En Guinée, une affaire relance le débat sur le recours abusif à la
détention préventive. Le 14 mars dernier, Alhassane Bangoura est mort à la
maison centrale de Conakry où il avait été incarcéré deux semaines plus tôt
pour un vol présumé de téléviseur. Le décès de ce père de famille sans histoire
suscite l'incompréhension.
À l’annonce de sa mort, c’est
tout le quartier Yattaya, en banlieue de Conakry, qui manifeste et laisse
éclater sa colère. « Sa mort est injuste, on peut le dire ! »,
clame Maître Sékou Maouloud Koïta.
Ce n’est pas une affaire comme
les autres pour lui. Il était l’avocat d’Alhassane Bangoura. C’était aussi
son employeur. Il raconte le jour où son gardien a été arrêté. « La
BAC (Brigade anti-criminalité, ndlr) est venue avec la fille et l’a
désigné. Il a été arrêté. Elle n’a eu qu’à le montrer du doigt et dire “c’est
lui”. »
15 jours de détention avant de mourir
Identifié par un témoin,
Alhassane Bangoura est placé en détention dans l’attente de son jugement pour
un vol de téléviseur et de portable. Il passera 15 jours en prison. Dans
le rapport d’autopsie, il est écrit : « Le décès est consécutif
à un œdème pulmonaire massif, une inanition par déficit d’alimentation
compatibles avec les mauvaises conditions de détention », lit son
avocat.
Jamais son client n’aurait dû se
retrouver en prison, explique Maître Sékou Maouloud Koïta. « Lorsque, et
c’est la loi qui le dit, lorsque vous avez un avocat, lorsque vous avez votre
domicile identifié, vous avez une famille, vous avez des enfants, vous n’avez
pas à vous enfuir. On ne met pas en détention provisoire ou préventive. Dans ce
cas, ça n’a aucun intérêt. »
La famille d’Alhassane Bangoura
veut désormais que son honneur soit lavé, obtenir un non-lieu dans l’affaire du
cambriolage. Elle souhaite également que les responsables de son décès soient
traduits en justice.
70 % des détenus de la maison centrale de Conakry en détention
préventive
Des conditions de détention
inhumaines. La maison centrale de Conakry n’a connu presque aucun aménagement
depuis son inauguration dans les années 1930. Elle est occupée à
500 %. Pourtant, la justice continue d’y enfermer à tour de bras.
Pour Adrien Tossa, directeur des
programmes de l’ONG Les mêmes droits pour tous : « Le principe,
c’est la liberté et la détention, l’exception. Mais c’est l’inverse qui est
plutôt couramment pratiqué ici. Le juge guinéen a systématiquement recours à la
détention préventive. »
Selon l’ONG, en février, plus de
70 % des détenus de la maison centrale de Conakry étaient en détention
préventive.
Matthias R