Le président de l’UFD a presque volé la vedette à la star du jour. Il a
été le seul député présent lors du vote de ce mercredi, ayant sanctionné la
déclaration de politique générale du Premier ministre, à avoir rejeté la
prestation du Dr Ibrahima Kassory Fofana. Avant ledit vote, Mamadou Baadiko Bah
avait énoncé ce qu’il a intitulé : « Questions et réflexions après le
discours sur la Politique générale du Gouvernement ». Lisez l’intégralité
des observations du snipper du parlement guinéen !
Mamadou Baadiko BAH
Député 9ème Législature Assemblée
Nationale Guinée
QUESTIONS ET REFLEXIONS APRES LE
DISCOURS SUR LA POLITIQUE GENERALE DU GOUVETNEMENT
7 avril 2021 (Approuvé par 90 voix pour et 1 contre)
Monsieur le Président, Honorables collègues, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Messieurs les Ambassadeurs
1. Les questions d’éthique de gouvernement : les audits, le
contrôle des effectifs
Comme nous le savons tous, la
Guinée, depuis sa fondation en 1958 est entièrement dominée et pillée par la
bourgeoisie bureaucratique qui l’a mise en coupe réglée, jusqu’à la ruine
économique et morale, en complicité avec des intérêts locaux et étrangers, avec
la corruption systématique, l’enrichissement illicite, la prévarication. Cette
situation illustrée par l’apparition depuis quelque temps des
« Nouveaux riches » en Guinée a engendré une misère
indescriptible pour la grande majorité de la population et l’explosion des
inégalités sociales. Aucune œuvre de développement n’est donc imaginable, tant
qu’on ne s’attaquera pas à fond à ces fléaux, en mettant fin à l’impunité, à tous
les niveaux.
Or, depuis quelques mois nous
avons entendu beaucoup de proclamations sur la volonté du pouvoir de passer
enfin à l’action. Des audits et des contrôles de toutes sortes ont été
annoncés. Cf. compte rendu Conseil des ministres 19/11/2020.
Question : Où en sont ces audits ? Où en est la purge annoncée
de la fonction publique guinéenne, afin d’éliminer les emplois fictifs, dans un
pays où personne n’est capable de dire quel est l’effectif réel des serviteurs
de l’Etat, tous corps confondus ?
2. La déclaration de patrimoine
Toujours dans le sens du respect
strict de la Constitution, base de la démocratie et de l’Etat de droit, nous
avons le lancinant problème de la déclaration de patrimoine des dirigeants. Des
dispositions très claires étaient pourtant contenues dans la Constitution de
2010, base juridique et morale des deux premiers mandats du président Alfa
Kondé. Or, pendant dix ans et malgré nos incessants rappels, dénonciations et
interpellations, rien n’a été fait. La Constitution a ainsi été violée
ouvertement, sans qu’il ne se passe rien. Curieusement, les mêmes obligations
ont été reprises par la Constitution du 22 mars 2020, en son article 49.
L’ordonnance de la Cour constitutionnelle n°002/P/CC/2021 du 2février 2021 a même
précisé les modalités de cette déclaration.
Question : Toutes les personnes astreintes à cette obligation légale
ont-elles fait leur déclaration et dans quels numéros du Journal officiel
peut-on consulter ces documents ?
En tout état de cause, nous
considérerons les déclarations non publiées comme nulles et nulles d’effet et
le peuple aura le droit légitime de dénoncer comme présumés voleurs, prédateurs
et corrompus, toutes les personnes astreintes à cette obligation et qui s’y
soustrairaient. Malheur à ceux qui pensent qu’ils peuvent ruser indéfiniment
avec le peuple !
3. Les retraités dans la misère
Nous sommes interpelés par de
pauvres retraités de la Hiérarchie B qui touchent par mois 500 000 FG,
après une augmentation de 100 000 FG en 2012. Par simple comparaison,
cette somme représente à peine le SMIG et une journée du salaire d’un député.
Pire, au cours actuel, il correspond à 1,66 dollar par jour. Selon les normes
de la Banque mondiale dont nos dirigeants adorent le jargon sophistiqué, le
seuil de l’extrême pauvreté est fixé à 1,9 USD. Il y aurait donc en Guinée des
dizaines de milliers d’anciens serviteurs de l’Etat, dans ce cas. C’est
insupportable, à tous points de vue.
Question : qu’attend le
gouvernement pour purger la Solde des fictifs afin de doubler immédiatement les
pensions des retraités et d’augmenter substantiellement les salaires de la
Fonction publique ?
4. Autoroute Coyah-Dabola en panne
Comme on le sait, la Guinée a
probablement le triste privilège d’avoir le plus mauvais réseau routier
d’Afrique. Sans le crier sur les toits et en dépit du scepticisme ambiant sur
le sort des promesses du régime du président Alfa Kondé, nous avions bien accueilli
l’annonce du Projet d’autoroute Coyah-Dabola. La première bizarrerie constatée
était le lancement des travaux en même temps sur tout le tracé. Pourquoi ne pas
y aller pas à pas, avec des tronçons limités ? Deuxième bizarrerie,
comment expliquer que progressivement, sans crier gare, les travaux de
percement de l’autoroute Coyah-Dabola se sont transformés en
réfection-élargissement de l’ancienne route. Tout le monde se souvient du
calvaire vécu par les millions d’usagers sur cette route pendant l’hivernage
2019. A présent, les travaux sont purement et simplement arrêtés, sans aucune
explication ! En ce moment, en saison sèche, avec les nuages de poussière
et les trous, voyager sur cet axe est un véritable supplice pour les hommes et
le matériel. Qu’en sera-t-il dans deux-trois mois, avec le retour des grandes
pluies.
Question : que se passe-t-il exactement sur ce chantier ?
Quand sera-t-il achevé ?
Si rien n’est fait, il y a de
fortes chances que cette route soit bientôt coupée, le pays avec. Des millions
de pauvres usagers se demandent donc avec inquiétude :
qu’adviendra-t-il de ce chantier qui avait suscité tant d’espoirs et qui est stoppé ?
5. Le désastre environnemental guinéen
La Guinée vit aujourd’hui un
véritable désastre environnemental. Au massacre de la végétation par des
populations abandonnées à elles-mêmes et inconscientes des effets néfastes de
la déforestation, l’exploitation commerciale sauvage du bois, l’absence totale
de reboisement, s’est ajoutée l’exploitation et le transport des minerais à
ciel ouvert. En 2016, le gouvernement a ordonné l’arrêt de la coupe commerciale
du bois. Aucune mesure palliative comme l’importation de bois d’oeuvre ou la
promotion du gaz domestique pour arrêter la production de charbon de bois
n’était prise. La promotion des briques en terre stabilisée au lieu des briques
en terre cuite vorace en bois de chauffe est ignorée. Le gouvernement capitula
en rase campagne face aux lobbies et avala sa mesure. Aujourd’hui, plus que
jamais la destruction systématique du couvert végétal et à vitesse accélérée se
poursuit. Dans la moindre localité du pays, la plupart des fonctionnaires et
les nantis ont des tronçonneuses qui crépitent nuit et jour, sous la
bénédiction des « gardes forestiers ». Les conséquences désastreuses se
font déjà bien ressentir : baisse sérieuse de la pluviométrie qui réduit
les rendements agricoles, baisse de la nappe phréatique, avec l’assèchement des
voies d’eau, des puits et des forages de janvier à juin, etc. Et tout ceci sans compter les ravages énormes
causés par l’exploitation minière sauvage.
Question: quand est ce que le gouvernement va-t-il faire respecter les
règles environnementales aux miniers et aux cimentiers, etc. ?
Question : à quand la
suspension immédiate de toute exploitation commerciale du bois, afin de
régénérer le couvert végétal dangereusement menacé, avec ce processus devenu
presque irréversible de sahélisation de notre beau pays de savanes ?
Question : à quand l’introduction massive du gaz domestique à prix
subventionné pour arrêter définitivement la production de charbon de bois?
Et pourquoi la société ORYX chargée de la production de gaz domestique a-t-elle
plié bagages ?
Les générations futures jugeront
sévèrement, nous en sommes sûrs, tous les dirigeants ou les élites en général qui
auront détruit leur avenir, par inconscience, irresponsabilité ou cupidité. Plus
que jamais, il faut rappeler avec force : Gouverner, c’est prévoir.
6. La non-application des lois : exemple Médicrime ignorée
Nous n’avons cessé et ne
cesserons pas de dénoncer le fait que ce gouvernement est spécialiste pour
faire voter de très bonnes lois, mais sans les appliquer. Il en est ainsi de
cette fameuse loi dite Médicrime, votée il y a trois ans et pourtant reconnue vitale
pour la santé des populations, surtout les plus pauvres. De très gros intérêts
mafieux règnent en maîtres sur ce secteur plus juteux que le narco-trafic, avec
des complicités solidement postées depuis des décennies au ministère de la
santé. Un rapide tour dans nos marchés à Conakry montre que les boutiques
vendant des faux médicaments sont toujours en place, malgré ce qui nous a été
dit il y a quelques jours, à la suite de la grève des pharmaciens.
Question : qu’attend le gouvernement pour enfin appliquer cette
loi ?
7. L’énergie : Souapiti pour quoi faire ?
Selon des informations non
officielles, le Sénégal et le Mali qui étaient censés être des clients du
courant de Souapiti en cours d’achèvement, se seraient désistés. Des gros
consommateurs et un nombre incalculable de gens hauts placés ne paient pas le
courant. Sauf erreur, toute l’administration et les logements administratifs ne
paient pas le courant. Et tout leur profite de la gratuité du courant en se
branchant là-dessus. EDG n’est jamais sortie de la corruption, c'est-à-dire la
vente du courant par des branchements clandestins. VEOLIA qui avait un contrat
de gestion d’EDG, a plié bagages sans crier gare. Ce partenaire qui avait
engagé une lutte sans merci contre ce fléau a fini par jeter l’éponge.
Question : Pourquoi ne pas inscrire au budget 2022 toutes les
consommations d’électricité de la puissance publique y compris le palais
présidentiel et éduquer le consommateur guinéen d’électricité pour qu’il paie sa
consommation ?
Question : Que compte faire
le gouvernement pour rentabiliser ces
barrages? Maintenant que nous aurons de l’électricité en grande
quantité, pourquoi ne pas imposer à toutes les entreprises minières de
s’associer en consortium pour créer des raffineries de production de métal
(aluminium et fer), afin de retenir cette énorme valeur ajoutée ici et sortir
enfin de ce système néo-colonial d’exploitation où le peuple perd définitivement
toutes ses richesses et s’enfonce dans le sous-développement, la dépendance et
la misère ?
Je vous remercie. Les point 3 à 7
n’ont pas été lus en séance, faute de temps – 3minutes.
Mamadou
Baadiko BAH
Député à l’Assemblée
nationale – Conakry le 7 avril 2021