Mandats illimités en Afrique: l’Archange centrafricain va-t-il succomber au démon?

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  • 31 mai 2022 10:14

  • Politique

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A la suite des caciques du parti au pouvoir et avec l’encouragement des représentants des groupes parlementaires acquis à la cause de la majorité présidentielle, Brice Kévin Kpakpayen n’a certainement pas mesuré la portée de l’acte suicidaire pour la Centrafrique qu’il posait. Poussé par cette adrénaline qui permet aux sportifs de réaliser les plus grands exploits, le député lui posera un acte bien piteux, sous la forme de l’introduction d’un projet de modification de plusieurs articles de la Constitution, toute chose qui devrait exploser le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels.

Comme si le pays n’avait pas assez de soucis à se faire avec les affrontements réguliers entre groupes de guerriers et autres milices, l’élu met en branle la machine de charcutage de la loi fondamentale afin d’ouvrir la voie de la présidence à vie à Faustin-Archange Touadéra. Car le processus est classique et ne trompe plus sous les tropiques! Un parti politique ou le «peuple», c’est-à-dire des partisans zélés et des personnes très intéressées sur lesquelles le pouvoir fait tomber une pluie de billets de banque, ou encore un individu chargé de la basse besogne, portent, grossièrement, la volonté du prince. Comme vient de le faire Brice Kévin Kpakpayen!

La Centrafrique voudrait faire un pied de nez à l’Union africaine qu’elle ne s’y prendrait pas autrement! En effet, les lampions se sont à peine éteints sur le sommet extraordinaire de l’UA à Malabo qui condamnait le terrorisme, s’inquiétait des crises humanitaires et bannissait la mauvaise gouvernance et les tripatouillages de constitutions qui aboutissent inévitablement à des putschs militaires, que la République centrafricaine allume une nouvelle mèche. Pourtant, l’homme providentiel n’est pas de ce monde, encore moins le dirigeant éternel qui doit terminer les chantiers qu’il a lancés sous son règne. Non seulement l’Etat est, et doit être, continuité, mais en plus, tant que les pays ne sont pas dotés d’institutions fortes, ils ne peuvent se permettre de fonctionner sans des garde-fous et verrous bien sécurisés, comme la limitation des mandats, souvent à deux.

L’expérience a, du reste, montré que ce soit au Niger de Mamadou Tandja, au Burkina Faso de Blaise Compaoré ou plus récemment la Guinée de Alpha Condé, que ces coups de poignard contre la Constitution dans le but de prolonger la longévité du locataire du palais présidentiel, n’ont jamais porté bonheur à celui-ci, encore moins au pays. A l’instar des putschs militaires, et souvent plus que ceux-ci, les troisièmes mandats et plus si affinité, obtenus après modifications constitutionnelles, sont autant mortifères et crisogènes, voire chaotiques, que les prises de pouvoir par les armes.

Pour en emprunter au président nigérien Mohamed Bazoum, les coups d’Etat «constituent assurément un facteur de régression pour l’Etat de droit et la démocratie et exposent les pays à des périls inédits». Avec la Centrafrique qui compte prendre pour modèles ses voisins de la sous-région, comme le Cameroun, le Congo ou le Gabon où «cette limitation de mandat n’existe pas» à en croire le député centrafricain, partisan des mandats illimités, l’Union Africaine a encore de nombreux sommets à organiser, pour instaurer durablement les changements de pouvoir dans les balises fixées par la Constitution. D’ailleurs, en attendant que les desseins cachés de certains chefs de l’Etat soient dévoilés, il est déjà prêté, à tort ou à raison, à certains d’entre eux, l’intention de modifier leur loi fondamentale pour prolonger leurs mandats.

Dans cette Centrafrique très chrétienne, il faudrait sans doute initier de nombreuses séances de désenvoûtement pour libérer l’Archange des liens du démon de tripatouillage de la Constitution.

W S 

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