Face à Mamadi Doumbouya, que peut encore le FNDC ?

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  • 04 octobre 2023 09:26

  • Politique

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Après une courte idylle avec le chef de la junte, les responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) ont pris le chemin de l’exil. Mais depuis Paris, Bruxelles ou Washington, ils continuent à militer pour une transition brève et inclusive.

Labé, Mali, Yembéring et pour finir, Kédougou au Sénégal. La route était autrefois empruntée par ceux qui cherchaient à fuir la répression sous la présidence de Sékou Touré. Rattrapés, de nombreux fugitifs y ont perdu la vie. C’est pourtant cet itinéraire qu’a choisi Abdoulaye Oumou Sow, dans la nuit du 3 décembre 2022, pour fuir la Guinée de Mamadi Doumbouya.

Assis à l’arrière d’une moto, le visage dissimulé par une cagoule et portant un petit sac contenant « juste le nécessaire », le chargé de communication du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) s’est résolu à quitter le pays après avoir passé cinq mois dans la clandestinité à Conakry, fuyant les services de sécurité. Il laisse derrière lui sa femme et leurs deux filles, dont la cadette est alors âgée de quatre mois.

Flèches caustiques

Aujourd’hui, Abdoulaye Oumou Sow vit en France, tout comme le coordinateur du FNDC, Oumar Sylla alias Foniké Mengué. Libéré de prison en mai dernier grâce à la médiation de religieux guinéens, Foniké Mengué a pris un vol au départ de l’aéroport de Conakry. Après deux tentatives infructueuses, la troisième fut la bonne. Contacté par Jeune Afrique, il se défend toutefois d’avoir rendu les armes et met en avant son état de santé, que ses fréquents séjours derrière les barreaux ont contribué à détériorer. « Je suis là pour me soigner mais je ne vais pas m’exiler, insiste-t-il. Le FNDC est plus légitime aux yeux des Guinéens que le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, la junte au pouvoir]. J’attends juste que les médecins me libèrent, pour rentrer en Guinée. »

Bruxelles. C’est là que s’est installé Sékou Koundouno, le responsable stratégie et planification du FNDC. Après avoir combattu le troisième mandat d’Alpha Condé, le FNDC avait applaudi sa chute, le 5 septembre 2021. Mais très tôt, Sékou Koundouno a senti le vent tourner et c’est donc depuis la Belgique qu’il décoche ses flèches caustiques contre Mamadi Doumbouya.

Du Quai d’Orsay au Département d’État

Très suivi sur les réseaux sociaux (plus de 40 000 abonnés sur Facebook et autant sur X, anciennement Twitter), il ne laisse rien passer, épinglant aussi bien le discours prononcé par Doumbouya à l’ONU que « les éloges » que lui adresse la secrétaire générale de l’OIF, sans oublier cet avion privé qui a transporté – à grand frais – le président de la transition aux États-Unis… Sékou Koundouno n’a jamais eu la langue dans sa poche. Sous la présidence d’Alpha Condé déjà, il s’opposait fréquemment – par tribunes interposées – à Tibou Kamara, alors ministre conseiller à la présidence et porte-parole du gouvernement.

Que peuvent-il encore ces responsables du FNDC face à un régime qui est parvenu à s’installer à la tête de la Guinée ? Ils affirment avoir été reçus au Quai d’Orsay et à l’Assemblée nationale. Ils ont rencontré des membres de la coalition Tournons la page [TLP, mouvement international citoyen pour « l’alternance démocratique en Afrique »] et accordé des interviews à la presse. En juillet, Foniké Menguè et Billo Bah, un autre cadre du FNDC, se sont rendus aux États-Unis pour tenter de rallier à leur cause le National Democratic Institute (NDI), Human Rights Watch et même le Département d’État et l’ONU.

« La France est silencieuse »

« Partout, on a attiré l’attention sur ce qui se passe en Guinée, explique le coordinateur du FNDC. On leur a dit que l’on est demandeur d’un vrai dialogue pour réorienter la transition. » Le FNDC espère surtout parvenir à contrer le narratif porté par le chef de la diplomatie guinéenne, Morissanda Kouyaté. « La France est silencieuse sur les violations des droits humains. Paris soutient la junte », regrette encore Foniké Mengué.

En un an, les manifestations contre le CNRD ont fait une dizaine de morts par balles selon un décompte officiel – 32, selon le FNDC. « On leur a dit qu’il y a un risque réel de confiscation du pouvoir, ajoute notre interlocuteur », affirmant qu’aucun glissement du calendrier de la transition ne sera toléré (le pouvoir doit être rendu aux civils à la fin de 2024). Et de conclure : « J’espère que le discours de Mamadi Doumbouya à la tribune de l’ONU finira de convaincre ceux qui avaient encore des doutes qu’il envisage de s’accrocher au pouvoir. »

Un mouvement divisé

En attendant, le FNDC travaille à sa réorganisation pour compenser le départ de ceux qui ont rejoint la transition après la chute d’Alpha Condé, estimant que l’objectif avait été atteint. D’autres, comme l’ancien coordinateur national Abdourahmane Sanoh, ont choisi de se retirer de la sphère publique après des années d’une lutte laborieuse.

Et puis il y a ceux qui ont choisi de poursuivre le combat, passant outre la dissolution prononcée du mouvement par les autorités en août 2022. Affaiblie par les départs et par des querelles de leadership, l’antenne française du FNDC a connu une scission. Mais début septembre, Abdoulaye Oumou Sow a installé une nouvelle équipe, composée d’un coordinateur et d’un bureau de plusieurs membres. Celles de Belgique et de Suisse ont, elles, survécu.

Le chargé de communication s’attelle aussi à la mise en place d’antennes des Forces vives en France, une plateforme comprenant des partis politiques et des organisations de la société civile, dont le FNDC. « La distance géographique ne veut rien dire, elle n’entame en rien notre lutte », assure Abdoulaye Oumou Sow. Selon lui, la coordination du FNDC tient ses réunions « comme d’habitude », en ligne. C’était déjà le cas depuis l’arrestation musclée de plusieurs membres en plein conclave et la répression qui s’en était suivie, en juillet 2022. Autrement dit, avant que ses leaders ne partent à l’étranger.

Loin de la Guinée, le FNDC met en tout cas un point d’honneur à surveiller les avoirs (patrimoine immobilier, comptes bancaires) à l’étranger des binationaux qui jouent un rôle dans la transition. Bien décidé à dénoncer tout risque d’enrichissement illicite et à enclencher des actions judiciaires, le cas échéant.

Jeune Afrique 

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