La Démocratie ne se limite pas à organiser des élections, quelles
qu’elles soient, elle ne peut non plus être réduite au seul droit de vote
exercé par les citoyens. Elle s’épanouit et se mesure aussi par la liberté
d’expression nécessaire à sa vitalité, mais qui en est devenue aussi le plus
grand mal au moment où s”exprimer reste à la portée de tous, l’espace public
étant complètement désacralisé.
La liberté d’opinion et de
conscience, chère à tous, acquise partout, ne peut être l’excuse à tous les
outrages et à toutes les outrances, encore moins être le véhicule de toutes les
dénégations et de toutes les impostures. Qu’on soit d’un côté ou de l’autre de
la barrière, le discours ne sera peut-être jamais le même, certes, mais ce
n’est pas non plus une raison de travestir les faits, maquiller les événements
et tenter de faire avaler des absurdités. La vérité universelle qu’on a
défendue devient le mensonge, les personnes qu’on a aimées et respectées, dont
le tort serait de choisir et de s’assumer, ne sont plus dignes d’estime, de
confiance et de considération. Tout doit être vu de travers, parce que jugé
sous le prisme des divergences politiques et idéologiques, et d’intérêts
mesquins passagers. De même, celui qui porte la contradiction et se démarque
des clichés et du sens commun devrait être voué aux gémonies.
Que le commun des citoyens soit
porté à l’excès et donne libre cours à ses passions relève, il se pourrait, de
l’innocence et de la candeur des hommes portés par un idéal dans le royaume de
tous les possibles. En revanche, des acteurs éprouvés, imprégnés des affaires
de l’État ne devraient pas s’adonner à la démagogie bon marché, ou céder à de
mauvais instincts pour mobiliser et révolter les profanes afin d’assouvir des
ambitions démesurées.
En Guinée, depuis l’indépendance,
tout semble tourner autour des querelles de légitimité et de conquête du
pouvoir. Qui est à la place de qui ou devrait être à la place de qui ? Qui
convoite la place de qui, a remplacé qui, a succédé à qui ? Pourquoi lui, et
pas moi ? La préoccupation des “esprits éclairés” ou “grandes compétences ” du
pays, reste la même, invariable : comment s’affirmer et diriger à n’importe
quel prix, par tous les moyens. Aussi, le résultat des élections fait-il
toujours débat et divise la classe politique qui est fondée à toujours aspirer
à la victoire, mais devrait s’accommoder de la culture de la défaite dans la
patience des grands hommes et l’espoir de jours meilleurs.
En attendant, il est possible
d’aller à des compromis gagnants, en tenant compte de la réputation du pays
qu’on dit aimer et des intérêts du peuple qu’on entend servir. S’il n’y a qu’un
Président, à la fois, d’autres postes et responsabilités pour servir et agir
dans toute nation existent, et représentent des supports appropriés pour écrire
des pages d’une histoire commune au profit de tous.
N’est-ce pas ce que les
populations victimes des luttes d’hégémonie et des chocs d’égos espèrent tant ?
Oubliées souvent, marginalisées aussi, ne voit-on pas qu’elles se détournent
des politiques et pouvoiristes, dans un sursaut de lucidité et de sagesse
acquises dans les épreuves traversées, et à cause de tous les sacrifices
consentis pour l’orgueil et la grandeur de groupes d’intérêt et de confréries
politiques rompues dans l’art de la manipulation?
Pourtant, les exemples de fausses
promesses pour tromper, de discours messianiques pour gagner, avant de se
retrouver finalement devant des difficultés qu’on a ignorées, sont légion.
Beaucoup de peuples ont rêvé du meilleur, celui qui leur a été promis dans l’euphorie
des campagnes électorales ou pendant les années fastueuses de l’opposition,
avant de partager avec ceux qui en ont fait leur fonds de commerce, le réveil
brutal de la servitude de diriger, l’inconfort de gouverner à une époque de
“refus”, de défiance du pouvoir et de ses tenants, de l’Etat et de ses
symboles. Alors, pourquoi ne pas oser la vérité, et se risquer à la sincérité,
dès le départ, dans son engagement pour ne pas avoir à se renier, ou décevoir
des espoirs immenses suscités et entretenus tout le temps, pour sceller un faux
pacte de confiance dans un marché de dupes volatile. Ce n’est pas faire le
bonheur d’un adversaire, mais c’est respecter l’opinion publique, et préserver
l’intégrité et la crédibilité de politiques sans cesse dévalués et disqualifiés
par des postures opportunistes et des rhétoriques trompeuses.
Qui se construit dans le
mensonge, la supercherie et la duperie peut arriver a ses fins, mais se mettra
à dos le peuple qui peut céder à la tentation du rêve, mais ne pardonne jamais
qu’on le traîne dans le cimetière des illusions perdues. Le courage de la
vérité ne sera jamais vaincu par la force de la démagogie, parce que la
politique par la caricature a montré (depuis longtemps) ses limites, devant les
sacrifices et la détermination des hommes d’Etat en phase avec l’histoire, et
toujours célébrés dans le temps. Comme pour les venger des imposteurs et héros
de circonstances qui brillent parfois, mais disparaissent toujours aussi.