Le camp présidentiel a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale mais reste en tête d’une très courte avance des élections législatives du 31 juillet au Sénégal, selon les résultats officiels provisoires de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV) publiés jeudi.
Pour la première fois depuis l’indépendance en 1960 dans ce
pays d’Afrique de l’Ouest réputé pour sa stabilité, la formation au pouvoir
perd la majorité absolue et devra s’appuyer sur d’autres forces au Parlement
pour faire passer ses lois.
La coalition du président Macky Sall passe de 125 députés en
2017 à 82, sur les 165 que compte l’Assemblée, selon les résultats officiels
provisoires de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV) publiés
jeudi.
L’opposition confirme sa dynamique déjà initiée lors des
élections locales de janvier, notamment dans certaines grandes villes, et gagne
80 sièges de députés au total : 56 pour la coalition « Yewwi Askan Wi » et 24
pour celle de « Wallu Sénégal » qui ont formé une alliance pour les
législatives.
Trois autres députés sont issus des rangs de trois autres
petites coalitions de partis.
Les chiffres définitifs doivent être publiés par le Conseil
constitutionnel dans un délai de cinq jours s’il n’y a pas de recours.
Ces résultats pourraient convaincre le président de la
République, désavoué par les urnes, de renoncer au projet qui lui est prêté de
se représenter à la présidentielle de 2024, disent experts et observateurs. Le
président Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans,
maintient le flou sur ses intentions.
Premier ministre
Il a promis qu’il nommerait un Premier ministre – poste
qu’il avait supprimé en 2019 puis rétabli en décembre 2021 – au sein de la
formation victorieuse des élections.
Après le vote, les chiffres remontant des commissions
départementales de recensement des votes ont fait état d’un scrutin très serré
et les deux camps ont revendiqué la victoire.
« Yewwi Askan Wi » (Libérer le Peuple en wolof), la
principale coalition de l’opposition, formée autour d’Ousmane Sonko, arrivé
troisième de la présidentielle de 2019, s’est alliée pour les élections à la
coalition « Wallu Sénégal » (Sauver le Sénégal en wolof), dirigée par
l’ex-président Abdoulaye Wade, élu député ce jeudi à l’âge de 96 ans.
Jeudi, un responsable de cette alliance a saisi la
Commission électorale pour lui demander « le droit de vérifier les
procès-verbaux (de bureaux de vote) en vue de faire ses observations et
réclamations éventuelles dans les délais légaux ».
Mme Aïda Mbodj, une autre leader de l’opposition, a parlé
mercredi soir lors d’une conférence de presse de « bourrage d’urnes » et de «
procès-verbaux préfabriqués et sans signature qu’ils (le pouvoir) ont créés
eux-mêmes » dans des localités du nord du Sénégal dont Matam, Podor, Ranérou et
Kanel, des fiefs du président Sall.
« Nous n’allons pas accepter une confiscation de la
victoire. C’est une entreprise de fraudes massives orchestrées par des hommes
politiques avec certainement la complicité de l’administration » territoriale,
a renchéri M. Sonko.
Le président Macky Sall s’est pour sa part félicité du bon
déroulement des élections « dans le calme, la sérénité et la transparence, sur
l’étendue du territoire national », à l’issue du Conseil des ministres,
mercredi.
« A bout de souffle »
Le vote s’est déroulé dimanche sans incident majeur, avec un
taux de participation de 46,64% selon la CNRV. Les observateurs internationaux
de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et le
Collectif d’organisations de la société civile pour les élections (COSCE) ont noté
le caractère paisible et transparent du scrutin.
La pré-campagne, elle, avait été marquée par de violentes
manifestations qui avaient fait au moins trois morts en raison de
l’invalidation par le Conseil constitutionnel des titulaires de la liste nationale
de la coalition dirigée par M. Sonko, contraints de renoncer à participer aux
élections.
« La coalition au pouvoir est à bout de souffle. La cherté
des denrées, le renchérissement du prix de l’eau, les pratiques autoritaires
autour des manifestations suivies de morts » expliquent ce vote-sanction contre
le président », a souligné à l’AFP l’analyste politique Maurice Soudieck Dione.
« La question du 3ème mandat a été réglée définitivement par
le peuple sénégalais le jour des élections. Avec ce Parlement, Macky Sall n’a
plus la possibilité de modifier la Constitution qui n’autorise à renouveler le
mandat du président qu’une seule fois », a également rappelé à l’AFP Ngouda
Mboup, constitutionnaliste.
Agence France Presse
(AFP)