De toutes les personnes poursuivies pour leur rôle présumé dans le
génocide rwandais, Félicien Kabuga est certainement l’un des plus chanceux. En
effet, le tribunal des Nations unies, basé à La Haye aux Pays-Bas, a décidé de
ne plus organiser le procès de ce génocidaire présumé parce qu’inapte, selon
lui, à être jugé. Argument mis en avant : son état de santé. Le
distributeur de machettes aux miliciens et le chef d’orchestre de la tristement
célèbre Radio-télévision libre des Mille collines, n’aura pas l’occasion de raconter
à la face du monde et devant les survivants du génocide, les séquences du film
d’horreur dont il aura été l’un des sinistres metteurs en scène. Il faut
ajouter à cela le fait que l’octogénaire a été épargné d’un retour forcé sur
les terres rwandaises maculées du sang des 800 000 victimes de 1994 et où,
certainement, le pouvoir de Paul Kagamé lui aurait fait goûter pour le restant
de ses jours, les prémices de l’enfer qui pourrait l’attendre dans
l’au-delà. Au total, avec la décision du
tribunal onusien de lui épargner un procès, Félicien Kabuga s’en tire à bons
comptes.
La non-tenue du procès Kabuga, constitue une grande déception pour les
familles des victimes
Et il doit s’estimer heureux contrairement aux 62 autres génocidaires dont Augustin Bizimana et Protais Mpiranya, jugés et condamnés par le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le “Mécanisme”), chargé d’achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Et contrairement à Fulgence Kayishema, un des quatre derniers fugitifs recherchés pour leur rôle dans le génocide, qui a été arrêté en mai dernier en Afrique du Sud en attendant d’être extradé au Rwanda pour être jugé. On peut le deviner, la non-tenue du procès Kabuga, constitue une grande déception pour les familles des victimes du génocide et de l’ensemble de ceux qui ont traqué Kabuga pendant 25 ans pour finalement le débusquer en France et le conduire devant les tribunaux. A l’ouverture du procès, le 29 septembre 2022, les Rwandais, particulièrement, étaient impatients d’entendre la version de cette grosse légume du régime de Juvénal Habyarimana, pour continuer de faire leur deuil. Aujourd’hui, à leur corps défendant, des juges se voient contraints de refermer une page de la tragédie de 1994. Mais tout n’est pas pour autant perdu pour les victimes. D’abord, parce que le monde et la jeune génération de Rwandais ont eu l’occasion de découvrir l’un des visages hideux qui ont orchestré le génocide, et ensuite parce que la Justice immanente va se charger de rendre justice aux victimes.
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