Un homme a longtemps incarné la brutalité de la répression qui s’est
abattue sur l’opposition au stade de Conakry le 28 septembre 2009. Alors qu'il
est violenté par les forces de sécurité guinéennes, il est pris en photo. Le
cliché fait le tour du monde. Thierno Mamadou Diallo, c'est son nom, était
à la barre du tribunal criminel de Dixinn où, depuis 7 mois, sont jugés 11
prévenus pour leur rôle présumé dans le massacre qui a fait plus de 150 morts.
L’ancien chef de la junte, Moussa Dadis Camara, fait partie des accusés.
Treize ans plus tard, la Guinée redécouvre le visage de Thierno Mamadou Diallo, un peu plus ridé, mais le collier de barbe est toujours là, désormais grisonnant. « Nous sommes restés là-bas, on a observé beaucoup de choses, des gens qui criaient, jusqu’à ce qu’il y ait des tirs… », raconte le témoin.
Thierno Mamadou témoigne en
pulaar et un interprète traduit en français. Il raconte comment il a été raflé
par un pick-up des forces de sécurité et ramené, bien malgré lui, au stade. «
Certains ont tenté de fuir. » Lui aussi tente sa chance : « Et c’est à ce moment
qu’ils m’ont pris, voyez l’image qui est sortie. »
Devant la Cour, l’interprète
brandit le cliché de cette scène immortalisée par un photographe de l’AFP. Aux
abords du stade de Conakry, Thierno Mamadou est encadré par deux bérets verts
qui le tiennent fermement. Sur le cliché suivant, on lui assène un violent coup
de pied. La terreur se lit sur son visage.
« Quand je suis sorti de là-bas... mon image avait fait le
tour du monde, j’étais menacé. Je n’avais plus le courage de rester ici. »
Thierno Mamadou doit s’exiler. Il
part au Sénégal où il fait soigner sa blessure au genou, résultat des mauvais
traitements qu’il a subis lors de son arrestation et de sa détention. Il n’a
jamais voulu retourner vivre dans son pays.
Matthias Raynal