Dans le cadre d’une visite d’Etat qu’il a entamée ce jeudi à Conakry pour 48heures, le président gambien, Adama Barrow, dit être venu faire son noviciat auprès de son grand frère Alpha Condé. Ce rapprochement soudain entre ces deux personnalités, à percevoir certes sous le prisme de la realpolitik, est aussi considéré comme relevant de la politique du grand écart. Quand on sait que Barrow doit en partie son fauteuil à Macky Sall, qui a forcé la main à la Cédéao, pour empêcher l’autocrate Yahya Jammeh de confisquer le pouvoir.
Moins d’un
mois après le séjour de son ministre des Affaires Etrangères, Dr Mamadou
Tangara, venu en éclaireur à Conakry, c’est le tour du président gambien de
fouler le sol guinéen.
L’homme à
l’allure débonnaire a aussitôt confié qu’il venait apprendre auprès de son aîné
de président. Alpha Condé, un « monument » de la politique de l’Afrique
Subsaharienne.
Officiellement,
l’hôte de marque est en Guinée dans le cadre du renforcement des liens d’amitié
et de fraternité existant entre la République de Guinée et la République de
Gambie.
Mais, il
n’est pas exclu que cette visite soit mise à profit pour évoquer des questions
relatives aux crises qui agitent la sous-région, notamment la situation au
Mali. Et pourquoi pas aussi cette friture sur la ligne entre Conakry, Bissau et
Dakar.
Quand on
sait que cela a donné lieu à la fermeture de nos frontières avec ces deux pays
voisins de la Guinée. Qui sont également voisins de la Gambie. Pour ceux qui ne
le savent pas, le pays de Adama Barrow est incrusté dans le Sénégal, dont il
dépend en grande partie pour sa survie en termes d’importations de vivres et de
divers produits manufacturés. Ce n’est donc nullement anodin de dire que si le
Sénégal tousse, c’est la Gambie qui s’enrhume.
Raison de
plus pour Banjul de s’empresser pour rabibocher Conakry et ses voisins de
l’extrême nord-ouest.
Qui
d’ailleurs mieux que Adama Barrow pourrait aujourd’hui sceller la
réconciliation entre le président Macky Sall et son homologue guinéen. Car même
si la crise est larvée, il se trouve que la fermeture des frontières en rajoute
à ce gel des rapports entre les deux chefs d’État.
Barrow
pourrait donc jouer les bons offices. Lui, dirigeant d’entreprise, qui était
jusque-là méconnu du public, a pu vaincre Yahya Jammeh, sur un coup de dés, à
l’issue de la présidentielle du 1er décembre 2016. Réussissant ainsi une sorte
de miracle.
Mais s’étant
ravisé, Yahya Jammeh avait refusé de quitter son palais, la State House, après
22 ans de règne, d’une main de fer.
Mais c’était
sans compter avec la détermination de Macky, qui a aiguillonné la Cédéao, à
presser l’autocrate à débarrasser le plancher.
Adama Barrow
a fini par regagner son pays, après un séjour à Dakar, où il s’était réfugié
pour échapper à la furie de Mister Jammeh.
N’eût été
Dakar, la médiation dans cette crise, confiée au dirigeant guinéen Alpha Condé
et à son homologue Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, allait finir en
eau de boudin.
Contraint de
quitter la Gambie, le prédécesseur de Barrow, après un bref séjour à Conakry,
où il a des attaches, a été accueilli par la Guinée Equatoriale.
Qui sait si
cette visite d’État ne sera pas une opportunité aussi pour plaider la cause de
Jammeh qui traine de la quincaillerie lourde du côté de la Gambie, où on
l’accuse de plusieurs crimes de sang et de crimes économiques.
Mamadou
Dian Baldé