A la mairie de Matoto,
la frontière entre clientélisme, petits arrangements entre amis et favoritisme
est loin d’être impénétrable. C’est ce qui ressort du rapport de la Cour des
Comptes qui dévoile l’envers du décor
peu reluisant des comptes de cette commune. Lisez !
Des choses pas du tout catholiques
dans cette collectivité...
Un contrôle effectué en 2018 par la Cour des Comptes, au
niveau de la commune de Matoto, portant en effet sur la gouvernance
administrative et financière, la gestion des ressources humaines, la commande
publique locale, la gestion des biens et domaines de la commune et la gestion
de l’état civil qui révèle des
manquements graves à la législation guinéenne applicable dans le fonctionnement
de cette mairie de la capitale.
Selon les termes d’un délibéré de la chambre des comptes des
collectivités territoriales et locales du mardi 24 juillet 2018, couvrant les
exercices 2012 et suivants, la commune de Matoto a été administrée par une
délégation spéciale depuis la dissolution du conseil communal par décret
n°160/PRG/001 du 24 mai 2011. Et son président a rempli les fonctions de
l’autorité exécutive locale. Alors que la durée de vie légale d’une délégation
spéciale est de six mois, celle de la commune de Matoto a duré six ans, faute
de la tenue d’élections communales. Ce qui constitue en soi une violation des
dispositions de l’article 105 du code des collectivités de 2006.
Malgré la limitation des
pouvoirs du président de la délégation spéciale par le code des collectivités
locales des pouvoirs par rapport aux actes administratifs courants, la délégation
spéciale de Matoto a préparé les budgets qui auraient dû l’être par le secrétaire
général, le chef service financier et le receveur communal. Elle a également
élaboré un plan de développement local, adopté des programmes annuels
d’investissement et recruté du personnel permanent en méconnaissance des
dispositions du code des collectivités locales.
Par exemple, pour l’exercice 2017, la commune de Matoto a
élaboré un budget en équilibre de 10 533 081520 GNF.
Le non-respect de la
périodicité trimestrielle des sessions du conseil’’
Le contrôle de la gestion de la commune de Matoto par la Cour
des Comptes a démontré que les sessions du conseil n’ont pas respecté la
périodicité trimestrielle prévue par le code des collectivités et ses
délibérations ne sont pas régulièrement publiées. Elle note même la non-tenue des sessions du
conseil pour les exercices 2016 et 2017, ce qui rend irréguliers, au sens de
l’article 110 du code des collectivités locales, les actes pris par l’exécutif
local pendant cette période. En contradiction avec l’article 110 du code visé
ci-haut et infra, la Cour des Comptes observe que le conseil local de Matoto ne
s’est pas doté d’un règlement intérieur. Elle constate ensuite que la commune de
Matoto ne s’est pas dotée d’outils de pilotage permettant de rationaliser son
fonctionnement (règlement intérieur de la commune, manuel des procédures
administratives, financières et comptables en particulier).
L’absence de fiabilité
des comptes
En matière de gestion financière, la Cour des Comptes note l’absence de fiabilité des
comptes qui se traduit par le non-respect de la nomenclature budgétaire,
une information financière incomplète, l’insincérité des comptes (dû à la non
comptabilisation de certaines recettes et les écarts non justifiés entre les
comptes administratifs et de gestion de la commune et, entre ceux-ci et les
pièces justificatives produites à la Cour). Il a été, en outre, noté une
comptabilité d’engagement défaillante et l’absence d’inventaire des biens de la
commune.
Le caractère surréaliste de
l’attribution de subventions à des bénéficiaires non éligibles
D’abord, les comptes de la commune de Matoto montrent un
faible taux d’exécution des recettes ainsi que des dépassements budgétaires
sans décisions modificatives. A propos du flou qui entoure l’octroi des
subventions, la Cour note également que des subventions sont attribuées à des
bénéficiaires non éligibles, telles que celles accordées aux Imams. Sans démontrer
à la Cour des Comptes une seule preuve formelle que ces religieux en ont fait
la demande (mandat n°88 du 18 mai 2012), ou encore des subventions accordées
pour des manifestations qui ne se tiennent pas sur le territoire de la
collectivité (mandat n°129 du 15 juin 2012) etc.
Le personnel de la
commune estimé à 160 agents contractuels
tire le diable par la queue.
Selon le rapport, le personnel de la commune comprend 160
agents contractuels, recrutés selon des procédures peu transparentes et
rémunérés en dessous du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), en
contradiction avec la règlementation applicable. S’y ajoutent des agents de l’État
mis à disposition. La Cour des Comptes a noté l’absence de contrats de travail
des agents contractuels de la commune de Matoto. Elle a en outre relevé que
leur recrutement est à la discrétion de l’autorité exécutive communale de
Matoto.
La Cour des Comptes a en plus constaté par ailleurs
l’absence de congés pour les agents ou d’indemnités compensatrices, de cotisations
à la caisse nationale de sécurité sociale et par conséquent de couverture
sociale, pourtant obligatoire. Mais aussi l’absence de dossiers individuels des
travailleurs ainsi que l’absence pendant la période sous revue, de formation et
d’évaluation des agents hormis ceux de la section impôt.
….des commandes publiques sans respect
des règles en la matière
A propos de la commande publique locale de Matoto, la Cour
des Comptes a notamment relevé l’absence de mise en concurrence et le
non-respect des règles y afférentes. Elle a par ailleurs constaté des achats
effectués sans pièces justificatives et parfois avec des fournisseurs ne
justifiant pas le respect de leurs obligations fiscales et sociales. Ce qui
serait en contradiction avec le code des marchés publics.
La Cour des Comptes a aussi noté que plusieurs marchés et
délégations de services publics ont été attribués à des conditions désavantageuses
pour la commune de Matoto.
Pire, les conditions d’occupation du domaine public ne sont
pas définies; la location des 70 kiosques et de la cantine communautaire n’ont
généré aucune recette pour la commune durant la période sous revue. Quant aux
concessions des gares routières, les recettes enregistrées à ce titre sont
insignifiantes.
Il est constaté à l’actif de la commune de Matotou un service
des archives dirigé par un professionnel, ce qui constitue une garantie de
bonne tenue des archives de la commune pour le futur. Toutefois, ces
observations provisoires de la Cour des Comptes ont été délibérées le 24 avril
2018 et adressé à la commune par lettre n° 45/SGC/CCG/2018 du 1er juin 2018. Réceptionnées
à la même date, les autorités communales
ont disposé d’un mois, à compter du 1er juin 2018 pour apporter des réponses
aux observations de la Cour des Comptes. Malheureusement, aucune réponse de la
mairie n’étant parvenue à la Cour pendant ce délai, les observations
définitives ont été délibérées en présence du commissaire général du
Gouvernement le 24 juillet 2018.
…indemnités de sessions
seraient aussi source de malversation.
Quant aux indemnités de sessions mentionnées dans les comptes
de gestion produits par le receveur communal, la Cour des Comptes décèle que leur évolution n’est pas en phase avec les
extraits des procès-verbaux de session produits par le secrétaire général. En
effet, les montants, les moins élevés sont inscrits dans les comptes des
exercices pour lesquels, il y a le plus grand nombre d’extrait de
procès-verbaux. Dès lors, les informations fournies par la commune ne semblent
pas fiables.
La Cour constate une entorse aux dispositions de l’article
128 du code en ce sens que, les citoyens de la commune de Matoto, ne sont pas
informés de la gestion des affaires locales par le biais de la diffusion et de
la publication des comptes rendus de sessions et des délibérations.
Suite à l’examen de 2 registres communaux, il est apparu que
les registres de sessions et de délibérations, ne sont ni cotés ni paraphés par
le président du Tribunal de première instance de Mafanco ; qu’il manque les
signatures des membres présents lors des séances dans les procès-verbaux de
sessions et de délibérations, sans qu’aucune mention n’ait été faite de la
cause qui les a empêchés de signer ; que les registres communaux ne sont
pas bien tenus, certaines pages étant ; que les dates de la tenue de certaines
sessions n’y sont pas mentionnées.
Aussi, l’absence
de procès-verbaux de délibérations dans le registre coté et paraphé à cet effet
pour la période (2014-2015) est soulignée. Il y’a aussi le manque de concordance entre les dates mentionnées
dans le registre des sessions et celles figurant dans le registre des
délibérations.
Dès lors, la Cour des Comptes s’interroge sur la régularité
de certains actes posés par l’autorité communale, en dehors de toute
délibération du conseil local. C’est le cas notamment de tous les actes passés
en 2016 et 2017 en général et de certains d’entre eux en particulier
comme la décision n°049/MATD/VC/CMTO en date du 4 janvier 2016 portant
dotation à l’autorité exécutive communale de 40 litres de carburant par jour, la
décision n°03/MATD/VC/CMTO en date du 4 janvier 2016 portant allocation d’une
prime de logement par laquelle l’autorité communale s’attribue une prime de
logement de 900000 GNF par mois et la conclusion de certains marchés qui seront
largement évoqués par la présente enquête.
En flagrante violation de l’article 163 du code des
collectivités, l’autorité exécutive communale de Matoto et le secrétaire
général ont précisé à la Cour des Comptes qu’il n’existe aucun service
administratif local, en dehors du secrétariat central et du service financier
communal.
En revanche, la gestion des courriers administratifs se fait
selon de bonnes pratiques, puisque la commune dispose d’une équipe chargée
d’assurer la gestion des courriers et des registres de transmission interne et
externe. Cependant, la commune de Matoto dispose d'un organigramme inadapté à
son organisation actuelle, mais elle ne dispose pas d'un manuel de procédures administratives,
comptables et financières.
Constat de la Cour des
Comptes sur la période sous revue
D’abord de 2012 à 2013, il n’existe aucun registre des actes
de l’autorité exécutive locale qui soit coté et paraphé par le président du
tribunal de première instance de Mafanco. Ensuite, de 2014 à 2016, les actes de
l’autorité exécutive locale sont inscrits dans un registre destiné à servir de
registre des sessions. Il a été coté et paraphé à cet effet en novembre 2012
par la présidente du tribunal de 1èreinstance de Mafanco. Au-delà de cette
anomalie, le dit registre n’est pas bien tenu car des numéros, dates, mois et
années d’enregistrements sont inscrits en désordre.
La Cour des Comptes a aussi constaté qu’en 2012, alors
que les autorités communales n’ont produit aucun budget initial, elles ont,
cependant fourni le budget remanié de 2012 qui a été adopté le 19 octobre 2012
et approuvé le 5 décembre de la même année par le gouverneur de la ville de
Conakry.
Quant au budget de 2013, il a été adopté le 8 avril 2013 mais
la Cour n’a trouvé aucune approbation signée du gouverneur de la ville de
Conakry.
En 2014, le budget a été adopté lors de la séance du 8 avril
et l’approbation du gouverneur est intervenue le 21 avril 2014. Tandis qu’en
2015, le budget a été adopté le 8 avril 2015 et approuvé le 21 avril de la même
année.
En 2016, malgré le fait qu’il n’y ait eu aucune délibération
du conseil adoptant le budget communal, le gouverneur de la ville de Conakry
l’a approuvé le 8 avril 2016. Quant au budget 2017, sans avoir été
préalablement adopté, il a été transmis pour approbation le 16 février et
approuvé par le gouverneur de la ville de Conakry le 3 mai 2017.
Aucun budget adopté conformément au respect du code des
collectivités
Il apparait dans la
conclusion des analyses de la Chambre des comptes des
collectivités territoriales et locales que pendant la période sous revue, aucun
budget n’a été adopté conformément à l’article 390 du code des collectivités.
La Cour soutien que l’État verse chaque année à la commune de
Matoto une subvention de fonctionnement. Ainsi, sur les 5 années sous revue, la
commune de Matoto a reçu 1 .661. 522. 547 GNF répertoriés dans les comptes de
gestion de 2012 à 2016. Il est à relever qu’il existe un écart considérable
entre les attentes des autorités communales estimées dans les différents
budgets et les versements de cette subvention répertoriés dans les différents
comptes sur la même période (2012 à 2016).
L’analyse des recettes communales montre que sur un total de 14. 584 .380. 126
GNF recouvrés durant les cinq années de
la période sous revue, la moyenne des recettes de la commune de Matoto est de 2
916 876 025 GNF. Ainsi il a été
observé que la commune dispose d’un potentiel insuffisamment exploité dans
la mesure où sur toute la période sous-revue, elle n’a pu réaliser le tiers de
ses prévisions. Cette situation constitue un paradoxe aux yeux de la Cour des
Comptes.
La commune de Matoto tire essentiellement ses moyens de
subsistance de quatre sources de recettes : les recettes fiscales, les
recettes non fiscales, les fonds de dotation et les recettes diverses. Les
recettes les plus importantes pour la commune de Matoto sont les recettes
fiscales. Elles ont rapporté à la commune 8. 292. 550 .591 GNF en cinq
ans.
Avec la fiscalité immobilière, Matoto peut accroitre ses
recettes fiscales, mais pour y parvenir, il lui faut une plus grande
implication des autorités communales dans le recensement, l’enrôlement le recouvrement
des recettes fiscales.
Les recettes communales sont reparties en recettes de
fonctionnement et en recettes d’investissement. Du résultat de l’exécution
budgétaire de la commune pour les exercices 2012 à 2016, il ressort un taux
moyen de 98,44% de couverture des dépenses par les recettes qui dégage un solde
global budgétaire de GNF 38 667 122.La part de la subvention de
l’État sur le total des recettes enregistrées se chiffre à GNF
1 661 522 547 soit 11,39%.La part des recettes propres de la
Commune sur le total des recettes enregistrées se chiffre GNF
12 922 857 579 soit 88,61%.
…des subventions à plusieurs
catégories de personnes non éligibles
Il en est ainsi des subventions attribuées aux organismes
socio-économiques : commissariat Urbain de Matoto (mandats n°281 du
20/11/2012, n°261 du 13/11/2012), aux femmes du RPG Arc en ciel (mandat n° 75
du 11/05/2012), à Mamadou Samba Diallo chef service financier communal (mandats
n°74 du 8 mai 2012, n°46 du 27/03/2012), au service d’incendie et de secours
(mandat n°77 du 26/04/2012)
Par ailleurs, des subventions pour manifestations diverses
ont, de surcroît été accordées à des imams, sans preuve formelle qu’ils en ont
fait la demande (mandat n°88 du 18/05/2012), ou encore des subventions
accordées pour des manifestations qui ne se tiennent pas sur le territoire de
la collectivité (mandat N°129 du 15/06/2012) etc.
Sous la couverture des subventions pour manifestations
diverses, l’exécutif communal subventionne également des partis politiques
(mandat n°276 du 20/11/2012) ce qui est contraire aux principes de neutralité
et d’équité qu’impose la fonction d’administrateur public.La Cour des comptes
relève que 2012 à 2015, la Commune a payé aux organismes socio-économiques, en
moyenne, le montant de GNF 101 912 375 au titre des subventions, alors
qu’en violation de l’article 29 du code des collectivité qui attribue aux collectivité
l’enseignement préscolaire, élémentaire et l’alphabétisation (27ème compétence)
aucun établissement préscolaire n’a été entretenu sur le budget communal en 5
ans. En violation de l’article 29 du code des collectivités, le budget communal
n’a en 5 ans, rénové aucun établissement sanitaire (32ème compétence) alors que
des mandats de 2015 alimentant une rubrique subventions aux organismes
socio-économiques d’une valeur de GNF 20 303 000 a été utilisée pour
soutenir des personnes physiques.
…des subventions attribuées à des structures
fantômes
Les subventions aux associations sont opaques (les critères et
modalités d’attributions sont inconnues et non formalisées, la liste des
bénéficiaires par an est introuvable) en violation de l’article 399 du code des
collectivités. La commune de Matoto n’a jamais respecté cette exigence pendant
la période sous revue.
En dépit de l’insistance de la Cour de la Cour des Comptes,
aucune information n’a été fournie sur les statistiques du nombre
d’associations de jeunesse agréées par la commune de Matoto depuis 2012.
Pourtant, la commune a versé GNF 44.090.000 a des associations de jeunesse.
Le budget de 2017
estimé à 10 533 081 520 GNF exécuté hors normes.
Comme les années précédentes, en dépit des prescriptions de
l’article 104 du code des collectivités et du paragraphe 3 de la lettre
Circulaire N°0142/MATD du 06 novembre 2015, rappelant les pouvoirs des
délégations spéciales, les autorités de la commune continuent de préparer et
d’exécuter des budgets. C’est ainsi qu’en 2017, la commune de Matoto a préparé
et mis en exécution un budget en équilibre en recettes et dépenses à 10 533 081
520 GNF.
A l’examen de ce budget, la Cour des Comptes a noté que les
prévisions des revenus du portefeuille s’élèvent à GNF 800 000 000. Étant
donné que la commune de Matoto n’a jamais perçu cette recette de 2012 à 2016,
et qu’en principe un budget est une estimation réalisable fondée sur un
potentiel, le rapport d’observations définitives s’interroge sur la sincérité
de cette prévision budgétaire. Tout comme, la Cour des Comptes s’interroge sur
la comptabilisation des recettes provenant de la location de la cantine.
Concernant les fournitures de carburant et lubrifiants
(paragraphe 6326) la page 11 du budget mentionne une prévision de (0) alors que
le compte Administratif et le Compte de Gestion indiquent une prévision de GNF
180 000 000 GNF.
Quant aux réalisations, les comptes Administratif et de
Gestion se contredisent :
Le Compte Administratif indique une réalisation de GNF165
374 100.
Le Compte de Gestion mentionne une réalisation de GNF157.941.600,
soit un écart de (7 432 500) en faveur du CA. Dans tous les cas, il y a eu
exécution alors que rien n’était prévu au budget.
Les assurances de véhicule :
Le budget et le Compte de Gestion indiquent au
paragraphe 6332 :
Prévision 5 000 000
Réalisation
(0)
Dans le compte administratif, le paragraphe 6332 c’est
entretien et réparation de véhicule :
Prévision 150 000 000
Réalisation 150 000 000
La Cour des Comptes a reconstitué sur la base des
statistiques des actes d’état civil délivrés par le bureau état civil et
population de Matoto, le montant des recettes d’état civil recouvré par la
commune pendant la période sous revue. Au titre de ces recettes, la Cour a pu
trouver GNF 513 015 135 qui devraient figurer dans les comptes des différents
exercices de la période sous revue mais qui n’y sont pas.
Mandats falsifiés,
mandats sans pièces ou avec des pièces justificatives falsifiées
La Cour des Comptes a également souligné l’existence des
mandats falsifiés et/ou surchargés, des mandats avec des pièces justificatives
falsifiées, des mandats sans pièces justificatives comme celui qui a permis à
la commune de payer la somme de 10 400 000 GNF au comptable Traoré au titre des
indemnités des fonctionnaires de l’État assurant un service pour le compte de
la commune. Les pièces justifiant le paiement de ce montant aux bénéficiaires
réels devraient accompagner le mandat ayant permis ce paiement. Or, la Cour a
constaté qu’aucune pièce justificative n’est annexée à ce mandat. Il en est
également ainsi pour l’élaboration d’un PDL, la commune a payé 87 125 000 GNF
sans pièces justificatives.
La Cour a examiné certains achats effectués par la commune
pour vérifier leur régularité par rapport à la loi L/2012/020 fixant les règles
régissant la passation, le contrôle et la régulation des marchés publics et
délégations de service public puisque l’article 3 de cette loi implique les
collectivités territoriales décentralisées dans son champ d’application.
L’examen du compte administratif 2015 de la commune a permis
à la Cour de déceler des acquisitions importantes c’est le cas notamment :
De l’acquisition du Matériel et mobilier pour GNF146 450 000,
en l’absence d’inventaire des biens, La Cour s’interroge sur la destination de
ce matériel puisque la quasi-totalité des services se plaignent d’un manque de
matériel.
De l’achat de véhicules et engins pour GNF114 400 000, les
autorités de la commune affirment que cette dernière ne possède aucun parc
automobile et que le seul véhicule entretenu par le budget communal est celui de
l’autorité exécutive communale. Dès lors les magistrats de la Cour des Comptes s’interrogent
sur les engins véhicules et engins achetés.
L’examen des comptes de gestion fait apparaitre des achats
élevés pour preuve : l’achat de véhicules et engins fait un montant de GNF114
400 000 en 2015, l’achat de carburant et de lubrifiant a représenté, à lui seul
GNF 252 930 000 en 2016 ; celui des pneumatiques et pièces de rechange est
de GNF 87 350 000 pour la même période. De toute évidence, ces montants
dépassent le seuil de passation des marchés publics prévu par l’article 4 de la
loi L/2012/020.
Plusieurs anomalies ont, de plus, été décelées à ce niveau
par la Cour. Il s’agit entre autres :
De l’usage de libellés imprécis
L’examen des pièces justificatives accompagnant les mandats a
permis à la Cour de constater que le fournisseur Mamadou Konaté a vendu des
pneus pour un prix unitaire de 1.500.000 GNF (mandat n°241 véhicule de
commandement) de GNF3.500.000 (mandats N° 118, 119 et 120 véhicule de marque
IVECO) et de GNF 5 000 000 (mandat n°283 véhicule indéterminé). Si les deux
premiers types de véhicules existent réellement à Matoto, la Cour s’interroge
sur le troisième type de pneus qui reste à déterminer.
La Cour a constaté sur de nombreuses pièces justificatives
annexées aux mandats, des libellés qui ne permettent pas d’identifier avec
exactitude les bénéficiaires de certains paiements effectués par la commune de
Matoto.
Une affaire de location
de machines entre la commune et l’entreprise Poubelles de Conakry sentirait
également du soufre ?
Sur la location des machines à l’entreprise poubelles de
Conakry, en 2012, la commune a loué plusieurs fois des machines pour
l’assainissement de ses marchés à l’entreprise poubelles de Conakry. Certains
de ces contrats ont été payés respectivement par mandat n° 182 en date du
02/08/2012 pour GNF 8 700 000 GNF (la machine chargeuse étant louée à un coût
unitaire de GNF2 900 000 selon la facture n° 048 établie par l’entreprise).
Or, trois semaines plus tard, c’est-à-dire le 24/08/2012 les
mêmes machines ont été louées pour les mêmes causes à la même entreprise pour
des montants différents GNF 40 000 000 pour un prix unitaire de GNF2 500 000
(voir les mandats n° 187 et 188 en date du 24 août 2012). Dès lors, la Cour
soupçonne des pratiques susceptibles d’être qualifiées de surfacturation avec
la complicité (active ou passive) des autorités de la commune.
Du contrat entre la commune et le directeur
général de GUI.C.E.P
En dépit des rappels du ministre de l’Administration du
territoire et de la décentralisation, les autorités de la commune de Matoto ont
réalisé en violation de la législation des ouvrages. En examinant la
réalisation de ces ouvrages d’une valeur de 130 millions, la Cour des comptes
s’est rendu compte que l’exécutif communal a passé ces marchés en violation du
code des marchés publics, puisqu’il n’y a pas eu de mise en concurrence, les
travaux sont exécutés sans contrôle et le cas particulier de la construction
d’un bâtiment abritant une salle de prière et des bureaux a retenu l’attention
des magistrats instructeurs.
Par contrat en date du 21/06/2017, l’autorité communale de Matoto
a convenu avec le directeur général de GUI.C.E.P (guinéenne de construction –
études et prestations) de la construction d’un bâtiment à rez-de-chaussée pour
servir de bureaux et de salle de prière.
Par lettre du 20 juin 2017, l’ingénieur HYJAZI Saïd a soumis
un devis de GNF 130 804 000 au Maire de Matoto. Par lettre sans numéro du
19 juillet 2017, le maire a instruit le receveur communal de procéder à la mise
en paiement du montant des travaux.
En examinant les mandats, la Cour des Comptes a constaté que
ce montant avait été intégralement payé par virement, la veille de la date de
la lettre demandant la mise en paiement du marché. En ordonnant ce paiement,
l’exécutif local a méconnu la clause relative aux modalités de paiement fixées
par le contrat qu’il a lui-même signé (vous constaterez que le paiement
effectué est supérieur au montant du contrat qui est de 130 millions.
Le fameux contrat entre
la mairie et l’entreprise Poubelles de Conakry
Par contrat en date du 30 décembre 2012, la commune de Matoto
a confié « la sécurisation, la mobilisation et gestion des ressources
financières et humaines du ressort des marchés de sa sphère géographique »
(article 1er du contrat) à l’entreprise « Poubelles de Conakry » pour
une durée de six ans, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2018, moyennant le
versement d’une somme prévue à l’article 6 du contrat de 1,8 milliards, soit
300 millions par an.
La rémunération de l’entreprise est constituée par la
perception des droits et taxes (article 8 du contrat) : droits de places
aux marchés, location des kiosques et magasins, taxes sur les latrines et
débarcadères. L’article 11 du contrat prévoit que l’entreprise prend en charge
le traitement salarial des personnels en charge des marchés, payés jusque-là
par la commune.
L’article 7 du contrat apparaît toutefois contradictoire avec
l’article 6, puisque les modalités de paiement prévues font état d’un versement
de l’entreprise à la commune de 90 millions par trimestre, soit 360 millions
par an. Les paiements effectués par l’entreprise « Poubelle de
Conakry » se sont élevées, à compter du 1er janvier 2013 à 90 millions
par trimestre, jusqu’en avril 2015. Une décision unilatérale de l’autorité
communale de Matoto du 4 mai 2015 a porté le paiement à 40 millions par
mois, soit 120 millions par trimestre, ce qui représente une augmentation
du prix payé à la commune de 33%. La même décision, dans son article 3, met à
la charge de la commune la rémunération des administrateurs des marchés. Alors
qu’après deux années d’exécution, un audit de l’équilibre économique du contrat
initial n’a été réalisé qu’a posteriori, en novembre 2016, par les services
financiers de la commune a démontré que le chiffre d’affaires mensuel de
l’entreprise poubelle de Conakry issu de la gestion des 17 marchés du
territoire de Matoto était estimé en 2016 à GNF 128 733 000.
Poubelles de Conakry s’offre
la commune
Les magistrats de la
Cour des Comptes estiment que l’entreprise réalise un bénéfice net estimé à
plus de 100 millions de francs guinéens par mois et ne reverse à la commune que
40 millions par mois depuis mai 2015. Ce qui est très favorable à l’entreprise.
La Cour constate en outre que les ordres de recettes
concernant l’exécution de ce contrat n’ont pas été retrouvés et que si le
compte de gestion de 2013 mentionne un recouvrement de la redevance, ce n’est
pas le cas en 2014, en 2015 et 2016 la somme due par l’entreprise restant à
recouvrer à la date d’établissement du compte de gestion.
…des cessions
irrégulières des domaines publics à des privés
Sans être exhaustif, il a été constaté des cessions
irrégulières du domaine public. La Cour des Comptes constate cependant que le
registre des actes communaux mentionne une série de cessions de terrains à des
personnes privées, sous forme de donation. Trois types d’observations doivent
être faites :
En premier lieu, ces cessions correspondent à une privatisation
du domaine public, qui est interdit par les textes puisque le domaine public
est inaliénable ;
En second lieu, ces cessions semblent avoir été effectuées à
titre gratuit, puisque le registre porte la mention
« donation » ;
En troisième lieu, il convient de remarquer qu’un certain
nombre de ces cessions ont été faites au profit de responsables communaux et en
particulier :
L’ancien président de la délégation spéciale (acte de cession
n°18 en date du 30 avril 2014) ;
Le secrétaire général de la commune (acte de cession n°82 en
date du 16 décembre 2015) ;
Le receveur communal en poste de novembre 2012 à décembre
2016 (actes n°6, 7, 8 du 24 février 2015 ; acte n°40 du 22 mai
2015) ;
Une ancienne directrice communale de l’habitat.
En tout état de cause, ces cessions correspondent à un
appauvrissement de la commune, dont le patrimoine a été diminué sans aucune
contrepartie matérielle.
La non-comptabilisation
de certaines recettes générées par le service de l’état civil
Sur la non-comptabilisation de certaines recettes générées
par le service de l’état civil, le compte de gestion de 2012 mentionne des
recettes d’état civil pour un montant de 155 515 615 ; alors que ce
montant aurait dû être de 264900000 selon les statistiques fournies par le
service de l’état civil. Soit un écart de 109 384 385 GNF.
Le compte de gestion de 2013 mentionne des recettes d’état civil
pour 166564250 GNF ; alors que ce montant aurait dû être de 274014000
selon les statistiques fournies par le service de l’état civil. Soit un écart
de 107 449 750 GNF
Le compte de gestion de 2014 mentionne des recettes d’état
civil pour un montant de 156 119000; alors que ce montant aurait dû être
de 241 193 000selon les statistiques fournies par le service de l’état
civil. Soit un écart de 85 074 000 GNF
Le compte de gestion de 2015 mentionne des recettes d’état
civil pour un montant de 190.285.000 GNF ; Alors que ce montant aurait dû
être de 275.239.000 selon les statistiques fournies par le service de l’état
civil. Soit un écart de 84 954 000 GNF
Le compte de gestion de 2016 mentionne des recettes d’état
civil pour un montant de 184.873.000 GNF ; Alors que ce montant aurait dû
être de 311.026.000 selon les statistiques fournies par le service de l’état
civil. Soit un écart de 126 153 000 GNF.
La Cour des Comptes en vient
à la conclusion que…
Ce qui, entre autres amène la Cour des Comptes de conclure à
la non-fiabilité des comptes et de l’information financière doublée d’une
ignorance de la nomenclature budgétaires des collectivités par l’autorité
exécutive communale de Matoto. Pourtant l’’arrêté conjoint n°1217/MATD/MDB/SGG du
9 mars 2011, signé par le ministre de l’administration du territoire et de la
décentralisation et le ministre délégué au budget avait fixé la nomenclature
budgétaire et comptable des collectivités locales.
La collectivité est tenue de transmettre à la cour toutes les
pièces justificatives des opérations de recettes et de dépenses. En dépit de
l’obligation légale de transmettre les comptes et les pièces justificatives
dans les délais, la Cour n’était pas en mesure d’examiner les pièces
justificatives des comptes de 2015 et 2016, faute de production de ces comptes
dans les délais légaux.
Pour les comptes dont les pièces justificatives sont
disponibles à la Cour, après avoir cumulé les montants inscrits sur les pièces
justificatives, la Cour a constaté des irrégularités liées aux écarts entre les
montants inscrits sur les comptes et les montants inscrits sur ces pièces.
Une enquête de Fim FM