Près de 150 morts et plus de 100 femmes violées en Guinée. C’est le
bilan qui a sanctionné l’assaut violent et sanglant mené, le 28 septembre 2009,
par les forces de l’ordre contre des manifestants. Le drame a eu pour théâtre
ce stade au nom chargé d’histoire pour les Guinéens, car rappelant cette date
historique du 28 septembre 1958, le jour où la Guinée de Sékou Touré a dit
«NON» à la France du général Charles de Gaulle. C’est par un référendum au
score stalinien de 94% de «non» que la Guinée avait marqué son refus d’adhérer
à la communauté franco-africaine.
41 ans après, cette même date est
devenue rouge du sang des mêmes Guinéens, qui ont osé, dire «non», non plus à
un général français mais à un capitaine, Moussa Dadis Camara était son nom,
entré par effraction au palais présidentiel Sékhoutouréya, et qui voulait y
demeurer, allergique à toute voix dissonante de la sienne. Et depuis, la
justice se hâte lentement de punir les auteurs de ce massacre ignoble qui a
endeuillé de nombreuses familles et bafoué la dignité de femmes souillées à
jamais, le canon sur la tempe. C’était simplement l’horreur!
Et le temps qui, d’ordinaire
efface tout, n’a, cependant, pu rien faire contre la soif de justice qui est
restée intacte au niveau des victimes et de leurs familles. Malgré les
injonctions et manifestations d’organisations locales et internationales de
défense des droits de l’homme, un air d’impunité continue de flotter sur ce
dossier. L’affaire semble déranger les hommes politiques qui se sont succédé,
de la transition aux mandats démocratiques puis anticonstitutionnel de l’ancien
président Alpha Condé, emporté par le putsch militaire du colonel Mamadi
Doumbouya, le 5 septembre 2021. Même les inculpations en 2010 de 13 personnes
dont le chef de la junte militaire à l’époque, Moussa Dadis Camara, ne furent
pas suivies du procès toujours annoncé, tant attendu, et jamais tenu.
Mais, les reports successifs du
procès n’ont pas manqué de soulever des interrogations qui sonnaient, en
réalité, comme de vraies réponses à l’inaction des dirigeants guinéens. Qui
avait peur que Moussa Dadis Camara soit ramené de son exil burkinabè, durant
lequel il jouissait même, à Ouagadougou, du titre d’ancien président et des
honneurs qui vont avec? Qui avait peur des troupes d’élites, les fameux «bérets
rouges»? Qui avait peur des dessous puants de ce piège dans lequel ont été pris
les manifestants contre la volonté de Dadis Camara de se présenter à l’élection
présidentielle après son règne de fer?
Comme par hasard c’est l’un des
«bérets rouges», le colonel putschiste,
Mamadi Doumbouya qui prend la décision de remettre en branle la machine
judiciaire contre les responsables des crimes odieux du 28 septembre 2009.
Ira-t-il jusqu’au bout de son action, faisant fi de la traditionnelle solidarité
qui lie, au propre comme au figuré, les frères d’armes? N’est-ce pas une énième
ruse du colonel pour éloigner les regards de sa gouvernance populiste dans une
transition politique sans délai et qu’il a transformée en chasse aux sorcières
contre les opposants à l’ancien régime?
C’est un secret de polichinelle
que ces hommes politiques qui exigent un retour, le plus tôt, de l’ordre
constitutionnel sont devenus des obstacles pour le bourreau de Alpha Condé.
Celui-ci s’étant mis dans la posture du balayeur qui compte s’installer dans
une maison qu’il a nettoyée de son occupant qui, lui, aspirait à la présidence
à vie. Cellou Dalein Diallo est désormais le poil à gratter du colonel Mamadi
Doumbouya, tout comme d’autres leaders du Front national pour la défense de la
Constitution (FNDC). Ils sont persécutés par la junte militaire qui a mis à
leur trousse une justice qui est pourtant attendue ailleurs, par exemple au
procès des auteurs du funeste 28 septembre 2009!
Pourvu que le prochain triste
anniversaire de ce drame n’arrive sans que justice soit faite pour plus de 150
morts, plus de 100 femmes violées, sans oublier les blessés qui étaient plus de
3 500! L’espoir est permis, sauf si les victimes se voient imposer une
représentation de «En attendant Godot», non pas de Samuel Beckett mais du
colonel Mamadi Doumbouya. Et ce serait dommage…
ws