Ce lundi 5 septembre, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) célèbre son premier anniversaire à la tête de la Guinée. Nous ne comptons pas faire le bilan de la junte militaire au cours des douze derniers mois. Le but est surtout de revenir sur certaines actions posées par les nouveaux maîtres de Conakry. La Guinée, ce pays de 245 857 km² qui compte plus de 13 millions d’habitants, est un habitué des coups d’Etat militaires. Des interférences de l’armée toujours non souhaitables parce que néfastes à la démocratie et ralentissent le développement de notre pays !
Depuis des mois, la
Guinée vit en sursis, pour ne pas dire sous anesthésie
Très malheureusement, cette nouvelle épidémie contre la
démocratie résulte de la prévarication de nos pays par des opposants qui
profanent leurs propres valeurs une fois au pouvoir. Le combat doit se
poursuivre pour que les valeurs soient les mêmes pour tous les camps. A chaque
intrusion d’un groupe de militaires dans le fonctionnement de nos institutions,
on nous sert des discours mielleux et trompeurs ; oubliant qu’aujourd’hui, nous
sommes dans un monde d’archives. Depuis maintenant quelques mois, la Guinée vit
en sursis. Pour ne pas dire sous anesthésie.
Loin d’être alarmiste, nous avons décidé de revenir sur le
putsch perpétré par le Groupement des Forces Spéciales (GFS) – une unité
d’élite de l’armée guinéenne – dirigé à l’époque par l’ancien légionnaire
français, le colonel Mamadi Doumbouya, pour la postérité. Donc pour l’histoire.
Son coup d’État avait été acclamé par une bonne partie de la population
guinéenne, sous le poids de la dictature du régime déchu.
L’euphorie avait emporté tout le monde, disait-on. Après une
décennie de gouvernance aux allures d’une monarchie par l’ancien opposant
historique, Alpha Condé, les Guinéens espéraient mieux avec l’avènement de
cette transition. L’espoir s’est vite transformé en un nouveau cauchemar. La
transition guinéenne, très malheureusement, n’a eu jusqu’ici aucune lisibilité.
Nous sommes au regret de constater que tous les actes qui ont justifié le
putsch sont revenus dans les méthodes actuelles de gestion du pouvoir. Les
espoirs suscités ont viré au désenchantement !
Le pays est devenu un
nouveau cimetière des droits de l’homme
Au début, nous mettions les ratés de la junte militaire au
compte d’une gestion débutante et inexpérimentée. Bien que nous étions nombreux
à appeler les Guinéens à monter la garde dès le lendemain du putsch. Et au fil
du temps, on a eu la ferme conviction que loin d’être des erreurs, les actes
étaient minutieusement orchestrés par les nouveaux maîtres de Conakry. La junte
militaire et le gouvernement de transition nous ont promis une gouvernance
vertueuse et exemplaire mais ils n’ont pas daigné déclarer leurs biens.
Malgré l’insistance de la première ministre de la Justice sous
la junte militaire, Madame Fatoumata Yarie Soumah, en Conseil des ministres —
limogée peu de temps après —, les Guinéens ne connaissent jusqu’à date même pas
l’identité des personnes dont la Charte de la transition ne permettra de se
présenter aux prochaines élections.
La junte avait promis de ne plus commettre les erreurs du
passé, elle en a pourtant fait un outil de gestion. Elle a promis de faire de
la justice la boussole, huit Guinéens ont été tués en l’espace de quelques
semaines sans que les parents des victimes et les Guinéens en général ne soient
situés. Certains meurent même en prison sans jugement ! Elle a promis de ne pas
recycler les acteurs du tripatouillage constitutionnel, l’administration de la
junte guinéenne, c’est en réalité « du Alpha sans Alpha Condé ». Les
restrictions des libertés publiques prospèrent avec l’interdiction des
manifestations depuis le mois de mai avec en toile de fond, une violation
systématique de la Charte de la transition dont on ne connaît toujours pas les
noms de ses auteurs. La Guinée est devenue nouveau cimetière des droits de
l’homme et des libertés publiques.
Au même moment, les militants et citoyens pro-démocratie sont
persécutés et emprisonnés. Bientôt deux mois, que le Coordinateur National du
FNDC, Oumar Sylla “Foniké Mengué” et son responsable des Opérations, Ibrahim
Diallo sont incarcérés à la Maison centrale de Conakry. Sans oublier le
Secrétaire Exécutif de l’Union des Forces Républicaines (UFR), Saïkou Yaya
Barry qui croupit également dans les geôles de la maison « cinq étoiles » de
Coronthie. Les libertés de réunion et d’expression menacées avec de nombreux
activistes, notamment du FNDC, obligés de vivre dans la clandestinité pour
continuer leur combat citoyen. Ce que la junte militaire fait semble d’oublier,
une transition n’a pas pour vocation de développer un pays. Surtout à marche
forcée ! Une transition, c’est un processus qui doit être court dont la vocation
est de faciliter le retour à l’ordre constitutionnel.
Le gouvernement de transition à travers son ancien Premier
ministre, Mohamed Béavogui, avait présenté aux Guinéens une feuille de route.
Une feuille qui n’a visiblement conduit qu’à la déroute de la transition, si
c’est vrai qu’elle est appliquée actuellement !
Le combat pour la
rectification de la transition
Principalement aujourd’hui en Guinée, c’est le Front
National pour la Défense de la Constitution (FNDC) et ses alliés qui incarnent
la lutte pour la rectification de la transition. En dépit de toutes les
persécutions, cette coalition annoncée dissoute par le gouvernement continue de
réclamer à travers des mobilisations citoyennes et pacifiques l’ouverture d’un
cadre de dialogue sincère et inclusif pour redéfinir ensemble le contenu du
processus transitoire. Parce qu’à date, c’est une opacité totale. Et la mission
essentielle devait être centrée sur la conduite des affaires courantes et des
actions en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel. Si la junte accepte,
le rôle de la société civile, des universitaires entre autres, est de faciliter
la réflexion autour des questions essentielles. Nous devons arrêter de tâtonner
pour nous réinventer.
Le FNDC est un public identifiable et le CNRD une foule qui
n’a pas de visage. D’ailleurs, les citoyens attendent toujours la publication
de la liste de ses membres. La démocratie est une lutte permanente et les
militants pro-démocratie continuent d’ébranler les habitudes et les conforts
des apprentis dictateurs.
Éviter d’être sourde
à la demande de la jeunesse
La jeunesse guinéenne a un grand rôle à jouer. Pas seulement
après mais pendant cette transition. 53% de la population guinéenne a moins de
18 ans et 76% est âgée de moins de 35 ans. La jeunesse est une force constante
de proposition mais aussi d’opposition. Elle est une entité porteuse d’espoir
de par ses réflexions et ses analyses sur la situation. La junte militaire doit
comprendre que ce n’est pas en tentant d’amadouer une partie qu’elle pourrait
faire taire toutes les voix discordantes. La jeunesse, principale bénéficiaire
de la réussite de cette transition, est déjà debout et se bat pour que les
institutions issues du processus transitoire soient citoyennes et non
patriarcales. Elle se battra aussi pour que les textes qui seront élaborés
favorisent la compétition et non son exclusion au moment des compétitions
électorales. La jeunesse le sait déjà, elle ne peut y arriver qu’en étant
actrice et non spectatrice dans la lutte pour donner du sens à la transition.
Faire renaître la
confiance pour relever ensemble les défis
La Guinée, nous l’avons en commun. Et de tout le temps, les
citoyens ont envie de participer à la construction de leur mode de gouvernance.
Malheureusement, la transition a pris une tournure très inquiétante. Dans ce
climat d’inquiétudes, provoqué par les actes peu rassurants du CNRD, par
rapport à ses engagements initiaux, il va falloir que nous prenions garde pour
en finir avec cette ribambelle de problèmes. Réunir tous les vrais acteurs afin
de faire renaître la confiance pour amorcer un nouveau dialogue sincère et
inclusif.
Nous savons qu’aujourd’hui, il y a une poignée des ministres
et de cadres de l’administration publique qui font croire à la junte militaire
qu’ils peuvent à eux seuls conduire la transition. C’est une lapalissade. Les
Guinéens veulent des actions concrètes et concertées. Une conduite solitaire
d’un bien commun ne fera qu’accentuer les suspicions et le sentiment
d’exclusion. La Guinée a besoin d’une transition inclusive. C’est cela qui
redonnera l’espoir aux Guinéens. Le durcissement des positions ne fera
qu’accentuer la crise. Nous espérons vivement que les membres du CNRD et le
Gouvernement de transition réécouteront tous les discours et reliront tous
leurs engagements pour cerner la forte demande de lisibilité qu’aspire le
Peuple de Guinée.
Sally Bilaly SOW (Cyber-activiste,
consultant en nouveaux médias et CivicTech)
Thierno DIALLO
(Journaliste et Activiste de la société civile)
Abdoulaye Oumou SOW
(Journaliste, Blogueur et Activiste pro-démocratie)
Bah Alpha Bassarta 05 septembre 2022 10:29
Une désespoir totale. Très dommage