Le rapport onusien détaillé et conçu sur des témoignages de groupes et
individuels, et des images satellitaires, est accablant pour les militaires
maliens et des combattants étrangers. Ceux-ci seraient les auteurs du massacre
de 500 personnes au moins, dont une vingtaine de femmes et sept enfants, selon
le rapport bien fouillé de l’ONU, sur les événements macabres dont le village
de Moura, au Mali, fut le théâtre en mars 2022. L’horreur avait soulevé
stupeur et indignation, non seulement au sein des Maliens endeuillés au
quotidien par les attaques terroristes, mais aussi au niveau de la communauté
internationale. Les autorités maliennes qui avaient promis des investigations
et la lumière sur cette tuerie de masse, sont restées atones et aphones, alors
qu’elles ont retrouvé leur verve et leur fiel habituels pour contester le
rapport documenté à souhait de l’ONU.
Et comme à l’accoutumée, à court
d’argument parce qu’ayant fait l’option de la propagande son mode privilégié de
gouvernance, la junte malienne rejette les chiffres de l’ONU et accuse le modus
operandi de prise d’image par satellites qui a également servi à crédibiliser
les enquêtes de l’institution internationale pour rendre son rapport
inattaquable. Mais il en faut visiblement plus pour décourager la junte qui
continue de s’empêtrer dans le dilatoire au lieu de prouver qu’aucun
«ressortissant civil de Moura n’a perdu la vie» et que «parmi les morts, il n’y
avait que des combattants terroristes».
Tous les Maliens auraient
applaudi des mains et des pieds l’armée malienne et ses supplétifs étrangers,
s’ils avaient réellement débarrassé les populations meurtries, de 500
terroristes. Ce qui conforterait, du reste, la «montée en puissance» des Forces
armées maliennes (FAMa) criée sur tous les toits par le colonel Assimi Goïta et
ses lieutenants. Sans doute que, même l’ONU, dont le Mali est un membre à part
entière, et non un membre entier à part comme est en train de le faire devenir
la junte, aurait tressé des lauriers au pouvoir kaki de Bamako, bien que
celui-ci se soit érigé en champion dans la diversion. Tout porte à croire que
la junte se satisfait de la portion congrue du «Mali ba»-le grand Mali- qu’elle
dirige, à l’abri des regards portés sur la démocratie et le respect des droits
et libertés des populations.
D’ailleurs, dans la chasse
qu’elle a ouverte contre la presse nationale et internationale et les ONGs qui
peuvent contredire sa campagne de propagande, malheureusement suicidaire pour
le peuple, c’est un secret de polichinelle, la prochaine cible de la junte,
semble bien être l’ONU, à travers la Mission multidimensionnelle intégrée des
Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Donc la publication de
ce rapport est visiblement du pain béni pour les militaires dont l’envie de
casser du «casque bleu» afin de vivre le grand amour avec leurs partenaires
russes, ne fait plus l’ombre d’aucun doute.
Certes, nul ne saurait imposer à
un pays souverain, encore moins au Mali de Soundjata Keïta, ses choix
politiques et de partenaires extérieurs. Seulement, quand ces fameux
partenaires, sont désignés par la communauté internationale comme des éléments
du groupe de sécurité privée russe Wagner accusés de nombreuses exactions dans
tous les pays où ils s’implantent, il y a de quoi craindre pour la vie des
Maliens et Maliennes. Qui plus est, la stabilité, la paix et la cohésion
sociale de la sous-région ne cessent de se dégrader, compte tenu des options du
Mali en matière de coopération internationale. De plus, alors que les
populations maliennes continuent de souffrir des attaques terroristes de
militants armés dont ceux de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et du
Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui font la loi sur la
majorité du territoire malien et opèrent et menacent désormais tout le Golfe de
Guinée, il y a bien de quoi crier haro sur le baudet et sauver ce qui peut
encore l’être de la quiétude des populations dans la sous-région. La junte au
pouvoir au Mali doit donc, courageusement, faire face à la réalité au lieu de
seriner, à tout moment sa chanson préférée de «tentative de désinformation et
de déstabilisation», de «complot militaire», d’«espionnage, atteinte à la
sûreté extérieure de l’Etat», etc., dont les auteurs «sont passibles de la
peine de mort».
L’épouvantail des menaces à tout
vent agité par la junte militaire n’effraie plus, car frisant trop le ridicule.
Il urge plutôt, pour l’Afrique de l’ouest, de mettre les forces militaires et
de développement ensemble, pour bouter les assaillants hors du territoire
malien et songer à rendre le pouvoir aux civils après des élections ouvertes
que la junte militaire a promises pour février 2024. Le peuple malien et ses
voisins unis par des liens séculaires d’entente, méritent enfin de respirer
l’air de la liberté et de la paix! Et ça, la junte militaire malienne doit en
prendre sérieusement conscience.
WS