Qu’est-ce-qui a prévalu à création de la cour de répression des
infractions économiques et financières (CRIEF) ? Le procureur spécial Aly Touré était, ce samedi
19 mars 2022, l’invité de ‘’Alinéa’’, une émission juridique de FIm FM. Extrait
de l’explication du magistrat…
La Guinée depuis son indépendance a toujours
été abandonnée à la merci de ses dirigeants en matière de gestion, sans aucun contrôle
pouvant aboutir à une situation judiciaire. Lors de la première république, il
y avait les contrôles administratifs judiciaires. C’est l’administration qui
était, elle-même, juge. Et l’administration partait pour le contrôle au niveau
des différentes entités qui géraient des biens publics. S’il y a des failles
dans la gestion, séance tenante, les gestionnaires sont tout de suite traduits
devant les administrateurs qui étaient des juges et qui prononçaient des
sentences.
En 1984, il y a eu des changements
politiques, le CMRN est venu. On a connu notre première constitution. La Guinée
a basculé dans la démocratie. Mais, malgré tout, l’organisation judiciaire n’avait
pas prévu une juridiction spécialisée en charge des infractions économiques et
financières. Ce qui a fait que les dirigeants s’en donnaient à cœur joie dans
la gestion de la chose publique, sans aucun mécanisme de contrôle non seulement
en amont mais aussi à postériori. Ce qui a fait que la Guinée a sombré dans un sous-développement
qui ne peut pas dire son nom, parce que la chose publique était gérée de façon
libéré et délibéré sans aucun contrôle.
A partir de 2010, on a connu un
autre changement politique. Les gens ont clamé le changement mais, ce changement
n’a pas abouti. On a toujours sombré dans le sous-développement parce qu’il y
avait toujours des tares dans la passation des marchés publics :
corruption, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux. Du coup, la
Guinée est restée à la traine des autres pays comme la Côte-d’Ivoire, le
Sénégal, le Rwanda…Pourtant la Guinée a eu son indépendance avant tout ceux-ci.
Il faut bien se demander qu’est-ce qui s’est passé ? Et lorsque vous regardez la gestion
calamiteuse qui s’est passée, les dirigeants qui étaient là se sont enrichis ;
vous voyez aujourd’hui une seule personne qui a 20 immeubles, ça vous parait
paradoxale, inimaginable ; pourtant ça existe. Des gens qui ne sont pas
des entrepreneurs, qui ne sont pas des commerçants, qui ne sont pas des
industriels mais, qui ont simplement géré la chose publique. Alors ça veut dire
que la source de l’enrichissement c’est la chose publique.
Donc les nouvelles autorités,
dans l’élan d’assainir la chose publique, de refonder l’Etat, dans l’élan de
redonner à la Guinée une nouvelle image, ont pensé à la création d’une juridiction qui va s’insérer
dans l’ordre judiciaire national, qui est chargée de poursuivre et de punir des
personnes qui ont commis des infractions
contre l’Etat, des infractions qui s’appellent détournement de deniers publics,
qui s’appellent corruption, qui s’appellent
malversation dans la passation des marchés publics et qui s’appellent
surtout enrichissement illicite. Voici qu’est-ce qui a prévalu à la création de
la cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
Gilles Mory