Retour à la maison pour Dadis Camara! Le capitaine putschiste,
l’espérait depuis une dizaine d’années alors qu’il était en exil à Ouagadougou
au Burkina Faso. Il en désespérait même pratiquement, après sa volonté annoncée
le 20 décembre 2010 de repartir en Guinée, et sa tentative manquée de retour,
le 14 août 2015, parce que retourné par Abidjan comme un colis, à sa chère
terre d’accueil, le Burkina Faso, où il suivait une convalescence sans fin.
Son éloignement de la mère-patrie aurait même pu connaître une longévité d’au
moins cinq années encore, si le troisième mandat anticonstitutionnel de
l’ancien président Alpha Condé n’avait été écourté, un certain 5 septembre
2021, par la junte militaire au pouvoir en Guinée. Septembre, un mois bien
particulier en Guinée! Solidarité entre frères d’arme oblige, signal fort pour
une réconciliation nationale ou souci de donner la chance aux victimes du
massacre du 28 septembre 2009 et leurs parents de connaître enfin toute la
vérité sur ce drame qui a fait 157 personnes tuées, 109 femmes violées et de
nombreux blessés? Ou, véritablement, un geste «humanitaire», comme annoncé
officiellement par les autorités guinéennes?
En tout cas, le nouvel homme fort
de Conakry, le colonel Mamady Doumbouya autorise ses anciens prédécesseurs à
revenir au bercail. Tous deux ayant été contraints à vivre hors de la Guinée
durant une dizaine d’années, le général Sékouba Konaté, président intérimaire
et le capitaine Moussa, ou Moïse, Dadis Camara, chef de l’Etat auto-proclamé de
2008 à 2009, ne se le font pas dire deux fois. L’un après l’autre, ils
reviennent sur la terre de leurs ancêtres qu’ils ont quittée, selon la volonté
d’Alpha Condé qui avait fait d’eux des bannis de la République.
Si tous sont rentrés dans la
liesse totale de leurs supporters, ils feront face à des destins différents. Le
capitaine Dadis Camara, lui, doit fait face à la justice de son pays dans
l’affaire des tués et violées en 2009, plus précisément le 28 septembre, nom,
ironie du sort, du plus grand stade de la capitale, théâtre de ce drame qui
marque d’une grosse tache de sang, l’histoire tumultueuse de la Guinée écrite
surtout par les officiers militaires putschistes, de Lansana Conté à Mamady
Doumbouya, en passant par Dadis Camara. C’est, en effet, sous le règne du
capitaine «one man show», qui s’était revêtu, comme le loup de la peau
d’agneau, du béret du capitaine révolutionnaire burkinabè, Feu Thomas Sankara,
que l’armée guinéenne a commis ce massacre à ciel ouvert.
Quel souvenir gardera de
Ouagadougou, le désormais ancien exilé, ville où il a fini par se confondre au
quotidien des populations, tant dans les stades de football que lors des grands
événements socio-politiques, et militaires? Sur les terres de la Princesse
Yennega, le bouillant capitaine avait un statut d’ancien chef d’Etat et en
jouissait, parfois même à l’excès. Mais il y a l’affaire du stade du 28
septembre dans laquelle il est inculpé. L’homme se dit prêt à répondre devant
la justice de son pays, «afin que plus jamais ce genre d’événement ne vienne
endeuiller la Guinée». Quel sera l’apport de Dadis dans cette procédure
judiciaire, lui qui dit agir ainsi, au profit de «la mémoire des victimes» et «pour
le respect des institutions de la République» et «la vérité de l’histoire»? Si
de toute évidence, la part de vérité du capitaine putschiste qui avait dû
renoncer au pouvoir «pour raison de santé», est très attendue, il n’en demeure
pas moins que le doute est permis sur de véritables révélations ou dénonciation
de «ses» anciens militaires accusés de cette tuerie massive. Car, comme le dit
l’adage bien africain, «chien ne mange pas chien».
Maintenant qu’il est rentré au
pays, Dadis Camara, qui n’a sans doute pas perdu une once de cet appétit vorace
pour le pouvoir et jouissant toujours d’une popularité certaine, preuve en a
été donnée lors de son retour, cherchera, sans doute, à se construire un
nouveau destin politique. La question est de savoir si l’ancien patron du
Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) marchera aux
côtés de celui qui l’a ramené près des siens ou si, à la longue, il tracera sa
nouvelle voie pour essayer de reconquérir le palais présidentiel Sékhoutouréya.
Aucune hypothèse n’est à écarter dans cette Guinée de tous les politiquement
et…militairement possibles! En attendant, la Guinée forestière savoure le
retour du capitaine au pays natal!
Wakat Séra