A la suite des caciques du parti au pouvoir et avec l’encouragement des
représentants des groupes parlementaires acquis à la cause de la majorité
présidentielle, Brice Kévin Kpakpayen n’a certainement pas mesuré la portée de
l’acte suicidaire pour la Centrafrique qu’il posait. Poussé par cette
adrénaline qui permet aux sportifs de réaliser les plus grands exploits, le
député lui posera un acte bien piteux, sous la forme de l’introduction d’un
projet de modification de plusieurs articles de la Constitution, toute chose
qui devrait exploser le verrou de la limitation du nombre de mandats
présidentiels.
Comme si le pays n’avait pas
assez de soucis à se faire avec les affrontements réguliers entre groupes de
guerriers et autres milices, l’élu met en branle la machine de charcutage de la
loi fondamentale afin d’ouvrir la voie de la présidence à vie à Faustin-Archange
Touadéra. Car le processus est classique et ne trompe plus sous les tropiques!
Un parti politique ou le «peuple», c’est-à-dire des partisans zélés et des
personnes très intéressées sur lesquelles le pouvoir fait tomber une pluie de
billets de banque, ou encore un individu chargé de la basse besogne, portent,
grossièrement, la volonté du prince. Comme vient de le faire Brice Kévin
Kpakpayen!
La Centrafrique voudrait faire un
pied de nez à l’Union africaine qu’elle ne s’y prendrait pas autrement! En effet,
les lampions se sont à peine éteints sur le sommet extraordinaire de l’UA à
Malabo qui condamnait le terrorisme, s’inquiétait des crises humanitaires et
bannissait la mauvaise gouvernance et les tripatouillages de constitutions qui
aboutissent inévitablement à des putschs militaires, que la République
centrafricaine allume une nouvelle mèche. Pourtant, l’homme providentiel n’est
pas de ce monde, encore moins le dirigeant éternel qui doit terminer les
chantiers qu’il a lancés sous son règne. Non seulement l’Etat est, et doit
être, continuité, mais en plus, tant que les pays ne sont pas dotés
d’institutions fortes, ils ne peuvent se permettre de fonctionner sans des
garde-fous et verrous bien sécurisés, comme la limitation des mandats, souvent
à deux.
L’expérience a, du reste, montré
que ce soit au Niger de Mamadou Tandja, au Burkina Faso de Blaise Compaoré ou
plus récemment la Guinée de Alpha Condé, que ces coups de poignard contre la
Constitution dans le but de prolonger la longévité du locataire du palais
présidentiel, n’ont jamais porté bonheur à celui-ci, encore moins au pays. A
l’instar des putschs militaires, et souvent plus que ceux-ci, les troisièmes
mandats et plus si affinité, obtenus après modifications constitutionnelles,
sont autant mortifères et crisogènes, voire chaotiques, que les prises de
pouvoir par les armes.
Pour en emprunter au président
nigérien Mohamed Bazoum, les coups d’Etat «constituent assurément un facteur de
régression pour l’Etat de droit et la démocratie et exposent les pays à des
périls inédits». Avec la Centrafrique qui compte prendre pour modèles ses
voisins de la sous-région, comme le Cameroun, le Congo ou le Gabon où «cette
limitation de mandat n’existe pas» à en croire le député centrafricain,
partisan des mandats illimités, l’Union Africaine a encore de nombreux sommets
à organiser, pour instaurer durablement les changements de pouvoir dans les
balises fixées par la Constitution. D’ailleurs, en attendant que les desseins
cachés de certains chefs de l’Etat soient dévoilés, il est déjà prêté, à tort
ou à raison, à certains d’entre eux, l’intention de modifier leur loi
fondamentale pour prolonger leurs mandats.
Dans cette Centrafrique très chrétienne, il faudrait sans doute initier de nombreuses séances de désenvoûtement pour libérer l’Archange des liens du démon de tripatouillage de la Constitution.