Le footballeur Karim Benzema, 33 ans, est jugé du 20 au 22 octobre 2021 au tribunal correctionnel de Versailles, en région parisienne, avec quatre autres prévenus pour leur participation présumée dans l’affaire dite de « chantage à la sextape ». Affaire dont la victime est l'ancien coéquipier de Benzema en équipe de France, Mathieu Valbuena, 37 ans. Retour sur un scandale hors norme qui a éclaté en novembre 2015.
Ce mercredi 20 octobre 2021 s’ouvre au tribunal
correctionnel de Versailles, à l’ouest de Paris, un procès hors norme. Celui de
la superstar du football Karim Benzema, attaquant du Real Madrid et de l’équipe
de France, ainsi que de quatre autres prévenus.
Tous les cinq sont soupçonnés d’avoir contribué en 2015 à
une affaire de chantage à la vidéo intime (sextape) dont la victime présumée
est Mathieu Valbuena, lui aussi footballeur et ancien coéquipier de Benzema en
équipe de France. Rappel des faits.
La genèse de
l’affaire
En 2014, alors qu’il évolue à l’Olympique de Marseille (OM),
dans le Championnat de France, Mathieu Valbuena confie un de ses téléphones
défectueux à Axel Angot. Ce dernier, qui gravite dans le milieu du foot, rend
divers petits services aux footballeurs. Parmi les fichiers téléchargés depuis
l’appareil de Valbuena, Angot découvre une vidéo très intime du Marseillais.
Qu’il décide de conserver.
Quelques mois plus tard, Angot et un autre prévenu, Mustapha
Zouaoui, demandent à Djibril Cissé, ex-attaquant vedette de l’équipe de France,
de jouer les intermédiaires avec Mathieu Valbuena, parti évoluer en Russie. En
mai 2015, Cissé prévient certes son ex-partenaire à l’OM de l'existence d’une
sextape le mettant en scène. Mais le rôle de Cissé s’arrêtera là, selon la
justice française.
Quelques jours plus tard, un troisième prévenu entre alors
en scène : Younès Houass. Lui aussi gravite dans le milieu du football. Ce
dernier, en juin 2015, contacte directement Mathieu Valbuena au sujet de la
vidéo, mais sans parler d’argent ou de contrepartie.
L’entrée en scène de
Karim Benzema
Cette fois, le milieu de terrain prend l’affaire très au
sérieux. Mathieu Valbuena prévient alors la police. Un enquêteur surnommé «
Lukas » est chargé de jouer l’intermédiaire auprès des détenteurs de la vidéo.
Ce policier sera par la suite accusé (sans succès) par les prévenus de les
avoir poussés au délit, de les avoir encouragés à réclamer une contrepartie en
échange de la vidéo.
Après de longues et stériles discussions, les
maîtres-chanteurs présumés se tournent alors vers Karim Zenati. Celui-ci est un
ami d’enfance de Karim Benzema, superstar du foot français et coéquipier de
Valbuena en Bleu. C’est d’ailleurs lors d’un rassemblement de l’équipe de
France, en octobre 2015, que Benzema approche Valbuena au sujet de la fameuse
vidéo.
Lors d'une audition devant la juge d'instruction, Valbuena
raconte cet échange improvisé dans sa chambre, un 6 octobre. « Il [Karim
Benzema, Ndlr] m'a tout de suite dit "Math, il y a une vidéo, c'est
chaud". Je lui ai dit que j'étais au courant. Il m'a dit qu'il m'aimait
bien et qu'il se voyait mal passer à côté de moi et ne pas me le dire. […] Il
m'a dit pouvoir me présenter quelqu'un de confiance [Karim Zenati, Ndlr], qui
pouvait gérer ça. J'ai dit que je voulais bien payer pour ma liberté, mais
qu'il pouvait y avoir des copies. Il m'a dit "Math sur ma fille, il n'y
aura pas de copie" ».
Le scandale éclate
La suite est connue. Le 4 novembre, Karim Benzema est placé
en garde à vue à Versailles puis mis en examen le lendemain pour « complicité
de tentative de chantage ». L’affaire fuite dans les médias. Le scandale
éclate. L’équipe de France de football se retrouve bien malgré elle prise dans
cette affaire qui oppose deux de ses titulaires. Le 11 novembre 2015, la
diffusion dans la presse d’un entretien téléphonique entre Karim Benzema et son
ami Karim Zenati, enregistré par les enquêteurs, jette une ombre sur le joueur
du Real. Il y tient des propos décousus et méprisants envers Valbuena.
La pression monte sur la Fédération française de football
(FFF). Le 10 décembre 2015, le patron de la FFF Noël Le Graët indique que Karim
Benzema est écarté « jusqu'à ce que la situation évolue ». En février 2016, le
contrôle judiciaire de Benzema est partiellement levé, même si l'intéressé
reste mis en examen. En avril 2016, la FFF annonce que l’attaquant ne sera pas
pour autant sélectionné pour le Championnat d’Europe des nations (Euro 2016)
organisé en France.
En juin, alors que l’Euro 2016 approche, Karim Benzema
contre-attaque. Dans une interview accordée au journal espagnol Marca, le
Madrilène clame son innocence et accuse Noël Le Graët et le sélectionneur
Didier Deschamps d’avoir cédé « à une partie raciste de la France ». Ses
représentants déposent dans la foulée un recours en nullité auprès du parquet
de Versailles, estimant que la procédure judiciaire a été « déloyale ». En
vain.
Cinq ans de
procédures et de polémiques
Entre décembre 2016 et décembre 2019, les prévenus tentent
sans réussite de faire invalider tout ou partie de la procédure. Le 7 janvier
2021, Karim Benzema est renvoyé en correctionnelle, ainsi que les quatre autres
prévenus : Axel Angot, Mustapha Zouaoui, Younès Houass et Karim Zenati.
Durant toute cette période, ni Mathieu Valbuena, ni Karim
Benzema ne remettent les pieds en Bleu. Le premier voit sa carrière décliner,
après des passages mitigés à l’Olympique lyonnais (2015-2017) et en Turquie
(2017-2019). S’il revit depuis 2019 en Grèce avec l’Olympiakos Le Pirée, le
meneur de jeu ne s’est jamais totalement remis de cette affaire de chantage à
la sextape.
Benzema, lui, a en revanche continué à briller de mille feux
avec le Real Madrid, remportant notamment les Ligue des champions 2016, 2017 et
2018. Pas assez pour convaincre Didier Deschamps de le rappeler pour une Coupe
du monde en Russie que les Français remporteront.
Le retour en grâce
sportive de Benzema
En mai 2021, à la surprise générale, Karim Benzema est
toutefois rappelé en sélection, en vue de l’Euro. Malgré un tournoi raté
collectivement (élimination en huitième de finale), le numéro 9 du Real est
largement épargné par les critiques. Éblouissant sur les terrains, le joueur de
33 ans s’attire même les louanges du président de la République Emmanuel Macron
qui salue « un modèle de réussite pour beaucoup de jeunes issus de
l’immigration ».
À deux mois de la remise du Ballon d’Or, Karim Benzema fait
plus que jamais partie des favoris pour remporter cette prestigieuse
distinction individuelle. Au moment même où il encourt jusqu’à 5 ans de prison
pour complicité de tentative de chantage, devant le tribunal correctionnel de
Versailles.
Avec RFI