Après Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, qui a affirmé dans un communiqué suivre personnellement la situation dans le pays, tout en appelant à la libération immédiate du président Alpha Condé, c'est au tour des États d'Afrique de condamner sans équivoque le coup d'État des forces spéciales guinéennes qui a mis fin à onze ans de règne du président Alpha Condé.
Des réactions
prudentes chez les dirigeants africains
La première réaction est venue du Burundi et de son
président Évariste Ndayishimiye. Ce dernier a condamné sur Twitter « le coup
d'État en République de Guinée ». Il a également lancé un appel au calme.
Les événements sont allés très vite en Guinée, ce dimanche 5
septembre. Les forces spéciales guinéennes ont pris le pouvoir depuis la
capitale, Conakry. Elles revendiquent l'arrestation du président Alpha Condé.
Le commandant des forces spéciales qui auraient mené l'insurrection, le colonel
Mamady Doumbouya, s'est exprimé à la RTG, la radiotélévision nationale. Il a
annoncé la création d'un Comité national pour le rassemblement et le
développement, le CNRD, et promis un dialogue inclusif pour écrire une nouvelle
Constitution.
Les institutions
africaines montent au créneau
Pas de quoi rassurer les institutions africaines. Au premier
chef, l'Union africaine. L'institution panafricaine a publié un communiqué, sur
la situation, signé par le président en exercice de l'UA, le chef de l'État
congolais, Félix Tshisekedi, et le président de Commission, Moussa Faki
Mahamat. Les deux dirigeants condamnent toute prise de pouvoir par la force et
demandent la libération immédiate d'Alpha Condé. Ils invitent aussi le Conseil
de paix et de sécurité de se réunir en urgence pour examiner la situation et
prendre des mesures appropriées.
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
(Cedeao) s'est également exprimée sur la situation. Dans un communiqué, signé
par le président en exercice, le chef de l'État ghanéen, Nana Akufo-Ado, la
Cedeao a fait part de sa grande préoccupation et condamné « cette tentative de
coup d'État ». Elle exige le retour à l'ordre constitutionnel et demande la
libération du président Condé.
Sur la scène internationale, la France a vivement réagi.
Paris « se joint à l'appel de la Communauté économique des États de l'Afrique
de l'Ouest pour condamner la tentative de prise de pouvoir par la force »
survenue dimanche et « demander le retour à l'ordre constitutionnel », écrit le
porte-parole adjoint du Quai d'Orsay.
« Le putsch contre le Pr Alpha Condé est inquiétant », a
tweeté l'ancien envoyé spécial américain pour le Sahel Peter Pham. « Quelle que
soit la justification donnée, un changement de régime extra-constitutionnel est
toujours déstabilisant pour un pays et mauvais pour son économie, ainsi qu'un
revers pour le progrès de l'Afrique. »
Du côté de la société civile africaine, la tendance est
plutôt à l'analyse. Ainsi Alioune Tine, le président du think tank Afrikajom,
estime que « le retour des coups d'État militaires, des autoritarismes et les
impasses politiques partout sont un indicateur de la détérioration de la
situation politique et sociale en Afrique de l'Ouest ». De son point de vue, «
il faut condamner les coups d'État militaires et toutes les formes de prise de
pouvoir par la force et par des voies inconstitutionnelles. Cependant,
réfléchir sur les pathologies et dysfonctionnements démocratiques qui créent
les coups d'État et leur trouver les bonnes réponses. »
Calme et quelques acclamations
Sur le terrain, la situation est quasiment revenue à la
normale. À Conakry, de nombreux habitants, notamment dans les banlieues
réputées favorables à l'opposition, sont descendus dans la rue pour acclamer
les militaires des forces spéciales. « Nous sommes fiers des forces spéciales,
honte à la police, honte à la milice de l'ancien président Alpha Condé, mort
aux tortionnaires et aux assassins de notre jeunesse », s'exclamait un
manifestant, cité par l'AFP.
« Je ne pouvais pas imaginer qu'Alpha Condé allait quitter
le pouvoir de mon vivant, tellement il m'a fait du tort », a confié Madiaou
Sow, un chauffeur, lui imputant la mort dans des manifestations de sa sœur, son
neveu et de son cousin. Il faisait référence à la répression sanglante des
manifestations de l'opposition et de la mobilisation contre l'adoption par
référendum en 2020 d'une nouvelle Constitution, dont Alpha Condé a tiré
argument pour briguer et obtenir un troisième mandat.
Dans la soirée, la junte militaire a annoncé au journal
télévisé un couvre-feu « à partir de 20 heures sur toute l'étendue du
territoire national », le remplacement des membres du gouvernement par les
secrétaires généraux de chaque ministère pour expédier les affaires courantes
et celui des préfets, sous-préfets, et gouverneurs de région par des
militaires.
En outre, ils « appellent les fonctionnaires à reprendre le
travail dès ce lundi » et convoquent les ministres sortants et les présidents
des institutions à une réunion lundi à 11 heures (locales et GMT), sous peine
d'être considérés comme en « rébellion contre le CNRD ».
Les principaux dirigeants de l'opposition n'ont toujours pas
réagi à la suite de ces événements. Mais le Front national pour la défense de
la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société
civile qui a mené la contestation contre le troisième mandat, il y a deux ans,
a pris acte de « l'arrestation du dictateur » et des déclarations des
militaires sur la Constitution.
Source : Le Point