Dans quel état d’esprit est le président déchu ? À quelles conditions peut-il espérer une libération ? Alors qu’une mission de la Cedeao a pu le rencontrer le 10 septembre, JA vous livre de nouvelles informations exclusives.
Le 10 septembre, à Conakry, une mission de la Cedeao,
composée des ministres des Affaires étrangères Robert Dussey (Togo), Shirley
Ayorkor Botchwey (Ghana), Alpha Barry (Burkina) et de Jean Claude Brou, le
président de la commission de l’organisation, a pu rencontrer Alpha Condé. Lors
de cet entretien, les putschistes s’étaient fait représenter par le colonel
Balla Samoura, le directeur régional de la gendarmerie de Conakry, devenu le
numéro deux de la junte. Cette délégation a ensuite publiquement déclaré, sans
plus de détails, qu’il « allait bien ».
Selon nos informations, l’ancien président guinéen demeure
détenu dans l’antenne des forces spéciales installée dans une aile du Palais du
peuple, à l’entrée de Kaloum, et plus précisément dans la suite où vivait
précédemment le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. C’est d’ailleurs dans
cette même pièce (et non au palais de Sékhoutouréya) que la désormais célèbre
photo d’Alpha Condé, assis sur un canapé et encerclé par des militaires, a été
prise peu après son arrestation.
« Alpha n’est pas IBK
»
Alpha Condé dispose d’une chambre, d’un salon et d’une salle
de bain, mais n’a accès ni à ses téléphones, ni à la radio. La télévision,
qu’il a un temps pu regarder, lui a été retirée car, selon ses gardiens, « il
s’énerve chaque fois qu’il voit le lieutenant-colonel Doumbouya à l’écran et
cela affecte son état de santé ». Comme nous l’avions précisé, l’ancien homme
fort de Conakry s’alimente grâce à la nourriture que lui apporte Jeremy, son
majordome d’origine togolaise. Contraint de rester inactif, il se plaint
beaucoup de ne pas pouvoir accéder à sa salle de sport.
Lors de cette même entrevue, la mission de la Cedeao a
abordé la question de la lettre de démission qu’il refuse de signer. « Je
préfère être tué que de signer ma démission », a-t-il fait savoir. La junte et
la délégation se seraient donc mis d’accord pour y renoncer. Concernant sa
libération, Doumbouya et ses hommes, qui continuent à exprimer à son égard une
certaine déférence (« c’est notre papa, le père de la Guinée, nous ne lui
voulons aucun mal », ont-ils assuré à la délégation), exigent plusieurs
conditions : Alpha Condé devra rester en retrait, à l’instar d’Ibrahim Boubacar
Keïta, et ne faire aucune déclaration, que ce soit à l’endroit de la junte ou
de la vie politique du pays. Des garanties difficiles à obtenir, selon notre
interlocuteur, pour qui « Alpha n’est pas IBK ».
Ordinateur de travail
Une semaine après qu’il a été renversé du pouvoir, Alpha
Condé peine encore parfois à réaliser qu’il n’est plus à la tête du pays.
Toujours selon nos informations, il réclame qu’on lui restitue son ordinateur
de travail dans lequel se trouvent stockés « une centaine de documents » qu’il
devait signer pour conclure des accords entre la Guinée, le FMI et la Banque
mondiale. Il rappelle aussi qu’il était attendu à l’Assemblée générale de l’ONU
le 23 septembre pour prendre la parole au nom de la Guinée et s’inquiète de
savoir qui ira à sa place.
Aux rares interlocuteurs avec qui il a pu s’entretenir,
Alpha Condé confie qu’il n’a jamais personnellement souhaité se présenter pour
un troisième mandat. Ce sont « les femmes de Guinée » qui auraient sollicité
cette candidature et « financé » sa campagne. Toujours selon lui, la junte ne
veut pas le libérer car elle se rendra précisément compte de sa « popularité
auprès des Guinéens et surtout des Guinéennes ». Il aurait d’ailleurs été
renversé en raison de sa « lutte implacable contre la corruption » et des «
coupes budgétaires » opérées au sein de l’armée.
Source : Jeune Afrique