Le week-end a été agité à Conakry avec l'évasion samedi à l'aube de quatre des accusés dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Trois d'entre eux, donc l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara ont regagné leur prison dès samedi soir. Son avocat affirme qu'il avait été emmené à son insu. Ce lundi matin, le colonel Claude Pivi, son ancien ministre de la Sécurité, est en revanche toujours introuvable. Son fils aurait organisé l'opération.
Que s'est-il passé ? Y a-t-il eu des complicités ? Le procès en cours va-t-il pâtir de cet événement ? RFI a posé ces questions au porte-parole du gouvernement guinéen de transition Ousmane Gaoual Diallo.
RFI : Des quatre
personnes qui ont quitté samedi matin la maison centrale de Conakry, seule une,
le colonel Claude Pivi, est encore en cavale, que sait-on sur sa situation ?
Ousmane Gaoual Diallo : Écoutez, ce que l’on peut en dire,
c’est que des dispositions sont mises en place pour faire en sorte qu’il
revienne rapidement à la maison centrale sain et sauf et qu’il puisse
participer à la manifestation de la vérité sur les événements du 28 septembre.
Maintenant, s’il n’était pas retrouvé rapidement, cela ne pourrait pas, de
toute façon, entraver la conduite du procès.
Pour vous, il n’a
aucune chance de s’échapper ?
Écoutez, compte tenu des dispositifs mis en place, il y a
très peu de chances, on ne peut pas dire aucune, mais il y a très peu de
chances qu’il s’échappe. Le mieux serait qu’il trouve le moyen de se mettre à
disposition de la justice. Il faut faire en sorte que tout ceci s’arrête et
qu’on puisse tranquillement dérouler ce procès.
Ce dimanche soir de
nouvelles informations ont été portées à la connaissance des autorités laissant
entendre qu’il y a bien eu des complicités internes au niveau de la maison
d’arrêt.
Oui, il y a eu une accélération des enquêtes qui ont apporté
des éléments de clarification montrant que le commando a pu entrer parce que
des agents postés sur place les ont laissé entrer, leur ont ouvert. Des
éléments objectifs sont disponibles pour attester cela et la conséquence
immédiate, c’est que des décisions fortes ont été prises à ce niveau-là. Toutes
les personnes qui ont été identifiées formellement ont été radiées, qu’ils
appartiennent à l’armée, à la gendarmerie ou qu’ils soient des agents pénitenciers.
Ils sont tous radiés des effectifs et la prison de Coronthie passe sous un
régime de haute-sécurité avec une très forte présence des agents des Forces de
défense et de sécurité qui vont continuer à sécuriser les lieux aussi longtemps
que possible.
Qui sont les
personnes radiées ?
Dadis [Camara] n’était plus militaire depuis un moment, donc
les trois évadés sont les colonels Tiegboro, Goumou et Pivi. À cela s’ajoute
près de 75 autres personnes, qu’ils appartiennent aux bérets rouges du
bataillon qui était en faction sur place, qu’ils appartiennent à la garde
républicaine au camp de Camayenne dont certains étaient chargés de surveiller
ce tronçon-là, ainsi que des gendarmes qui étaient sur les lieux et des gardes
pénitenciers.
Avec ces complicités
importantes, ne craignez-vous pas d’autres événements déstabilisateurs ?
Non, il n’y a pas d’inquiétude particulière. C’est un fait,
qui est avéré. Les enquêtes se sont accélérées avec la gendarmerie impliquant
cela sous la coupe de l’appareil judiciaire. Et je pense que, dans les heures
qui vont suivre, des informations plus larges seront communiquées. De toute
façon, c’est la suite logique de ce qui devrait arriver lorsque des complicités
sont avérées. Pour ce qui est de l’armée, ils prennent leurs dispositions. Je
pense que la justice devrait suivre.
On a entendu sur
notre antenne l’avocat de Moussa Dadis Camara défendre la bonne foi de son
client, assurer qu’il avait été emmené à son insu. Mais vous, vous estimez bien
qu’il s’est évadé ?
C’est difficile de dire que quelqu’un a été transporté sur
moto à son insu. C’est difficile à expliquer. Maintenant on va attendre d’avoir
les explications. Nous, ce que nous ne voulons pas, c’est d’entrer dans des
jeux de polémiques avec des avocats. Je pense que l’avocat, il a dû peut-être
parler de bonne foi en fonction des informations qu’il avait à l’instant où il
communiquait. Mais il faut attendre de comprendre comment tout ça s’est passé,
ça permettra de donner la bonne version à toutes les parties.
Qu’est-ce que vous
pouvez nous dire sur la récupération de Moussa Dadis Camara et son retour à la
maison centrale ?
Ça s’est très bien passé. Il n’y a pas eu de résistance ni
d’échange de coups de feu, ça s’est très bien passé. Maintenant, ce qui est
clair, il faudrait bien qu’on comprenne que le procès du 28 septembre, ce n’est
pas seulement un procès pour punir des coupables, c’est aussi un procès pour
réconcilier les Guinéens avec leur Histoire. Et c’est important pour nous,
c’est important pour l’Histoire, c’est important pour le peuple de Guinée et
même pour l’Afrique.
Mais vous, vous ne
craignez pas d’impacts, même à terme, de cet événement sur le procès ?
Non, pas à ce stade. On aurait pu craindre si on n’avait pas
pu retrouver les fugitifs. Maintenant, à ce stade où l’essentiel des personnes
qui ont tenté de s’exfiltrer de la prison ont été retrouvées, cela devrait
faciliter le déroulement du procès. Et nous espérons que la quatrième personne
qui est encore en cavale va regagner la prison, pour faire en sorte que le
procès puisse continuer tranquillement et que les Guinéens puissent finalement
continuer à suivre ça. C’est un procès qui passionne, sur lequel nous avons
tous une attention particulière. Et donc à ce stade, on n’a vraiment pas à
craindre le pire.
NB : les audiences devaient reprendre ce lundi mais sont
reportées en raison d'une grève des avocats qui dure au moins toute la semaine.
Radio France Internationale
(RFI)