Les miniers installés en Guinée ont jusqu'au 31 mai pour présenter leur projet de raffinerie de bauxite avec un chronogramme. Un ultimatum qui sonne la fin de la récréation, mais qui ne sera pas simple à faire appliquer.
Pour les miniers, cet ultimatum
est une douche froide et annonce une nouvelle ère qu'ils accueillent avec
fébrilité. Car jusque-là, le pays avait fermé les yeux sur la mise en œuvre des
contrats qui prévoyaient la construction de raffineries. « Les autorités
exigeaient très peu sur ce point, la priorité était de faire venir des
investisseurs », explique Hervé Lado, le Directeur Afrique de l’Ouest et du
Centre francophone de l'Institut de Gouvernance des Ressources naturelles
(NRGI).
Mais aujourd'hui, Mamadi
Doumbouya a décidé de rappeler à chacun ses engagements : depuis 2016, en
effet, les principaux contrats contiennent une obligation de transformation. Et
pour certains, ces dispositions sont mêmes antérieures. L'idée étant pour le
pays de créer de la valeur, et d'être moins exposé aux risques énormes de
volatilité du marché des matières premières. La suspension il y a quelques
semaines des achats de bauxite de l'usine de Rusal en Ukraine a rappelé à la
Guinée sa grande dépendance aux achats bruts extérieurs.
Des entreprises réticentes à raffiner sur place
Le problème, c'est que
fondamentalement les entreprises n'ont pas intérêt à se lancer dans le
raffinage localement, explique l'expert de NRGI et c'est certainement ce qui
explique qu'elles trainent les pieds. Car la particularité de la bauxite, c'est
d'être achetée par des industries, c'est-à-dire des transformateurs qui
produisent de l'alumine qui sera transformé en aluminium. Ils viennent donc
chercher un produit brut en Guinée, pour faire tourner leurs usines déjà
existantes.
Transformer sur place serait très
couteux pour eux, car cela impliquerait de former la main d'œuvre, de
construire des infrastructures de transport, et d'avoir, à portée de main, un
réseau de sous-traitants. Sans parler du défi énergétique : l'industrie de
transformation de la bauxite est très énergivore.
Le manque de capacité électrique est un des freins
Sur les études de faisabilité en
cours, l'une d'elle, celle de la Société minière de Boké (SMB) se base
d'ailleurs sur une centrale à charbon, sachant que le charbon devrait être
importé. Car même si le pays a investi pour valoriser son potentiel
hydro-électrique ces dernières années, cela ne suffira jamais à faire tourner
toutes les raffineries que l'État guinéen aimerait voir sortir de terre.
Au mieux, selon Hervé Lado, deux
raffineries - en plus de celle exploitée par Rusal, héritée du groupe Péchiney
et qui existe depuis plusieurs dizaines d'années - pourraient être alimentées
avec la capacité électrique guinéenne en cours de développement.
Le manque d'énergie est la grande
faiblesse de la Guinée, et ce qui a jusque-là empêché le développement d'une
industrie lourde et notamment de la métallurgie.
Impossible à ce stade de savoir
si la dizaine de compagnies concernées aura un projet suffisamment mûr à
présenter le 31 mai prochain, des négociations au cas par cas pour obtenir un
délai supplémentaire, voire un moratoire pour certains pourraient bientôt
commencer !
Avec RFI