Choguel Maïga, titulaire du poste, est hospitalisé dans une clinique de
Bamako depuis dix jours, mis au « repos forcé » selon les autorités maliennes
de transition. Le chef du gouvernement aurait fait un AVC ou un malaise
cardiaque selon certaines sources. Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et
porte-parole du gouvernement, assume donc à présent son intérim. Mais la
nomination qui suscite certaines réflexions et certaines interrogations sur la
suite des évènements.
Le colonel Abdoulaye Maïga est
nommé Premier ministre par intérim, ce qui implique que Choguel Maïga reste
titulaire du poste et qu’il est censé reprendre ses fonctions dès que sa santé
le lui permettra. Pourtant, dans les textes, en vertu d’un décret datant de
juillet 2021, c’est le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, premier
par ordre de nomination dans le gouvernement après le Premier ministre, qui
aurait dû exercer cet intérim. Le choix du colonel Maïga est donc un véritable
choix politique, et non un simple automatisme pour pallier la vacance du
poste.
Intérim long, voire pérennisation ?
Certains observateurs estiment,
sous couvert d’anonymat, qu’il faut dès lors s’attendre à un intérim long -
plusieurs semaines au moins, une telle désignation ne semblant pas nécessaire
pour une gestion rapide des affaires courantes -, voire à une pérennisation du
colonel Maïga à la tête du gouvernement. Une manière de procéder à un changement
de Premier ministre « en douceur ».
Aucun calcul
Un acteur de premier plan de la
vie politique malienne pense au contraire qu’il ne faut en aucun cas voir de
calcul dans cette nomination, effectuée en urgence pour faire face à
l’empêchement de Choguel Maïga. Selon cette source, le colonel Sadio Camara n’aime
ni la lumière ni les caméras, raison pour laquelle le ministre de la Défense,
pourtant très influent et souhaitant l’être, aurait décliné l’offre. Et si
c’est le colonel Abdoulaye Maïga qui a été choisi, ce serait, selon cette
source, parce qu’il répondait aux impératifs urgents du moment : il a fait la
preuve de ses capacités techniques et oratoires, de sa loyauté envers la junte,
et il dispose du soutien de son administration. Des qualités que peu de
ministres peuvent prétendre réunir.
Un militaire après deux civils
Le colonel Maïga n’est pas membre
de la junte qui a pris le pouvoir il y a deux ans (le CNSP, aujourd’hui
officiellement dissout) mais c’est un militaire. Or depuis le début de la
Transition, ce sont deux civils qui s’étaient succédé au poste de Premier
ministre. Un changement notable. Abdoulaye Maïga est réputé proche du président
de transition, le colonel Assimi Goïta, et il a eu ces derniers mois, en tant
que porte-parole du gouvernement, des mots très durs vis-à-vis de la France mais
aussi de la Cédéao et des Nations unies, qui pourraient donc, pour toutes ces
raisons, voir d’un mauvais œil l’arrivée du colonel Abdoulaye Maïga à la
Primature.
Interlocuteur des partis politiques
Une analyse que nuance un
observateur attentif de la politique malienne, qui rappelle que le colonel
Maïga, déjà ministre de l’Administration territoriale, est en charge de la
préparation des futures élections, enjeu majeur pour les Maliens comme pour
leurs partenaires internationaux. Sa nomination pourrait donc aussi être perçue
comme un signe de l’importance donnée à cette échéance.
Dans ce cadre, le colonel Maïga
est d’ailleurs devenu, côté gouvernemental, le premier interlocuteur des partis
politiques maliens. Interlocuteur globalement apprécié, selon des personnalités
de diverses tendances jointes par RFI, qui tenteront de se consoler ainsi
d’avoir un chef de gouvernement qui ne soit toujours pas un civil issu de leurs
rangs.
Des réactions partagées
Il y a peu de réactions
politiques à cette nomination. RFI a recueilli celle d’un soutien de la junte
et celle d’un membre de l’opposition. Sory Ibrahima Traoré, président du Front
pour l'émergence et le renouveau au Mali (Fer-Mali), qui soutient les autorités
de transition, exprime sa grande satisfaction.
« Nous nous en réjouissons parce
que le colonel Abdoulaye Maïga est quelqu’un qui est très apprécié des milieux
politiques. Sa désignation pour assurer l’intérim va éviter la discontinuité
entre la classe politique et le gouvernement. Aujourd’hui, le plus important et
le plus urgent, ce sont les réformes politiques et institutionnelles en matière
électorale, et la mise en place de l’organe qui doit organiser les futures
élections. Il était la personne la plus indiquée pour poursuivre le travail de
Choguel Kokalla Maïga, momentanément indisponible. »
La réaction est plus mitigée du
côté de l’opposition, mais avec néanmoins une certaine forme d’optimisme. Ismaël
Sacko est le président du Parti social-démocrate africain (PSDA), membre du
Cadre qui rassemble les partis politiques maliens d’opposition.
« Cette nomination vient
légèrement en retard, nous avions espéré que l’intérim serait assuré plus tôt,
car nous avons compris que le Premier ministre, pour des raisons de maladie,
était empêché. Le colonel Abdoulaye Maïga est arrivé à maintenir le dialogue
avec la classe politique. Les chantiers sont assez énormes, notamment la
révision constitutionnelle et les élections à organiser à l’avenir. La mise en
place de l’organe indépendant de gestion des élections prévue fin juillet
accuse un léger retard. Nous espérons qu’à la fin de cet intérim un nouveau
Premier ministre sera nommé, un Premier ministre neutre qui fera objet de
consensus. »
Rfi