Alors que les rideaux tombaient, à Bissau, sur la 63e session de la
conférence des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique
de l’ouest (CEDEAO) qui s’est offert un nouveau patron, le Gabon lui vivait la
fin d’un faux suspense sur la candidature du président sortant et sans doute
bientôt entrant, et au Mali, les militaires au pouvoir négociaient avec les
terroristes dont ils ont remis en liberté des cadres et des combattants. Ainsi
va l’Afrique où les coups d’Etat et les 3e mandats, dans certaines parties du
continent, le disputent aux guerres civiles et aux attaques terroristes.
« J’annonce officiellement
aujourd’hui, je suis candidat ». Ali Bongo Odimba (ABO) venait ainsi, par ces quelques
mots prononcés au détour d’une virée à une vingtaine de kilomètres de
Libreville, et avec pour témoins ses partisans et les ouvriers de la zone
économique spéciale de Nkok, de se lancer dans la course à sa propre
succession. Ce n’était vraiment pas un scoop, tous les signes annonciateurs de
ce presque « non évènement » étant réunis depuis fort longtemps, notamment les
discours récents du président-candidat et des ralliements d’hommes politiques
qui ont fait des come-back dans lesquels ils savent si bien exceller.
Le dernier retour à «la maison »
fut celui du cousin de ABO, qui avait déserté le Parti démocratique gabonais
(PDG) pour créer, en 2015, son mouvement politique Patriote et Républicain,
avant de rejoindre, armes et bagages, Les Démocrates de l’opposant Guy
Nzouba-Ndama. Léon-Paul Ngoulakia, qui était un ancien soutien de Jean Ping,
est donc revenu au PDG, dans une mise en scène de retrouvailles familiales qui
s’est voulue émouvante.
Malgré l’AVC !
Si Ali Bongo Ondimba va bien à
une 3e candidature, contrairement à celles de certains de ses homologues, la
sienne n’est pas anticonstitutionnelle, car la loi fondamentale du Gabon ne
connaît pas le verrou de limitation des mandats. Sauf que, malgré les
assurances itératives du président gabonais, qui affirme jouir d’une forme
olympienne, les séquelles de l’accident vasculaire cérébral (AVC) dont il a été
victime en 2018 en Arabie saoudite, disent tout le contraire. En tout cas, Ali
Bongo Ondimba qui semble bien maîtriser le bateau gabonais est « Candidat pour
poursuivre le travail. Candidat pour amener le Gabon plus loin, beaucoup plus
loin. Candidat pour gagner la bataille économique. Candidat pour gagner la
bataille du travail.» Et « candidat pour gagner la bataille du changement ».
Le changement dans la…continuité
La machine du changement dans
la…continuité s’est donc mise en branle à deux jours de la fin des candidatures
! L’opposition gabonaise qui n’est guère avantagée par le mode de scrutin à un
tour de la présidentielle du 26 août prochain, est contrainte à l’union
derrière un seul candidat pour se donner des chances de victoire. Alexandre
Barro Chambrier alias ABC, le cheval qui portera les espoirs du Rassemblement
pour la patrie et la modernité (RPM) et dont la candidature officielle a été
déclarée ce dimanche 9 juillet, sera-t-il le pion que poussera, comme un seul
homme, toute l’opposition gabonaise pour cette présidentielle qui s’annonce
dans moins de deux mois ?
La CEDEAO contre les changements anticonstitutionnels
Bola Ahmed Tinubu, lui a déjà
gagné, la bataille de la présidentielle dans son pays le Nigeria, succédant
ainsi à Muhammadu Buhari. Mais il vient de se voir ajouter, par ses pairs de la
sous-région, la casquette non moins prestigieuse de président de la CEDEAO,
remplaçant ainsi le Bissau Guinéen, Umaro Embalo Cissoko, dont le pays vient
d’abriter le 63e sommet de l’institution sous-régionale. Le Nigérian, marchant
dans les pas de son prédécesseur, a, tout de suite planté le décor de son
mandat qui ne devrait pas arranger les amoureux des changements
anticonstitutionnels.
La consolidation de la démocratie
est, visiblement, l’un des combats prioritaires du président du « géant de
l’Afrique de l’ouest ». Et si le sommet qui a fait de lui le capitaine de la
barque CEDEAO n’a pris aucune sanction contre les dirigeants militaires de la
Guinée, du Burkina Faso et du Mali, il n’en demeure pas moins que
l’organisation observe les transitions dans ces pays avec une attention
particulière et compte organiser, bientôt, une nouvelle réunion pour plancher
sur le dossier. C’est dans la même logique que l’installation d’une force de la
CEDEAO demeure une option bien en vue pour les dirigeants, dans le but de
lutter contre le terrorisme dans l’espace CEDEAO et organiser, quand le cas se
présentera, des interventions dans des Etats où l’ordre constitutionnel est
menacé.
Le pouvoir malien négocie donc avec les terroristes !
Cette force, si elle existait
aurait peut-être opéré, en son temps, une descente sur le Mali, non seulement
pour terroriser les…terroristes mais aussi pour tenter de mettre en échec les
deux coups d’Etat en moins d’un an, du colonel Assimi Goïta et de ses hommes.
Le Mali, qui s’est vu obligé de libérer, des chefs de l’Etat Islamique,
notamment Dadi Ould Chegoub et Omaya Ould Albakaye qui avaient été arrêtés par
la Force française Barkhane, dans le but de récupérer ses ressortissants otages
des groupes armés, et de tenir des élections dans des zones de Ménaka, sous
l’emprise des terroristes. Pourtant, le pouvoir kaki de Bamako dans sa lutte
contre le terrorisme n’a jamais révélé ces genres de négociations avec les
forces du mal. Les militaires ont toujours avancé une «montée en puissance» des
Forces armées maliennes (FAMa).
Ainsi donc, les colonels maliens
négocient avec les chefs terroristes, compte tenu sans doute du rapport de
force qui ne milite pas en leur faveur. Du reste, c’est une démarche qui est
loin d’être nouvelle dans cette lutte contre le terrorisme, des chefs d’Etat
africains, anciens comme en exercice, l’ayant déjà expérimentée, avec plus ou
moins de bonheur. Le colonel Assimi Goïta, après avoir ouvert la chasse aux
anciens partenaires du Mali, dont la MINUSMA qui est en train de faire ses
paquetages pour quitter le pays, est visiblement obligé de tendre la main aux
terroristes. Advienne que pourra !
ws