Alors que le cinéma africain bat son plein à Ouagadougou et que le président
Kaïs Saïed lance des propos haineux qui ont ouvert la chasse aux Noirs en
Tunisie, Emmanuel Macron lui essaiera, dans un discours, ce lundi, par les mots, de guérir les maux de la France
en Afrique. Ainsi va l’actualité, de Ouaga à Paris, en passant par Tunis!
Un Fespaco du bon cru
Véritable vitrine d’un cinéma
africain qui, malgré son printemps peine à s’imposer véritablement à son propre
public, a fortiori, sur les écrans d’ailleurs, le Festival panafricain de
cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), vient de planter le décor
de sa 28e édition. Un Fespaco, dont les œuvres, à en croire les spécialistes du
7e art, sont de bon cru, qu’elles soient en compétition pour succéder à «La
Femme du fossoyeur» du réalisateur somalien Ahmed Khadar, lauréat de l’Etalon
d’or de Yennenga de la 27e édition, ou sur le marché international du cinéma
africain (Mica). Mais c’est tout de même un Fespaco qui se tient dans une
situation de double crise sécuritaire et humanitaire aigüe au Burkina et dans le
Sahel, d’où son thème bien inspiré, «Cinémas d’Afrique et Culture de la paix».
Comme à l’accoutumée, les salles obscures accueillent depuis ce samedi 25
février, des festivaliers et surtout des cinéphiles avides d’images dans
lesquelles ils se reconnaissent, car reflet de leur quotidien.
Dures réalités
Et après, le cinéma africain se
retrouvera confronté à ses dures réalités qui ont, entre autres, pour noms
l’absence de moyens financiers, la fermeture des salles de projection
transformées en lieux de prières ou de conférences et la concurrence des films hollywoodiens
auxquels seuls les productions nigérianes de «Nollywood», essaient, tant bien
que mal, de tenir la dragée haute. Même si ces œuvres nollywoodiennes bien
africaines, sont davantage visibles sur les bouquets de télévision aux mains de
cette grande maison de derrière l’océan qui nous fait connaître nos propres
productions et nous révèlent nos talents! Et il en sera toujours ainsi, tant
que ceux qui nous gouvernent ne prendront pas la juste mesure de ces
merveilleux cinémas d’Afrique qui sont de véritables mines d’or à insérer dans
la chaîne industrielle.
Les migrants africains pris pour cibles
En attendant, malgré les
difficultés financières conjoncturelles, et certaines endémiques, le Comité national
d’organisation du Fespaco, comme toujours d’ailleurs, a mis les petits plats
dans les grands, pour que le Burkina puisse tenir, une fois de plus, son rang
envié de pays où il fait bon vivre pour les locaux et les étrangers. Ce qui est
loin d’être le cas en Tunisie où le président Kaïs Saïed a jeté en pâture, par
des propos crus, haineux, et racistes d’un autre âge, les Africains
subsahariens. Une chasse à l’homme noir, ouverte ce mardi 21 février, au cours
du Conseil de sécurité national avec la promesse de la mise en place de
«mesures urgentes» pour mettre fin à «l’immigration clandestine» parce que,
selon ce dirigeant tunisien aussi impopulaire qu’incapable de redonner à ses
compatriotes des conditions de vie adéquates, la présence des migrants africains
subsahariens rime avec «violence, crimes et actes inacceptables». De ce fait,
la seule solution, pour celui qui veut broyer du noir, au propre, c’est de
mettre fin à l’arrivée sur le sol tunisien, de ces «hordes de migrants
clandestins».
La Tunisie un pays en Afrique et non africain?
Si le ridicule pouvait tuer, sans
doute que Kaïs Saïed en serait la cible privilégiée, car l’homme n’est pas
passé par quatre chemins pour enfoncer le clou de raciste invétéré, en décelant
dans l’immigration clandestine, une «entreprise criminelle ourdie-par qui ?-à
l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie»
dans le but de la transformer en un pays «africain seulement» et lui ôter ainsi
sa composante arabo-musulmane. Difficile de faire mieux que le président
tunisien en matière de haine raciste alors que la priorité de nos jours est de
recoller les morceaux d’un continent en proie aux fléaux de la guerre, du
terrorisme et des maladies. Pendant qu’il y est pourquoi le Tunisien ne déplace—t-il
pas, à coup de pelleteuses, son pays du continent noir pour le replanter en
Europe ou aux Etats-Unis qui, eux, paradoxalement, font une cour assidue à
l’Afrique? Qu’appelle-t-il immigration clandestine alors que de plus en plus la
tendance est à l’ouverture des frontières pour briser les obstacles de la
division? Que fait-il des principes de la Déclaration universelle des droits de
l’homme, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966 qui garantissent tous l’intégrité, la dignité, le respect des droits et la
libre circulation des hommes et plus particulièrement la protection des droits
des migrants au même titre que des nationaux? Et après, les Africains se
plaindront de la fermeture des frontières de l’Europe devant eux, alors que des
Tunisiens mènent la vie dure à des Africains! Kaïs Saïed a simplement
«déraillé», et le mot est encore bien faible!
Emmanuel Macron et l’Afrique nouvelle
L’Afrique, Emmanuel Macron en
fera encore sa priorité ce lundi, à travers un deuxième discours, après celui
prononcé à l’université de Ouagadougou, en novembre 2017, lorsqu’il enclenchait
son premier quinquennat. Sera-ce donc du déjà vu en matière de fixation de
balises pour la politique africaine de l’Elysée? Certainement pas! Le contexte
a bien changé et Jupiter en est bien conscient! Les Africains, surtout la
jeunesse du continent croit dur comme fer au changement de paradigmes pour
instaurer désormais entre les anciens colons et le continent des relations de
partenariat gagnant-gagnant. Les départs forcés et précipités des forces
militaires du Mali et du Burkina constituent, si besoin en était encore, la
preuve de la volonté des Africains de passer à autre chose. De plus, la France
n’étant plus propriétaire d’un pré-carré africain, le président français pèsera
bien ses mots, lui qui a déjà pris les devants en énonçant moins de présence
militaire française en Afrique.
Du reste, la leçon est bien appliquée au Niger où les partenariats sont diversifiés et où les militaires français marchent dans les pas de leurs frères d’arme nigériens et non plus le contraire. Toutefois, les pays africains, notamment ceux du Sahel, doivent se mettre en relation avec des Etats et éviter de vivre des liaisons dangereuses avec des groupes de mercenaires, quels que soient leurs pays d’origine. Ainsi, les bœufs seront mieux gardés, non seulement entre la France et l’Afrique, mais aussi entre le continent noir et n’importe quelle autre puissance qui aurait pour objectif de s’accaparer les richesses nationales des Africains.
WS