Les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA),
signataires de l'accord de paix de 2015, exigent la libération de leurs
combattants arrêtés le 23 avril à Chimam, dans le nord-est du Mali. L'armée
malienne les considère comme des « terroristes », ce que réfute la CMA. Mais
leurs propres alliés du Gatia, autre groupe armé signataire de l'accord, leur
demandent à présent des explications.
La Coordination des mouvements de
l'Azawad (CMA) hausse le ton, cinq jours après l'arrestation de douze de ses
combattants. Deux d'entre eux avaient été libérés dès le lendemain soir, ceux
qui avaient été intégrés à l'armée malienne dans le cadre de l'accord de paix
de 2015. Les dix autres sont en revanche toujours détenus et considérés comme
des « terroristes » par Bamako.
Dans un communiqué daté de jeudi
27 et diffusé ce 28 avril, la CMA accuse les « Fama (Forces armées maliennes)
et leurs partenaires de Wagner » d'avoir interpelé ses combattants alors qu'ils
étaient « munis de leur ordre de mission », et d'avoir à cette occasion «
séquestré des populations civiles » à qui ils auraient même volé « une
importante somme d'argent ».
« Éventuelles conséquences »
La CMA « dément catégoriquement
tout lien avec les terroristes », exige la libération de ses hommes « avec
leurs armes » et la restitution de « l'argent spolié ». Menaçants, les
ex-rebelles mettent en garde contre « les éventuelles conséquences » pouvant «
découler de tels agissements ».
Avant-hier, Ahmed Attaf, le
ministre des Affaires étrangères de l'Algérie, chef de file de la médiation
internationale pour l'accord de paix de 2015, était à Bamako. Aucune mention de
ce dossier dans le communiqué officiel de la Présidence malienne, même s'il en
a vraisemblablement été question.
Sollicités par RFI, les
ministères maliens de la Réconciliation nationale, en charge de l'accord de paix,
de la Défense, et l'armée malienne, n'ont pas donné suite.
« Personne ne peut se promener à Chimam sans être membre de l’État
islamique au Sahel »
En revanche, c'est le Secrétaire
général du Gatia, autre groupe armé du Nord membre de la plateforme,
théoriquement alliée de la CMA, qui a choisi de réagir publiquement. Et Fahad
Ag Almahmoud demande à son tour des comptes à la CMA. « Personne ne peut se promener
ces jours-ci à Chimam sans être membre de l’État islamique au Sahel », écrit-il
ce matin sur son compte Twitter, qualifiant lui aussi les combattants de la CMA
interpelés le 23 avril dernier de « terroristes ». Il exige donc « des
explications » de la part de la CMA.
Joints par RFI, plusieurs cadres
de la Plateforme s'interrogent – sans apporter de précisions – sur la présence
de combattants de la CMA, a fortiori armés, dans cette zone sur laquelle le
groupe État islamique a récemment assis sa domination.
Un début de fissure dans le front
jusqu'ici uni des groupes armés du Nord. La CMA et la Plateforme sont depuis
des mois parfaitement solidaires dans leur opposition aux autorités maliennes
de transition, qu'elles jugent responsables de l'enlisement de l'application de
l'accord de paix de 2015. Ces dissensions nouvelles, si elles perduraient,
pourraient affaiblir les groupes armés du Nord signataire dans le bras de fer
qui les oppose actuellement à Bamako.
Groupes signataires, al-Qaïda et État islamique
Depuis plus d'un an, la branche
sahélienne du groupe État islamique (EIS) est à l'offensive dans le nord du
Mali. Les groupes de la Plateforme sont en première ligne depuis le début de
cette offensive pour défendre les civils. La CMA a également pris position
contre les massacres perpétrés par l'EIS.
Sans mettre en œuvre les mêmes
moyens militaires pour la contrer que ses alliés de la plateforme, les dirigeants
de la CMA joints par RFI considèrent que la progression du groupe jihadiste
constitue une menace pour son fief de Kidal.
La CMA compte parmi ses
dirigeants d'anciens membres d'Ansar Dine, qui avaient quitté ce groupe
jihadiste allié d'al-Qaïda en 2013 pour former le HCUA (aujourd'hui intégré à
la CMA) et se joindre aux négociations de paix avec le gouvernement malien.
Fin 2022-début 2023, Iyad ag
Ghaly, chef d'Ansar Dine et du Jnim, le Groupe de soutien à l'Islam et aux
musulmans, allié d'al-Qaïda au Maghreb islamique, a rencontré des chefs de la
Plateforme et de la CMA pour leur proposer une sorte de pacte de non-agression
temporaire afin de concentrer leurs moyens respectifs contre l’EIS.
Dans un message audio qui circule
depuis plusieurs jours, Youssouf Ould Chouaib, un des principaux chefs de cet
État islamique au Sahel, s'adresse aux groupes armés du Nord, pour les
enjoindre de déposer les armes ou de rejoindre les rangs de l'EIS.