Cher frère, cher Président ! Je vous écris ces lignes au moment où notre pays sombre de nouveau dans la violence. Le 05 septembre 2021, comme beaucoup de guinéens, surtout habitant le long de l’Axe Hamdallaye-Bambéto, je me suis senti libéré par des membres de notre armée nationale. J’ai difficilement accepté l’idée selon laquelle le Président Alpha Condé a été renversé, tellement que je n’avais pas vu ce scénario venir.
La nuit du 05, j’ai été étonné de voir dans mon secteur, des
jeunes avec des tee-shirts frappés de votre photo. J’ai tout de suite salué
cette rapidité.
Le 06 septembre, j’ai ovationné une colonne de nos forces de
défense et de sécurité à Bambéto, quartier martyr de l’Axe. J’ai vu des jeunes
et des femmes, en liesse et en parfaite harmonie avec nos soldats. J’ai compris
que la réconciliation tant souhaitée était là. La méfiance s’était
éloignée.
La page Alpha se refermait pour laisser la place à celle de
Mamadi. Dès votre premier discours sur Facebook, je me suis rendu compte que
mes préoccupations étaient prises en compte.
Cher Colonel, cher
frère !
Pour moi, vous êtes un libérateur en témoigne les décisions
rapides que vous avez prises comme le démantèlement des P.A sur l’Axe, la
libération des détenus politiques, l’ouverture des sièges de certains partis
politiques… comme le 03 avril 1984, vous avez montré qu’une nouvelle Guinée est
possible.
J’ai vu en vous un Homme qui écoute beaucoup, qui parle peu.
Lorsque je vous regarde à la télévision, quelque chose me dit que cet Homme
veut bien faire. Au plus profond de moi, je murmure, Doumbouya est innocent. Il
va nous sortir de ce trou !
Mais au bout de quelques mois, je commence à avoir
bizarrement peur de vous. Je ne sais pas pourquoi !
Cher Colonel, cher
frère !
Aujourd’hui, j’ai l’impression que le Colonel Mamadi du 05
septembre n’est plus le même. Je me demande ce qui s’est passé entre temps pour
que vous soyez si loin de nous, le bas peuple.
Inutile de vous dire que cette transition ne doit pas
échouer. Vous et vos Hommes avez pris des risques et c’est pour cette raison
que vous avez la responsabilité de nous sortir du trou dans lequel nous sommes
plongés depuis des années.
Malheureusement, le sang des innocents commence de nouveau à
couler sur la terre de Guinée. L’armée, la police, la gendarmerie utilisent des
armes à feu contre nos frères, vos frères de l’Axe qui vous ont applaudi le 05
septembre.
Nos quartiers sont assiégés, nos mamans pleurent nos frères
arrachés à la vie ! Nos marmites sont renversées, nous sommes de nouveau,
victimes d’insultes de toutes sortes !
Cher Colonel, cher
frère !
Votre recueillement au cimetière de Bambéto a été salué et a
apaisé les cœurs. Vous êtes actuellement le Président de tous les guinéens et
pour cela vous avez l’obligation d’arrêter ce qui se passe. Le sang doit cesser
de couler.
On ne peut pas rectifier les erreurs du passé en commettant
les mêmes erreurs. De 1958 à 2021, trop d’innocents sont tombés. Les familles
réparties sur l’ensemble du territoire attendent encore justice.
Au lieu de sécher les larmes, le CNRD verse d’autres,
plongeant ainsi notre pays dans une situation d’instabilité.
Monsieur le
Président, cher frère !
L’instabilité n’arrange ni le CNRD, ni la Guinée. C’est vous
qui avez un bilan à laisser, pas le FNDC ou les autres forces politiques.
Evitez de faire comme le Président Alpha Condé qui s’est entouré des
businessmen de la crise.
Le véritable problème actuel de la Guinée comme depuis 2010,
c’est le manque de dialogue sincère entre les acteurs.
Monsieur le Président
!
Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Oumar Sylla, Sékou
Koundouno, Aliou Bah…sont vos frères. Eux et les autres, vous devez les
écouter. Ensemble, autour d’une même table, vous trouverez avec ou sans
médiateur, des solutions à nos problèmes.
Recevoir ces acteurs majeurs de notre pays, les écouter et
prendre en compte leurs préoccupations sera un signe de grandeur pour vous et
non une manière de vous rabaisser.
Si depuis le 05 septembre, une telle démarche avez été
entreprise, nous ne serions pas dans cette situation. La question liée à la
durée de la transition ne doit pas être un Tabou. Alpha Condé avait décidé de
s’enfermer dans un isolement total pour éviter tout débat autour du 3eme mandat
qu’il avait décidé d’imposer au peuple. La suite, on la connait !
Monsieur le
Président, évitez ce chemin !
Regardez autour de nous ! En Côte d’Ivoire, malgré la
profondeur de la crise de 2010, les Présidents Ouattara et Gbagbo ont décidé de
tourner la page pour favoriser la paix et le développement de leur pays.
En Guinée, vous avez ordonné la tenue des Assises Nationales
pour soigner nos plaies. Cette démarche salutaire attend cependant la
publication des différentes recommandations et leur mise en œuvre. Les
guinéo-sceptiques ont parié dès le début qu’il s’agissait d’une simple perte de
temps. J’espère que vous n’allez pas leur donner raison Monsieur le Président !
Monsieur le Président, je vous prie d’user de toutes les
bonnes stratégies pour mettre fin aux tensions. Cela passera par la libération
des détenus politiques, le rétablissement de Cellou Dalein Diallo et Sidya
Touré…dans leurs droits, l’ouverture d’un dialogue franc et sincère et enfin
réunir toutes les conditions pour l’organisation d’élections libres,
transparentes et inclusives.
Mamadou Samba Sow,
journaliste sowbantignel@gmail.com