Après avoir soudé son fauteuil pour cinq nouvelles années, et bien que
devant faire avec une assemblée nationale d’une hostilité sans commune mesure,
Emmanuel Macron a repris son bâton de pèlerin pour son tout premier voyage au
Cameroun, au Bénin et en Guinée Bissau. Au Cameroun, le président français
touchera du doigt la perte de l’influence économique de la France au profit de nouveaux
partenaires, certes, moins regardants sur le respect des droits de l’Homme,
mais assurément plus concrets sur d’autres plans commerciaux et en matière de
construction d’infrastructures d’envergure. Ainsi, pendant que la France
chancelle à Yaoundé, d’autres pays comme la Chine, l’Inde ou la Turquie
s’implantent assez solidement. En clair, ce qui aurait pu constituer des
vacances pour Jupiter dont le pays se trouve en pleine période estivale, sera
plutôt un séjour dominé par les questions de la crise vieille maintenant de
cinq années qui oppose le gouvernement de l’inusable Paul Biya à des mouvements
séparatistes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest camerounais.
La guerre d’Ambazonie faite de violences
La «guerre d’Ambazonie» est
source de violences fratricides rares qui ne sauraient laisser le président du
pays des droits de l’homme indifférent, même si son homologue camerounais, qui
garde jalousement le secret de son élixir de jouvence, tant pour sa propre
longévité que celle de son pouvoir ne voudra pas en parler. Macron, au risque
de fâcher «Popaul» qui a vu passer au moins quatre de ses prédécesseurs,
notamment François Mitterand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François
Hollande, sera-t-il en mesure de mettre sur la table les questions qui fâchent,
au risque d’embarrasser son hôte qui trône depuis bientôt 40 ans au palais
d’Etoudi sans présenter le moindre syndrome de lassitude du pouvoir? A défaut
de lui suggérer de passer enfin la main pour jouir d’une retraite méritée pour
services rendus à son pays depuis le 6 novembre 1982, Emmanuel Macron sera-t-il
en mesure de faire appel à la sagesse de son «aîné» pour qu’il laisse en
héritage aux futures générations un Cameroun de paix, un et indivisible et non
un pays en morceaux, anglophones d’un côté et francophones de l’autre?
Oreille tendue vers Bamako
Et s’il a encore un peu de temps
pour déguster le poulet DG, le Ndolè ou la sole braisée accompagnée de
l’éternel «bâton» de manioc, des mets camerounais aussi succulents qui savent
titiller les papilles gustatives, conseil est donné à Emmanuel Macron de ne pas
s’en priver. Toutefois, c’est certain que le chef de l’Etat français aura une
oreille tendue vers Bamako où séjourne en ce moment son compatriote Jean-Pierre
Lacroix. En effet, le secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des
Opérations de paix est, en principe, au Mali depuis ce dimanche pour essayer
d’éteindre ce feu allumé autour de la Mission multidimensionnelle par cette
affaire de 49 militaires ivoiriens aux mains de la junte militaire malienne
depuis le 10 juillet. Si le Mali compte faire passer devant la justice ces
éléments qu’il a présentés comme des mercenaires au début de cette affaire d’un
flou opaque à couper au couteau, la Côte d’Ivoire, elle, affirme que ces hommes
et femmes, font bel et bien partie des effectifs de l’armée ivoirienne et
qu’ils se retrouvent en terre malienne en tant que «support national» (NSE) et
appelle désormais à une résolution rapide de cet imbroglio. Mais entre-temps,
le porte-parole de la MINUSMA, Olivier Salgado a fait les frais de ces
bisbilles, lui qui a été sommé, mercredi, par les putschistes maliens de
quitter le territoire national sous 72 heures. Un véritable casse-tête chinois
en pays dogon!
Chemin de croix pour…Lacroix
Pendant que se poursuivra le
chemin de croix de Lacroix, le colonel Assimi Goïta lui doit chercher à
colmater les failles de la sécurité au camp garnison de Kati, 15 kilomètres
seulement de Bamako, où se trouvent son sommier et celui de son ministre de la
Défense. En effet, cet endroit, le plus sécurisé du Mali, et nonobstant la
présence des éléments de la société de sécurité privée russe Wagner, a été pris
pour cible, ce vendredi par les combattants du Groupe de soutien à l’islam et
aux musulmans (Jnim). Comment des terroristes ont pu devenir, l’espace d’une
nuit, des colocataires du chef de la junte, et ce pendant que les communiqués
officiels se sont succédé pour porter aux nues les Forces armées maliennes
(FAMa) dont la montée en puissance n’a cessé de faire l’actualité sur les rives
du Djoliba où il ne fait pas bon contredire la junte au pouvoir? Alors que
l’armée malienne n’a pas fini de digérer cette humiliation que lui ont infligée
les terroristes qui cohabitent avec le chef de l’Etat, presqu’en plein Bamako,
le camp de la Garde nationale a été attaquée à Sévaré, fort heureusement sans
pertes en vies humaines côté FAMa, contrairement à l’assaut de Kati qui a fait,
officiellement un soldat malien tué. Les déclarations sur les succès de l’armée
malienne sont-elles simple leurre?
La CEDEAO surveille Ouaga comme du lait sur le feu
Le voisin burkinabè reçoit
également ses étrangers! En pleine transition et constamment endeuillé par des
assaillants armés au même titre que le Mali, le Burkina Faso attend le retour
de l’ordre constitutionnel, après le putsch du 24 janvier qui a chassé du pouvoir
Roch Marc Christian Kaboré et a donné les clés du palais présidentiel de Kosyam
au lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Et le délai prévu pour cela
est de 24 mois à compter de ce 1er juillet. C’est ce chronogramme qu’est venu
rappeler aux autorités de la transition burkinabè, le Bissau-Guinéen, Umaro
Sissoco Embalo, le président en exercice de la Communauté économique des Etats
de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) depuis le 3 juillet. Certes, la situation au
Pays des hommes intègres reste d’une précarité inquiétante, marquée par une
double crise sécuritaire et humanitaire, mais la remise du pouvoir aux civils
demeure une priorité pour la communauté internationale très à cheval sur le
respect de la constitution des nations qui ne reconnaît que le pouvoir sorti
des urnes. Umaro Sissoco Embalo au cours de son séjour qui sonne comme un tour
du propriétaire, dans les pays gouvernés par les putschistes après son tête à
tête de ce dimanche avec l’homme fort de Ouagadougou, devrait rencontrer
également, avant la fin de son séjour burkinabè d’autres entités. Des échanges
sont, en effet, prévus avec les membres du Gouvernement, les députés, les
acteurs politiques et économiques, les responsables coutumiers et religieux,
les partenaires techniques et financiers, et les membres du Corps diplomatique
accrédités au Burkina.
WS