Réunis à Abuja le 4 décembre, les
pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest
(Cedeao) ont décidé de créer une une force régionale vouée
à intervenir non seulement contre le jihadisme mais aussi en cas de
coup d’État, comme la région en a connu plusieurs depuis deux ans.
« Les dirigeants de la
Cedeao ont décidé de recalibrer notre architecture sécuritaire », a précisé
Omar Touray, président de la commission de l’organisation. Il s’agit de prendre
en main leur « propre sécurité » et non plus de s’en remettre à des
acteurs extérieurs, a-t-il expliqué, soulignant qu’ils sont « résolus à
établir une force régionale qui interviendra en cas de besoin, qu’il s’agisse
de sécurité, de terrorisme ou de rétablir l’ordre constitutionnel dans des
États membres. »
Des modalités de financement à
définir
Plusieurs pays de la région sont
en proie à la propagation jihadiste qui, partie du nord du
Mali, a gagné le centre de ce pays, mais aussi le Burkina Faso et le
Niger, et s’étend vers le sud et le golfe de Guinée. Les armées nationales
coopèrent avec des acteurs extérieurs, l’ONU, la France ou encore la Russie.
L’insécurité est un facteur primordial des coups d’État militaires qui ont
secoué la région depuis 2020, au Mali, au Burkina et, pour d’autres raisons, en
Guinée.
À LIREKako
Nubukpo : « La Cedeao connaît une dérive »
Des responsables militaires de la
région se réuniront dans la deuxième moitié de janvier pour discuter des
modalités d’établissement de la force régionale, a déclaré Omar Touray,
ajoutant que les dirigeants ouest-africains avaient décidé, pour le
financement, de ne pas s’en remettre uniquement aux contributions volontaires
qui ont déjà montré leurs limites, sans plus de précisions.
Retour à l’ordre constitutionnel
Également au menu du sommet : la
situation politique au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, tous trois suspendus
des instances décisionnelles de l’organisation ouest-africaine. Inquiète,
celle-ci fait pression depuis des mois pour un retour aussi rapide que possible
des civils à la tête de ces pays. Les militaires se sont engagés sous la
pression à céder la place au bout de deux ans et d’une période dite de
transition au cours de laquelle ils disent tous vouloir « refonder »
leur État. Les dirigeants ouest-africains ont examiné les actes accomplis par les
uns et les autres sur la voie de ce qu’ils appellent un « retour à l’ordre
constitutionnel ».
À LIREMali,
Burkina Faso, Guinée : les juntes au menu du sommet de la Cedeao
Au Mali, « il faut
absolument que l’ordre constitutionnel revienne dans les délais prévus »,
a dit Touray. Si les militaires maliens respectent
l’échéance du mois de mars 2024 après des mois de confrontation
politique avec la Cedeao et un sévère embargo commercial et financier
aujourd’hui levé, la « transition » aura en fait duré trois ans et
demi.
En Guinée, la Cedeao a
pressé la junte d’associer « immédiatement » et « sans
exception » les partis politiques et la société civile au
processus devant ramener les civils au pouvoir. Les principaux partis et une
bonne partie de la société civile boycottent l’offre de dialogue de la junte.
Si ce dialogue n’est pas possible en Guinée même, la junte doit examiner la
possibilité qu’il ait lieu dans un autre pays de la Cedeao, a dit Touray.
À LIREBurkina Faso
: le capitaine Traoré s’attaque à la réforme de l’armée
Quant au Burkina Faso, Touray a
exprimé « les sérieuses inquiétudes » de la Cedeao devant l’évolution
sécuritaire et la crise humanitaire, affirmant la volonté de l’organisation de
soutenir le pays.
Les 46 soldats ivoiriens toujours
détenus au Mali
Les dirigeants ouest-africains
ont aussi exigé que la junte au pouvoir au Mali libère avant le 1er janvier
46 soldats ivoiriens prisonniers depuis le 10 juillet. À défaut, cette dernière
prendra des sanctions, a dit un diplomate ouest-africain sous le couvert de
l’anonymat, alors que cette affaire est source de graves tensions entre la Côte
d’Ivoire et le Mali, où le président togolais Faure Gnassingbé, qui joue les
bons offices dans cette crise, se rendra pour « exiger » la
libération des soldats, a ajouté le diplomate.
À LIRECôte
d’Ivoire-Mali : cinq questions pour comprendre l’affaire des 46 soldats
ivoiriens arrêtés
Depuis bientôt cinq mois, Bamako
accuse ces militaires ivoiriens d’être des mercenaires envoyés pour
déstabiliser le pouvoir d’Assimi Goïta, ce que la Côte d’Ivoire nie
fermement. Celle-ci a expliqué que ces forces sont le 8e détachement
du National
Support Element (NSE), chargé d’appuyer le contingent allemand de la Minusma et
de sécuriser certains sites logistiques.
Abidjan dénonce le
« chantage » dont il est victime. António Guterres, le secrétaire
général des Nations unies, a confirmé que ces soldats « ne sont pas des
mercenaires » et a demandé leur libération. En vain jusqu’ici, malgré les
différentes médiations en cours.
(avec AFP)