«La situation est sous contrôle.
C’était le fait d’éléments isolés. Ils auraient pu me parler d’abord. Je vais
bien». Les mots sont ceux d’Umaro Sissoco Embalo, lors de sa première prise de
parole intervenue après la fusillade meurtrière qui a mis en émoi la capitale
bissau-guinéenne, ce mardi. C’était une tentative de coup d’Etat contre le
chef de l’Etat, démocratiquement élu. Arrivé au pouvoir, officiellement, le 27
février 2020, le président bissau-guinéen s’est vu offrir un cadeau
d’anniversaire dont il se serait passé volontiers. Le gâteau a été non pas
allumé, mais enflammé par des tirs à l’arme lourde qui ont arrosé le palais du
gouvernement où le maître de Bissau était en plein conseil des ministres
extraordinaire, avec à ses côtés son Premier ministre, Nuno Gomes Nabiam.
L’occasion était donc bien
choisie par les assaillants qui en voulaient à un fauteuil présidentiel qui n’a
jamais été stable. En plus des coups de force aboutis, au moins quatre depuis
la souveraineté internationale arrachée au Portugal dans une longue guerre,
coups d’Etat auxquels est abonné le pays de près de deux millions d’habitants,
bordé par le Sénégal et la guinée, véritable plaque tournante de la drogue et
embourbé dans la gadoue de la corruption généralisée, la Guinée Bissau peut
difficilement compter les tentatives de putschs comme celle qui a failli
emporter ce mardi, le téméraire Umaro Sissoco Embalo.
Si l’élection du chef de l’Etat
de 49 ans, ancien général de l’armée de son pays, est toujours contestée par le
Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), le
parti historique, les débuts de règne de Umaro Embalo ont été autant turbulents
que la vie d’une Guinée Bissau davantage habitué aux coups de force que le
passage du témoin présidentiel par les urnes. Si la tentative de coup d’Etat
manquée de ce mardi n’a pas encore de père officiellement désigné, il n’en
demeure pas moins que dans le viseur du président bissau-guinéen, se trouvent
des «gens» que son régime a «combattus». Un pouvoir qui s’attaque frontalement
au narcotrafic et la corruption, les sports les mieux pratiqués en
Guinée-Bissau.
Persuadé donc que «ce n’est pas
une tentative de coup d’Etat», mais un assaut «pour tuer le président de la
République et tout le cabinet», le miraculé de l’assaut de ce mardi, qui évoque
«une chose isolée» devrait bien regarder également du côté des changements
opérés au niveau de l’armée assise sur des piliers ethniques. Il ne saurait non
plus occulter ce conflit au sein de l’exécutif, bisbilles autour d’un avion qui
serait venu de Banjul et que le Premier ministre avait déclaré transportant
«une cargaison suspecte» avant de rétropédaler.
En tout cas, si les causes de la
tentative de coup d’Etat contre Umaro Sissoco Embalo, ne sont pas les mêmes que
celles des putschs qui ont amené au pouvoir, au Mali, en Guinée et plus
récemment au Burkina Faso, des jeunes colonels, elles ont ajouté au menu du
sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)
le plat bissau-guinéen, fort heureusement mal cuit, pour le bonheur de la
démocratie.
La CEDEAO, dont trois pays sont
passés à la mode kaki, a bien des soucis à se faire, surtout quand tous ces
coups d’Etat obtiennent des soutiens de populations et de sociétés civiles qui,
hier, faisaient échec ou tout au moins condamnaient ces prises de pouvoir par
les armes. Il est encore temps de mettre fin à ce cycle infernal de putschs qui
installent, après l’effervescence joyeuse qui accompagnent les premiers jours
de leur avènement, la grande désillusion quand les militaires, après avoir
nettoyé la maison, veulent s’y fossiliser.
Le pouvoir de Umaro Sissoco
Embalo sortira-t-il fragilisé ou renforcé par cette tentative de coup d’Etat
qui est la mal venu, dans un contexte où, suite à l’incurie de ceux qui nous
gouvernent, l’Afrique de l’ouest traverse, à l’instar du printemps arabe,
l’harmatan des putschs militaires tout autant condamnables que les coups d’Etat
constitutionnels qui passent par les 3e mandats, synonymes pour la plupart de
présidence à vie? L’avenir qui paraît déjà sombre pour les présumés auteurs et
complices de ceux qui voulaient devenir califes à la place du calife
bissau-guinéen le dira.
W S