Depuis la création de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), juridiction spéciale chargée de la répression d’un certain nombre d’infractions visées par l’ordonnance qui l’a créée, elle semble faire peur. La presse parle même parfois de « redoutable CRIEF ». Elle tend à devenir une sorte d’épouvantail que certains agitent pour effrayer ou intimider. On a même vu un justiciable faire des mains et des pieds pour qu’un litige qui l’oppose à un partenaire en affaires soit transféré à la CRIEF après qu’une décision a été rendu par une juridiction de première instance et que cette affaire ne relève nullement de la compétence de cette juridiction.
Au fond, cette juridiction ne devrait pas créer tant de
frayeur. Les grands principes de droit pénal et de procédure pénale sont
communs à la CRIEF et aux juridictions ordinaires. On pourrait même dire qu’à
certains égards, la CRIEF, comparée à d’autres juridictions du même type en
Afrique, offre plus de garantie en terme de procès juste et équitable. On peut
citer en particulier le principe du double degré de juridiction qui a
clairement consacré par le texte créateur de l’institution et qui n’existe pas
au sein de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) au
Sénégal.
La CRIEF n’est donc pas une juridiction qui » broie » les
justiciables. Elle fonctionne en grande partie sur la base des dispositions du
Code pénal et du Code procédure pénale. Dès lors, ne doivent avoir peur d’elle
que ceux qui pourraient avoir des faits à se reprocher. Encore que, sous
certaines réserves, ils sont présumés innocents aussi longtemps que leur
culpabilité n’aura pas été établie par une décision définitive.
La seule crainte qu’on pourrait avoir, c’est le risque
d’instrumentation de cette juridiction. Et pour le moment, rien n’indique
qu’elle va se laisser instrumentaliser. D’ailleurs, la décision de mise en
liberté, même si elle n’est pas encore exécutée, rendue récemment en faveur
d’un ancien ministre, prouve que lorsqu’un juge veut être indépendant il peut
l’être. Alors vive la CRIEF pour une véritable moralisation de la gestion
publique, dans le strict respect de la loi.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier
Membre du CNT