Mamadou Baadiko Bah : « Où en sont ces audits ? Où en est la purge annoncée de la fonction publique guinéenne »

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  • 08 avril 2021 11:58

  • Politique

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Le président de l’UFD a presque volé la vedette à la star du jour. Il a été le seul député présent lors du vote de ce mercredi, ayant sanctionné la déclaration de politique générale du Premier ministre, à avoir rejeté la prestation du Dr Ibrahima Kassory Fofana. Avant ledit vote, Mamadou Baadiko Bah avait énoncé ce qu’il a intitulé : « Questions et réflexions après le discours sur la Politique générale du Gouvernement ». Lisez l’intégralité des observations du snipper du parlement guinéen !

Mamadou Baadiko BAH

Député 9ème Législature Assemblée Nationale Guinée     

QUESTIONS ET REFLEXIONS APRES LE DISCOURS SUR LA POLITIQUE GENERALE DU GOUVETNEMENT  

7 avril  2021 (Approuvé par 90 voix pour et 1 contre)

Monsieur le Président, Honorables collègues, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Messieurs les Ambassadeurs

1. Les questions d’éthique de gouvernement : les audits, le contrôle des effectifs

Comme nous le savons tous, la Guinée, depuis sa fondation en 1958 est entièrement dominée et pillée par la bourgeoisie bureaucratique qui l’a mise en coupe réglée, jusqu’à la ruine économique et morale, en complicité avec des intérêts locaux et étrangers, avec la corruption systématique, l’enrichissement illicite, la prévarication. Cette situation illustrée par l’apparition depuis quelque temps des « Nouveaux riches » en Guinée a engendré une misère indescriptible pour la grande majorité de la population et l’explosion des inégalités sociales. Aucune œuvre de développement n’est donc imaginable, tant qu’on ne s’attaquera pas à fond à ces fléaux, en mettant fin à l’impunité, à tous les niveaux.

Or, depuis quelques mois nous avons entendu beaucoup de proclamations sur la volonté du pouvoir de passer enfin à l’action. Des audits et des contrôles de toutes sortes ont été annoncés. Cf. compte rendu Conseil des ministres 19/11/2020.

Question : Où en sont ces audits ? Où en est la purge annoncée de la fonction publique guinéenne, afin d’éliminer les emplois fictifs, dans un pays où personne n’est capable de dire quel est l’effectif réel des serviteurs de l’Etat, tous corps confondus ?

 

2. La déclaration de patrimoine

Toujours dans le sens du respect strict de la Constitution, base de la démocratie et de l’Etat de droit, nous avons le lancinant problème de la déclaration de patrimoine des dirigeants. Des dispositions très claires étaient pourtant contenues dans la Constitution de 2010, base juridique et morale des deux premiers mandats du président Alfa Kondé. Or, pendant dix ans et malgré nos incessants rappels, dénonciations et interpellations, rien n’a été fait. La Constitution a ainsi été violée ouvertement, sans qu’il ne se passe rien. Curieusement, les mêmes obligations ont été reprises par la Constitution du 22 mars 2020, en son article 49. L’ordonnance de la Cour constitutionnelle n°002/P/CC/2021 du 2février 2021 a même précisé les modalités de cette déclaration.

Question : Toutes les personnes astreintes à cette obligation légale ont-elles fait leur déclaration et dans quels numéros du Journal officiel peut-on consulter ces documents ?

En tout état de cause, nous considérerons les déclarations non publiées comme nulles et nulles d’effet et le peuple aura le droit légitime de dénoncer comme présumés voleurs, prédateurs et corrompus, toutes les personnes astreintes à cette obligation et qui s’y soustrairaient. Malheur à ceux qui pensent qu’ils peuvent ruser indéfiniment avec le peuple !

 

3. Les retraités dans la misère

Nous sommes interpelés par de pauvres retraités de la Hiérarchie B qui touchent par mois 500 000 FG, après une augmentation de 100 000 FG en 2012. Par simple comparaison, cette somme représente à peine le SMIG et une journée du salaire d’un député. Pire, au cours actuel, il correspond à 1,66 dollar par jour. Selon les normes de la Banque mondiale dont nos dirigeants adorent le jargon sophistiqué, le seuil de l’extrême pauvreté est fixé à 1,9 USD. Il y aurait donc en Guinée des dizaines de milliers d’anciens serviteurs de l’Etat, dans ce cas. C’est insupportable, à tous points de vue.

Question : qu’attend le gouvernement pour purger la Solde des fictifs afin de doubler immédiatement les pensions des retraités et d’augmenter substantiellement les salaires de la Fonction publique ?  

 

4. Autoroute Coyah-Dabola en panne

Comme on le sait, la Guinée a probablement le triste privilège d’avoir le plus mauvais réseau routier d’Afrique. Sans le crier sur les toits et en dépit du scepticisme ambiant sur le sort des promesses du régime du président Alfa Kondé, nous avions bien accueilli l’annonce du Projet d’autoroute Coyah-Dabola. La première bizarrerie constatée était le lancement des travaux en même temps sur tout le tracé. Pourquoi ne pas y aller pas à pas, avec des tronçons limités ? Deuxième bizarrerie, comment expliquer que progressivement, sans crier gare, les travaux de percement de l’autoroute Coyah-Dabola se sont transformés en réfection-élargissement de l’ancienne route. Tout le monde se souvient du calvaire vécu par les millions d’usagers sur cette route pendant l’hivernage 2019. A présent, les travaux sont purement et simplement arrêtés, sans aucune explication ! En ce moment, en saison sèche, avec les nuages de poussière et les trous, voyager sur cet axe est un véritable supplice pour les hommes et le matériel. Qu’en sera-t-il dans deux-trois mois, avec le retour des grandes pluies.

Question : que se passe-t-il exactement sur ce chantier ? Quand sera-t-il achevé ?

Si rien n’est fait, il y a de fortes chances que cette route soit bientôt coupée, le pays avec. Des millions de pauvres usagers se demandent donc avec inquiétude : qu’adviendra-t-il de ce chantier qui avait suscité tant d’espoirs et qui est stoppé ?

 

5. Le désastre environnemental guinéen

La Guinée vit aujourd’hui un véritable désastre environnemental. Au massacre de la végétation par des populations abandonnées à elles-mêmes et inconscientes des effets néfastes de la déforestation, l’exploitation commerciale sauvage du bois, l’absence totale de reboisement, s’est ajoutée l’exploitation et le transport des minerais à ciel ouvert. En 2016, le gouvernement a ordonné l’arrêt de la coupe commerciale du bois. Aucune mesure palliative comme l’importation de bois d’oeuvre ou la promotion du gaz domestique pour arrêter la production de charbon de bois n’était prise. La promotion des briques en terre stabilisée au lieu des briques en terre cuite vorace en bois de chauffe est ignorée. Le gouvernement capitula en rase campagne face aux lobbies et avala sa mesure. Aujourd’hui, plus que jamais la destruction systématique du couvert végétal et à vitesse accélérée se poursuit. Dans la moindre localité du pays, la plupart des fonctionnaires et les nantis ont des tronçonneuses qui crépitent nuit et jour, sous la bénédiction des « gardes forestiers ». Les conséquences désastreuses se font déjà bien ressentir : baisse sérieuse de la pluviométrie qui réduit les rendements agricoles, baisse de la nappe phréatique, avec l’assèchement des voies d’eau, des puits et des forages de janvier à juin, etc.  Et tout ceci sans compter les ravages énormes causés par l’exploitation minière sauvage. 

Question: quand est ce que le gouvernement va-t-il faire respecter les règles environnementales aux miniers et aux cimentiers, etc. ? 

Question : à quand la suspension immédiate de toute exploitation commerciale du bois, afin de régénérer le couvert végétal dangereusement menacé, avec ce processus devenu presque irréversible de sahélisation de notre beau pays de savanes ?

Question : à quand l’introduction massive du gaz domestique à prix subventionné pour arrêter définitivement la production de charbon de bois? Et pourquoi la société ORYX chargée de la production de gaz domestique a-t-elle plié bagages ?

Les générations futures jugeront sévèrement, nous en sommes sûrs, tous les dirigeants ou les élites en général qui auront détruit leur avenir, par inconscience, irresponsabilité ou cupidité. Plus que jamais, il faut rappeler avec force : Gouverner, c’est prévoir.

6. La non-application des lois : exemple Médicrime ignorée

Nous n’avons cessé et ne cesserons pas de dénoncer le fait que ce gouvernement est spécialiste pour faire voter de très bonnes lois, mais sans les appliquer. Il en est ainsi de cette fameuse loi dite Médicrime, votée il y a trois ans et pourtant reconnue vitale pour la santé des populations, surtout les plus pauvres. De très gros intérêts mafieux règnent en maîtres sur ce secteur plus juteux que le narco-trafic, avec des complicités solidement postées depuis des décennies au ministère de la santé. Un rapide tour dans nos marchés à Conakry montre que les boutiques vendant des faux médicaments sont toujours en place, malgré ce qui nous a été dit il y a quelques jours, à la suite de la grève des pharmaciens.

Question : qu’attend le gouvernement pour enfin appliquer cette loi ?

 

7. L’énergie : Souapiti pour quoi faire ?

Selon des informations non officielles, le Sénégal et le Mali qui étaient censés être des clients du courant de Souapiti en cours d’achèvement, se seraient désistés. Des gros consommateurs et un nombre incalculable de gens hauts placés ne paient pas le courant. Sauf erreur, toute l’administration et les logements administratifs ne paient pas le courant. Et tout leur profite de la gratuité du courant en se branchant là-dessus. EDG n’est jamais sortie de la corruption, c'est-à-dire la vente du courant par des branchements clandestins. VEOLIA qui avait un contrat de gestion d’EDG, a plié bagages sans crier gare. Ce partenaire qui avait engagé une lutte sans merci contre ce fléau a fini par jeter l’éponge.  

Question : Pourquoi ne pas inscrire au budget 2022 toutes les consommations d’électricité de la puissance publique y compris le palais présidentiel et éduquer le consommateur guinéen d’électricité pour qu’il paie sa consommation ?

Question : Que compte faire le gouvernement pour rentabiliser ces  barrages? Maintenant que nous aurons de l’électricité en grande quantité, pourquoi ne pas imposer à toutes les entreprises minières de s’associer en consortium pour créer des raffineries de production de métal (aluminium et fer), afin de retenir cette énorme valeur ajoutée ici et sortir enfin de ce système néo-colonial d’exploitation où le peuple perd définitivement toutes ses richesses et s’enfonce dans le sous-développement, la dépendance et la misère ?

Je vous remercie. Les point 3 à 7 n’ont pas été lus en séance, faute de temps – 3minutes.

                             Mamadou Baadiko BAH  

                           Député à l’Assemblée nationale – Conakry le 7 avril 2021

 

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