Durant la dernière décennie, le pain a fini de s'imposer dans
l’alimentation des Guinéens. La baguette est aujourd'hui un produit sensible,
très politique. Une augmentation même minime de son prix peut mettre en péril
la paix sociale. Boulangers, détaillants ou simples clients, tous craignent les
conséquences de la guerre en Ukraine.
« C'est le meilleur pain de
Guinée ! » Et il est préparé par Mamadou Djouma Diallo depuis 22 ans dans son
four traditionnel. Un parfum de feu de bois, des murs noircis par la suie et
une ampoule fatiguée. Ici, Les baguettes sont cuites sur des morceaux de tôle.
Il y a plusieurs gabarits.
« Ça, c'est pour les gros pains,
qui coûtent 5 000... » Cinq mille francs guinéens, soit un peu plus de 50
centimes d’euros. « Ça, ça coûte 2 500 francs ». Pour une petite baguette.
Rachitique. Mamadou Djouma Diallo est bien conscient de la menace que la guerre
en Ukraine fait peser sur son business. « Tout le monde sait que cela joue (sur
les prix NDLR). On demande à Dieu de nous aider pour que le calme revienne
là-bas et que l'on travaille comme avant. »
Il fonctionne désormais à flux
tendu et vend sur commande le plus souvent. Alors quand un client imprévu passe
une tête dans sa boulangerie, ce dernier doit déployer des trésors
d’ingéniosité pour convaincre et persuader l’artisan de le laisser repartir
avec une baguette.
La dernière hausse des tarifs du
pain date du mois de décembre : 500 francs supplémentaires. Elle avait provoqué
la colère des Guinéens. Un peu plus loin dans la rue, l’épicerie de poche de
Samba Diallo, la baguette a fini par devenir comme ce magasin : minuscule.
« Depuis le mois du ramadan, ils
ont diminué le poids... de beaucoup.
- Et comment les fournisseurs
expliquent-ils cela ?
- Ils disent que le prix de la
farine a augmenté, qu'ils ne peuvent pas augmenter le prix et qu'ils préfèrent
diminuer la quantité. »
Les consommateurs ont bien senti
la différence. « Là, on mange, mais, il m'en faudrait deux pour moi au moins.
Il y a trop de consommateurs de pain, se désole l'un d'eux. J’ai trop pitié,
parce qu'après la prière de 20h, beaucoup de gens viennent ici. » Et il faut
faire la queue sans avoir l’assurance d’être servi à la fin. « Il y a moins de
farine. »
En pleine période de ramadan, le
principal fabricant de farine du pays a décidé de ne pas augmenter ses prix. Du
répit pour les Guinéens qui risquent de payer bientôt leur pain plus cher.
Matthias R