Le marché de Matoto est l’un des poumons économiques de Conakry. Il est
connu pour être la porte d’entrée des produits venus de Guinée forestière. Mais
aujourd’hui, les marchands manquent d’espace, l’assainissement fait défaut et
rien n’est entrepris pour améliorer les conditions de travail sur le marché.
Au bord de l’autoroute Fidel
Castro, pliées en deux, des femmes font le tri des bananes plantain, essaient
de récupérer ce qui pourra encore être vendu. « Je suis là pour me
débrouiller. Je suis obligée de faire ça parce que j’ai des enfants à nourrir.
Je viens ici chaque jour. Par semaine, tu peux gagner 80 000 à 100
000 francs guinéens, ça dépend », dit Hawa Condé. Elle gagne, en moyenne,
moins de 10 euros par semaine. « C’est très sale. Regardez. Ça, c’est
des restes de bananes mélangés aux ordures ménagères. »
Une odeur âcre de fumier prend au
nez. Ici, le sol est mou, de couleur noire. Le tri des fruits produit beaucoup
de déchets et ils ne sont pas ramassés régulièrement. « On en a beaucoup
parlé, mais les autorités ne font rien, elles ne viennent pas prendre les
ordures tous les jours. »
« Toujours les mêmes promesses qui ne se réalisent jamais »
Une rivière d’eau usée s’écoule
dans un fossé rempli d’ordures derrière les vendeuses. Haïssata Sidibé est
l’une d’entre elles. « Je commence à 5 heures du matin et je termine
à 19 h. Jusqu’à présent le gouvernement ne nous vient pas en aide, c’est
toujours les mêmes promesses qui ne se réalisent jamais »,
déplore-t-elle.
En 12 ans, elle n’a vu
aucune amélioration. « Tu restes courbée pendant des heures pour trier les
bananes, ça fait mal au dos. Et quand tu travailles longtemps, que tu veux
t’étirer, tu as des vertiges. Ça fait mal, tes yeux te brûlent. Pendant la
saison des pluies, à cause des conditions de travail, des champignons peuvent
apparaître sur tes pieds, ça fait très mal », dit Haïssata Sidibé.
Danger et insalubrité
Ici, ce sont majoritairement des
femmes qui travaillent, mais il y a aussi quelques hommes comme Sidiki Sano,
19 ans. « C’est lourd quand même, c’est très difficile, ça use.
Regarde, je me suis blessé avec le bol », raconte Sidiki.
Le « bol » c’est cette
lourde bassine en fer qu’il porte sur sa tête et qui a fini par lui entailler
le doigt. Sidiki Sano décharge les camions sur le marché de Matoto. Il doit se
faufiler entre les monticules de bananes plantain. Le sol est dangereusement
glissant. « Si je trouve un autre boulot, je vais laisser tomber celui-ci
sans hésiter », lâche-t-il.
Insalubrité, manque de place et
d’organisation, le marché de Matoto est devenu au fil du temps un enfer pour
ses travailleurs.
Avec Rfi