers, des communes, des villes et des régions dynamiques.
Cela demandera prudence et compétence, ouverture et audace, effort et
coopération. Voter, c’est faire vivre la démocratie. C’est la faire rayonner
bien au-delà de nos frontières comme une grande expérience pour les populations
opprimées qui aspirent la liberté.
L’immigration guinéenne et l’image de la République de
Guinée à l’international fera l’objet de notre prochaine publication.
Sory KOUROUMA, Sociologue